La Dame de pique nous fait le récit des manoeuvres d'un jeune homme pourtant sage et économe, qui se contentait d'assister aux parties de cartes de ses amis, sans jouer, et qui, de fil en aiguille, par la confidence d'un ami sur sa grand-mère, qui a reçu une combinaison gagnante à Paris, par le comte de
Saint-Germain, puis par une rencontre, le moyen parfait pour approcher la vieille comtesse, perd la tête d'ambition et décide d'obtenir le nom des trois cartes porteuses de chance à coup sûr.
Mais tout ne va pas se dérouler selon ses plans, et le jeune homme paiera cher cette révélation...
La Dame de pique est un récit cruel, piquant, d'un point de vue social et psychologique, il contient un monde en 40 pages. le récit est resserré, en 6 brefs chapitres, mais nous attendons son déroulement, totalement pris dans l'intrigue et les personnages si vivants. La vieille comtesse, la jeune parente pauvre qui lui sert de dame de compagnie, Lisaveta Ivanovna, naïve et romantique, les scènes à la Cour de France dans le passé de la comtesse, ou les bals dans la bonne société russe d'aujourd'hui, la société des jeunes hommes oisifs qui passent le temps à jouer.
Le ton est souvent humoristique, avec une dimension critique, ironique, mais toujours empreinte de bienveillance.
Pouchkine n'a pas d'illusion sur la nature humaine, et les motifs plus ou moins honnêtes et apparents qui mènent les gens, et peuvent les pousser à manipuler d'autres personnes.
J'ai de plus énormément apprécié l'ensemble de
nouvelles qui suit : ces récits sont variés, mais
Pouchkine sait à chaque fois mettre en place un décor, un microcosme où tout est si réel, que l'on est partie prenante de la vie professionnelle, mais surtout familiale et sociale des personnages. Ils ont des métiers typés : entrepreneur de pompes funèbres, maître de poste (relais de chevaux), hobereau de campagne, soldats...
Pouchkine y met en scène en peu de pages des relations, de voisinage par exemple : les deux hobereaux, l'un anglomane et l'autre rationaliste à la russe, qui finissent par se réconcilier pour marier leurs jeunes gens dans "
La Demoiselle paysanne", ou encore la passion de l'honneur avec le thème du duel dans "
Le Coup de pistolet", le mariage interdit dans "
La Tempête de neige", la jeune fille de maison séduite et emmenée à la ville pour l'entretenir, son père sur ses traces pour la retrouver dans "Le Maître de poste"...
Les jeunes hommes sont impulsifs, un peu foufous mais tendres, ils mènent parfois une vie dissolue, ne crachent pas sur l'alcool, le jeu ; les jeunes filles sont pétries de rêves romanesques qu'elles lisent dans les romans, elles ont l'esprit vif et versatiles, et mènent leur vie amoureuse l'air de rien. Ces
nouvelles sont pleines de sous-intrigues, on croirait parfois une comédie de
Molière... J'ai de l'admiration pour
Pouchkine, ça paraît incroyable de faire tenir toute cette vie, avec une psychologie si aboutie, si fine, dans si peu de pages.
C'est l'âme de la Russie éternelle, et je suppose que quand on est tombé(e) une fois dedans, on n'a de cesse d'y retourner, et on devient amoureux(se) même des décors enneigés, de la maison avec le poêle qui chauffe fort et le samovar, la chaleur et la vie du foyer qui nous font une seconde maison, toujours prête à nous accueillir, le temps d'un livre...