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EAN : 9782072831300
128 pages
Gallimard (07/02/2019)
3.88/5   200 notes
Résumé :

La Dame de pique, nouvelle fantastique d’Alexandre Pouchkine (1799-1837), structurée comme un roman, met en scène des personnages du théâtre populaire. La fin, suggérée par une citation en exergue, met le lecteur sur la voie : « La dame de pique signifie une malveillance cachée. » Écrivant comme on abat l’une après l’autre ses cartes maîtresses, Pouchkine rencontre différentes figures du fantastique (le comte de Saint-Germain, une revenante), mais sans s’y a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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"Ensuite, cette histoire elle-même, y a t-il quelque moyen d'y croire ?"
(p. 18)

Les histoires de Pouchkine se marient à merveille avec le temps sombre et hivernal. Il suffit de fermer les yeux à moitié, et la lumière de votre lampe se transforme en celle des chandeliers en bronze qui éclairent le salon de Naroumof et la table ovale couverte de feutrine verte. On joue au "pharaon". Les flammes se reflètent dans les grands miroirs de la pièce, tout comme les visages fantomatiques des joueurs de cartes. L'atmosphère est un brin fantastique, mais c'est exactement ce qu'il faut...
Le livre de Rutherfurd sur la Russie m'a donné envie de relire quelque chose - n'importe quoi - d'Alexandre Sergueïevitch. Et "La Dame de pique" me faisait un clin d'oeil, ce fameux clin d'oeil qui ne laisse personne indifférent.

Même le grand barde Pouchkine en personne ne pouvait pas imaginer quelle sensation va provoquer l'histoire que lui a raconté un jour son ami, le jeune prince Golitsyne. Car ce joueur invétéré s'est acquitté avec brio de ses dettes en pariant, à l'étonnement de tous, sur une combinaison de trois cartes conseillée par sa grand-mère, la demoiselle d'honneur de Catherine II, Natalia Golitsyne. Natalia, surnommée "la Vénus moscovite" dans sa jeunesse, (et "princesse Moustache" dans sa vieillesse) a beaucoup voyagé, et a rencontré, paraît-il, le comte de Saint-Germain à Paris. Ca vous dit quelque chose ?
En tout cas, la combinaison magique a apporté la vie éternelle sur papier à Natalia sous les traits d'Anna, et a suscité beaucoup d'admiration parmi les auteurs étrangers, notamment chez André Gide et Prosper Mérimée. La petite nouvelle de 1834 a réussi mieux que tous les ouvrages précédents. On commence à s'intéresser à la Russie et à traduire sa littérature. La noblesse russe parie en masse sur les trois cartes de Natalia Golitsyne/Anna Fedotovna... on ne sait jamais ! Et Pouchkine, content, peut noter dans son journal : "Ma Dame de pique a du succès !".

"La Dame de pique" a le parfum du classicisme. Elle est calme et élégante; même la tentative désespérée d'Hermann de faire peur à la vieille comtesse est décrite avec une neutralité déconcertante. Elle est économe, et se suffit à elle-même, joliment vêtue de sa simplicité. Aucun détour vers des événements sans importance, ni vers les personnages secondaires qui traversent rapidement un paragraphe pour disparaître aussitôt. le fil de l'histoire est parfaitement droit.
Hermann n'est pas un joueur, et il peut paraître raisonnable, mais c'est un calculateur et la vision du gain facile grâce à la combinaison d'Anna Fedotovna le change en homme prêt à tout. Quitte à trahir la jeune Lisabeta et de se moquer des avertissements.
C'est peut-être une nouvelle qui ouvre la série des classiques russes sur le thème du crime et du châtiment. Même si le Saint-Pétersbourg noble et élégant de Pouchkine est tellement loin du Piter miteux de Gogol et Dostoïevski. A cause d'une vision de richesse, les héros de ces histoires vont s'aventurer sur un terrain glissant, faire l'inévitable pas de côté et commettre un crime. Mais le destin va leur arracher l'argent gagné, et la santé mentale avec.
Trois, sept, as. Trois, sept, dame... et le clin d'oeil fatal.
Le Destin est cruel envers ces Rastignacs russes... est-ce mérité ? Quoi qu'il en soit, la prose de Pouchkine est aussi belle que sa poésie.

