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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


" On ne peut donner que deux choses à ses enfants : des racines et des ailes."
(proverbe juif)

Mais parfois les ailes poussent dans la douleur, comme on va le découvrir dans ce beau livre de Chaïm Potok.
Potok écarte le rideau sur un monde dont je suis presque complètement ignorante - celui de la communauté juive new-yorkaise des années 40. le monde qui sort, en apparence, de la même matrice, mais qui démontre bien que même le judaïsme n'est pas un monolithe.
Qui sont les "élus" ? Les orthodoxes coiffés de papillotes qui attendent toujours la venue de leur messie, ou les sionistes avec leur désir d'émancipation ? Ou sont-ce leurs enfants : leurs fils qui essayent de trouver leur propre chemin, tout en s'efforçant de respecter leurs familles et leurs traditions ? Et c'est un chemin épineux et plein de déceptions, même si au bout, les ailes vont se déployer...

Cette histoire d'amitié de deux garçons a quelque chose de presque shakespearien.
Danny est le fils brillant d'un tzaddik, un grand chef spirituel hassidique. Il grandit en silence, destiné, lui aussi, à devenir tzaddik. Son père ne lui adresse la parole uniquement lors des études du Talmud. Reuven vit à Brooklyn dans une famille bien plus modérée. Son père enseigne dans une yeshiva et rêve d'un futur Etat d'Israël. Chacun va montrer à l'autre comment fonctionne son monde, mais c'est surtout Danny qui va découvrir des pensées et des livres qui lui donneront envie d'étudier la psychologie, et le mèneront à la rébellion contre son père.
J'ai d'abord l'impression de lire un livre sur un conflit entre deux conceptions de judaïsme, puis sur le conflit des deux pères à travers leurs fils, mais finalement c'est surtout du conflit entre la raison et le coeur dont je vais me souvenir.
Je changeais sans cesse d'attitude envers les protagonistes, tous admirables et excellents dans leur raisonnement; je n'étais pas d'accord, je ne comprenais pas certaines choses, mais j'ai fini la lecture avec un sentiment que, malgré tout, j'ai peut-être saisi une part de leurs vérités.
L'histoire se passe au moment où la guerre se finit, et les camps de concentration de l'autre côté de l'Atlantique livrent leur témoignage d'horreur. Au moment où le nouvel Etat d'Israël voit le jour...

Le livre de Potok permet de comprendre comment certaines choses qui paraissent importantes ici et maintenant (comme un match de baseball) peuvent avec le temps devenir dérisoires. Que les choses qui nous sont naturelles ne sont pas forcément évidentes, et quelle tragédie peut devenir leur perte. C'est une histoire sur les incroyables efforts, volonté, dévouement, amour et amitié à toute épreuve. Mais aussi sur la sagesse humaine, et comme c'est dur, voire impossible, de ne pas juger les autres et essayer de les comprendre.
On voit les deux côtés de ce qu'est capable l'obstination: fonder des états, mais aussi détruire délibérément les rapports humains et les amitiés, faire preuve des grandes prouesses d'esprit, mais perdre irrémédiablement la santé, penser au salut du monde entier, et, en même temps, blesser ses proches.

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Quand les Juifs en Amérique ont appris ce qui se passait pendant l'holocauste en Europe, ils finissaient chaque discours par ces mots, à peu près : "Que le nom d'Hitler soit damné et oublié à jamais; que sa mémoire soit effacée de la surface de la terre..." Qu'en est-il aujourd'hui ? Et même, serait-il sage d'oublier ?
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