Il y avait un truc que je ne comprenais pas avec
Eugène Onéguine : à peine avais-je fermé le bouquin que j'oubliais la totalité de son contenu. Pas que je ne l'aime pas, au contraire. Mais en quelques jours à peine l'histoire disparaissait de ma mémoire. Et puis un jour j'ai découvert l'opéra (mais quelle idée de le découvrir aussi tard aussi), et après je ne risquais plus de l'oublier. le livret m'a donné un indice : Tchaikovski et
Pouchkine n'avaient pas la même vision de l'histoire…
Rappelons un peu cette dernière. Dans une province russe quelconque le héros, un jeune aristocrate blasé de tout, accompagne un jour son ami Lenski dans une visite à la fiancée de ce dernier, Olga. Celle-ci à une soeur jeune, romantique et idéaliste, Tatiana, qui au premier regard tombe amoureuse d'
Eugène Onéguine. Elle prend l'initiative de lui écrire une lettre, où elle lui avoue son amour avec toute la vivacité et l'enthousiasme de sa jeunesse. le lendemain, le jeune homme lui rend visite, et brise toutes ses illusions en quelques phrases froides et polies...
Quelques jours plus tard, au cours de l'anniversaire de Tatiana, Eugène, agacé par son ami, entreprend de badiner avec Olga pour le rendre jaloux. Il y réussit tellement bien que l'intéressé, furieux, le défit en duel. Et bien qu'il regrette ses actes, il ne peut faire autrement que l'affronter et le tuer… Désespéré d'avoir tué son meilleur ami, il part à l'étranger. Quand il revient quelques années plus tard, il croise par hasard Tatiana, qui entre temps c'est mariée. Et il réalise qu'il l'aime…
On est bien loin de la gaité et la simplicité de ‘
La fille du capitaine'. le point de vue qu'on suit dans le livre, c'est celui d'Onéguine. Et comme
Pouchkine est incroyablement doué, il parvient à nous le rendre sympathique. Je suivais ses aventures, ses états d'esprit, son ennui. Naïf, je refermais le livre sans me poser de question. Mais peut-on se rappeler d'un héros plus ou moins sympathique mais auquel on ne s'est pas attaché ?
Au contraire, l'opéra adopte le point de vue de Tatiana. Et toute la personnalité du héros y est résumée dans cette phrase que lui jette Lenski : « vous êtes un triste sire ».
Eugène Onéguine n'est ni une ordure ni un homme bon. Il écrase la jeunesse de Tatiana sans méchanceté, mais avec la négligence qu'on met à broyer du talon une noix pourrie. Il est bon avec ses paysans, mais affiche son mépris pour l'ensemble du monde. Et quelle sorte d'ami est-ce là, qui s'amuse à courtiser la personne que vous aimez simplement pour vous faire enrager ?
Pour lire cette oeuvre, je vous incite donc à regarder également l'opéra. Pour ma part, je suis au final partagé. D'un côté, j'admire
Pouchkine qui par la seule force de son talent parvient à rendre sympathique ce qui n'est finalement qu'un dandy pas méchant mais creux et inconsidéré. de l'autre, sachant (et ceci explique cela) qu'il s'identifie à son héros, je m'interroge sur sa personnalité… Mais sans oublier que Lenski en est l'autre facette.