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Critique de Blackrosesforme


« Des années de ténèbres thatchériennes ; le rêve langoureux d'un nouveau gouvernement travailliste ; l'étourdissante, inattendue et étrange euphorie lors de la victoire du Labour ; les tentatives acharnées de chasser le moindre doute sur Super-Tony pendant son premier mandat ; le sentiment progressif et déchirant que vous vous êtes fait avoir dans les grandes largeurs, que le futur est ajourné à une date ultérieure, le paradis perdu, que la révolution non seulement ne sera pas télévisée mais n'aura même lieu… et alors l'étape finale, le coup de grâce, quand vous réalisez que vous ne vous ennuierez sans doute même plus à aller voter ». Cette sentence désabusée, prononcée en 2004 par Jarvis Cocker, chanteur de Pulp, résume de façon magistrale le propos de cette étude, qui démontre, sans jamais ennuyer, l'interaction profonde entre musique et politique dans l'Angleterre des années 90.

La Brit Pop nait « officiellement » en 1994, quand le Melody Maker accole ce terme à l'album definitely maybe d'Oasis. Cette tendance est fortement inspirée par le courant initié par les Smiths dix ans plus tôt : une pop indie, véhiculée par une classe populaire qui décrit avec réalisme la vie de gens ordinaires dans des chansons courtes aux mélodies limpides. Elle est politique en ce qu'elle incarne, positivement, le renouveau d'une fierté nationale mise à mal par quinze ans de Thatcher-Majorisme et trois millions de chômeurs. Les classes populaires se réapproprient l'Union Jack, ces classes populaires que John Major rêve de voir disparaître, remplacées par des petits propriétaires, acheteurs des restes d'un Etat démantelé, via les privatisations des transports ou des telecoms. Dans ce contexte, en 1995, le single de Pulp « Common People », de l'album Different Class résonne comme un hymne national, représentatif de la Brit Pop, même si contrairement à Suede, Blur ou Oasis, Pulp n'est pas une formation récente et a déjà plus d'une décennie d'insuccès à son actif. Plus vieux, moins naïfs également, les Pulp sont moins prompts à se faire récupérer. Car Tony Blair, en embuscade, cherche à gagner l'adhésion des jeunes, et quoi de mieux que les musiciens pour engranger la sympathie ? le leader du New Labour adore la Brit Pop, et le fait savoir, au point qu'un nouveau concept, celui de cool Britannia sera inventé (par des publicitaires marchands de glace) pour désigner cette alliance entre la politique et la pop. Comme Paul Weller l'avait fait dans les 80's, Damon Albarn, Noel Gallagher, ou Neil Hannon apportent leur soutien à la gauche, cet espoir de balayer enfin les Conservateurs. le foot anglais et la musique s'exportent à nouveau, Blair surfe sur cette vague, dans le sens du courant. Et la vague le porte au pouvoir le 1er mai 1997, annonçant la perte des illusions, et la mort de la Brit Pop, tant les réformes tardent à venir et l'Angleterre à réaliser ses rêves de changement. Plus méfiant face aux politiciens, Jarvis Cocker dénonçait déjà dans « Common People » cette gauche caviar qui aimait s'encanailler avec les masses populaires, ces autochtones exotiques. Il réitère ses doutes avec « Cocaine Socialism », en 1998, rejoint alors par les déçus du Blairisme, à l'image de la couverture de mars du NME qui, sous un portrait de Blair titre : « ever felt like you've been cheated ? » reprenant les mots de Rotten lors du dernier concert des Pistols vingt ans auparavant.

La Brit Pop s'est inspirée de cet air du temps, où l'Angleterre semblait confiante en l'avenir, fière de sa jeunesse. Son inspiration s'est tarie, quand le nuage de fumée du blairisme a assombri les rêves. Une courte parenthèse enchantée.
Lien : https://blackrosesforme.word..
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