Avril 2022, les élections présidentielles viennent d'avoir lieu et la candidate de la gauche, Martine Bordas, l'a emporté avec seulement cinquante mille voix d'avance sur l'extrême droite. Les législatives qui vont suivre s'annoncent décisives pour l'avenir du pays.
Gustav est un officier militaire sur le retour, ancien légionnaire, nostalgique de la « grandeur » de la France et de son empire colonial, qui enterre un des derniers protagonistes actifs du putsch d'Alger, une cérémonie perturbée par quelques jeunes extrémistes exaltés, au cri de « Algérie française ! Politiciens trahison ! »
Quant à Nina Meriem, il s'agit d'une jeune capitaine de police qui va bientôt prendre la direction de la cellule T5 de la DGSI, spécialisée dans la surveillance des mouvements violents proches de l'extrême droite. Fille d'un père Kabyle et d'une mère marocaine, elle a d'abord milité activement pour Amnisty International avant de bifurquer vers les forces de l'ordre dans l'espoir d'y trouver une plus grande efficacité dans son travail.
L'entame du roman est très éparpillée, pas de lien apparent entre les chapitres ou les personnages, sinon le contexte politique, les militaires et l'extrême droite. On patiente, en tentant de se rappeler sans confondre qui est qui et qui fait quoi.
Frédéric Potier procède par flashes, de courts chapitres en forme de coups de projecteur sur une partie de la mise en scène qu'il est en train de monter. Tel un patchwork, l'image générale se forme petit à petit : dans les hautes sphères du pouvoir, on s'inquiète de l'agitation qui s'installe dans les rangs de la « Grande Muette ». L'obligation de réserve n'est plus de mise et les langues se délient devant les « outrages » de la nouvelle équipe gouvernementale : retrait des troupes engagées à l'étranger, sortie de la stratégie de dissuasion nucléaire, baisse des budgets militaires, etc. La radicalisation de quelques éléments pourrait faire tache d'huile dans le contexte incertain et la menace a été clairement identifiée par les services de l'État. Reste à savoir si les politiques sont prêts à se saisir du problème afin d'éviter que la gangrène ne se propage…
À travers son parcours de haut fonctionnaire,
Frédéric Potier a côtoyé de nombreux cabinets ministériels dans les plus hautes sphères de l'État, pas étonnant qu'il s'inspire de ce microcosme pour l'écriture de sa première fiction. On ne peut lui dénier sa connaissance du sujet. Ses différents postes l'ont amené à travailler sur la haine qui se répand en général, et sur l'antisémitisme en particulier ; là encore, il sait de quoi il parle.
Fort de ses expériences, il construit une intrigue en forme de thriller « éclaté » à la manière d'un tableau impressionniste. Chacune des scènes de son récit constitue une touche qui, si elle n'est pas forcément explicite, vient compléter et enrichir la vue d'ensemble. de ce côté-là, il réussit plutôt pas mal son affaire et montre sa connaissance des rouages complexes de nos institutions.
Là où le bât blesse, c'est au niveau des convictions. Les idées d'extrême droite infusent dans l'armée, ce n'est un secret pour personne, et à l'occasion de cette élection présidentielle dystopique, certains dans ses rangs fermente un coup d'État. Mais ce qui les intéresse, malgré toute la nostalgie rancunière qui les habite, ce ne sont pas les « idées », mais plutôt le pouvoir. de même du côté de ceux qui défendent le « droit », aucun retournement de tripes n'est à signaler, ils n'agissent qu'en « bons » fonctionnaires mous du gland. Trop réalistes à mon goût…
Il se frayait un chemin dans les idées politiques les plus à la mode avec une aisance remarquable. Il était tout à la fois écologiste, socialiste, républicain, démocrate, souverainiste et proeuropéen. Pas une anguille, mais plutôt un caméléon, adoptant la couleur des penchants de son électorat, du rouge vif au vert de chrome en passant par le rose pâle et le bleu nuit. Il n'y avait pourtant aucun cynisme chez lui, il croyait toujours ce qu'il disait, ou plutôt il arrivait toujours à se convaincre de ce qu'il disait, et c'est pourquoi tous ceux qui l'écoutaient finissaient par le croire.
La Menace 732 se révèle au final d'une lecture agréable, montre une connaissance profonde du sujet traité et s'autorise un cynisme de bon aloi dans une pirouette finale bienvenue, il lui manque cependant une touche d'engagement et de lyrisme, à l'image des personnages qui l'habitent. Peut-être était-ce justement ce que l'auteur voulait faire entendre à travers son récit, sans réussir toutefois à convaincre. Un premier essai, pas complètement transformé.
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