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Critique de frconstant


« Bonne élève » de Paula PORRONI est davantage le portrait d'une société qui se perd avant même de s'être vraiment cherchée que celui d'une diplômée en Histoire de l'Art qui, déclassée dans le monde creux qui est le sien, cherche à reprendre le chemin des études, bien moins pour atteindre que pour échapper.

La rigueur et la justesse de la description de cette vie bancale n'a d'égale que la pesante noirceur du sujet.

Elle est née en Argentine. Un père décédé a laissé un héritage considérable qui permet à la fille de retourner en Angleterre où elle a décroché, en son temps, un diplôme d'historienne de l'Art qui ne lui offre pas de débouché dans son pays natal. Elle repartira donc à la conquête d'elle-même dans cette Europe dispensatrice de diplômes. Elle en profitera pour mettre de la distance entre elle et sa mère. Et si elle ne trouve pas rapidement ce qu'elle cherche (mais est-elle seulement claire avec elle-même à ce propos ?), elle prolongera sa vie à l'étranger. Ce n'est pas tant la quantité d'argent disponible qui pose problème, c'est plutôt la surveillance qu'exerce sur elle sa mère en épluchant ses dépenses et l'utilisation de sa carte de crédit. Sa génitrice a beau la bombarder de ‘Coucou, chérie' ou de ‘Ma chérie, je suis contente d'avoir de tes nouvelles !'… elle semble pour autant avoir complètement oublié le prénom même de sa fille qu'elle ne nomme jamais. Et c'est là un premier noeud intéressant à observer. Pour avoir un nom, il faut être. Et pour être quelqu'un, il faut pouvoir le prouver par un rang social à tenir. Elle, la fille, n'a rien de cela. Elle n'a qu'une fonction dans ce récit, narratrice de sa décadence, de sa perte d'elle-même dans l'illusion qu'un travail ne peut que lui être promis, qu'une place ne peut que lui être offerte, qu'une existence digne, reconnue et prestigieuse ne peut manquer de souligner la bonne élève qu'elle a toujours été !
Mais le Monde ne tourne pas ainsi.

Paula PORRONI, par ailleurs nouvelliste, signe ici son premier roman. Traduit de l'espagnol (Argentine) par Marianne Million, il nous décortique la solitude des étudiants étrangers et leurs difficultés à sortir du mépris et du rejet des autochtones. L'autrice souligne la décrépitude d'une vie qui passe de chambre en chambre, sous le contrôle douteux de loueuses exploitantes ou de colocataires dépourvus de chaleur humaine à partager. L'écriture de Paula PORRONI ne chercha à aucun moment à plaire. Elle ne s'autorise aucune impasse. Ni les frustrations retenues des membres d'un jury, ni l'étalage de l'avoir et des caprices d'une amie Anna, ni les automutilations qu'une bonne élève, jeune paumée, peut s'infliger, ni les expériences sexuelles dénudées de sens, de reconnaissance mutuelle, a fortiori d'amour.

Le résultat est glaçant. On ne peut que rejeter une héroïne pareille. L'antihéros n'a pas le moindre côté sympathique à nous offrir. La quête de progrès est une descente aux enfers pour laquelle le lecteur ne peut qu'avoir envie de dire qu'elle, la bonne élève, l'a bien cherché. En tous cas, qu'elle n'a rien fait pour l'éviter !

Et vient le temps du questionnement. Ce roman ne nous raconte rien sur un personnage principal qui n'a même pas de nom… Mais ce roman nous en dit tant sur nous-mêmes, sur nos faussements de valeurs, nos oublis de ce que sont de vraies relations humaines, sur ce que nous pouvons réellement devenir… Bref, sur la vie – la nôtre ? – qui pourrait être celle d'hommes et de femmes debout !

« Bonne élève » est le type-même de roman qu'on n'aime pas … mais qui reste bien utile. Une sonnette d'alarme avant qu'il ne soit trop tard. Un son net appelant au sursaut avant les larmes !

Merci à NetGalley, France et aux Editions Noir sur blanc qui m'ont permis de découvrir ce roman noir bien utile.
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