Quelle heure est-il ? Sept de carreau moins le quart... ce qui me donne quelque chose comme cinq étoiles.
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Quel bonheur de lecture ! Pouchkine est un enchanteur espiègle qui se joue des attentes du lecteur avec malice et le piège plusieurs fois. La nouvelle a été publiée en 1834 dans le Cabinet de lecture. le narrateur est détaché, ironique et adresse à son lecteur deux ou trois petits clins d'oeil propres à orienter sa lecture. Ensuite les trois personnages sont surprenants et plus complexes qu'il n'y paraît au départ. Ils ont tous deux faces. L'une sympathique, l'autre maléfique amenant le lecteur à la compassion ou à la détestation. A la fin, les cartes sont redistribuées.


Résumé (d'après wikipedia) : Une nuit d'hiver, chez le lieutenant Naroumov, des jeunes gens passent leur temps à jouer. Ils en viennent à discuter du mystérieux pouvoir de la comtesse Anna Fedotovna, grand-mère de l'un d'entre eux, Paul Tomski. La vieille dame connaîtrait une combinaison secrète de trois cartes permettant de gagner infailliblement au jeu de pharaon. Hermann un jeune officier du génie d'origine allemande les a écoutés. Fasciné par la richesse que pourrait lui procurer la combinaison mystérieuse, il séduit Lisabéta Ivanovna, demoiselle de compagnie de la comtesse…



Le Pharaon est un jeu de pur hasard, très dangereux. Pouchkine était lui-même joueur et jouait au Pharaon. Toute la société aristocratique pétersbourgeoise, oisive et décadente, « ponte ». Après le Pharaon ce sera la roulette, chère à Dostoïevski. Pouchkine était très superstitieux et couvert de dettes. Pour gagner au Pharaon il faut aligner trois cartes. La forme du roman joue sur la fameuse combinaison : trois personnages, sept chapitres, une dame...qui pique. Pouchkine décrit sur un mode fantastique et halluciné l'obsession délirante du joueur prêt à vendre son âme raisonnable pour acquérir la martingale magique .

Hermann, le Russe d'origine allemande prudent et terne, ne joue que s' il est sûr de gagner. Il préfère regarder les autres joueurs qu'agir et aime leur faire la leçon. Sa vanité et sa cupidité vont le pousser à l'action. Il décide de séduire la pupille de la comtesse pour accéder à la chambre de la vieille dame afin de lui extorquer sa martingale. Après que Lisaveta lui a confié le plan de la maison, devant la porte de sa chambre, il hésite mais finalement, il entre dans la chambre de la comtesse (ce qui nous vaut d'assister, pauvres voyeurs, au déshabillage de la vieille dame derrière le paravent). Herman a préféré l'argent à l'amour et il a perdu. Mais ce n'est pas l'excès de passion qui le conduit à sa perte mais plutôt l'excès de calcul.

La comtesse, quatre-vingt-dix-sept ans, appartient à la très vieille noblesse russe et maîtrise l'étiquette versaillaise qui fascine Hermann, le complexé. Mais elle est démodée, d'un autre temps, et physiquement elle ressemble à un spectre mondain, une mort vivante enrubannée. Au début elle fait figure de bourreau plus que de victime. C'est une vieille dame richissime, capricieuse et apparemment égoïste...

Quant à la petite pupille Lisaveta victime de la vieille comtesse et de l'officier, elle se révèle moins naïve qu'il n'y paraît. C'est l'héroïne romantique parfaite, la jeune fille idéale et pure. Elle évoque La Pauvre Lise de Karamzine. Mais elle a beaucoup d'intuition et pressent le destin des deux autres. A la fin c'est elle la grande gagnante. Parfaite, pure, hum et si c'était elle la Dame de pique ?
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Cette nouvelle m'a été conseillée par Fifrildi. Encore une fois son conseil s'est révélé payant.

Une tranche de vie de la partie « à l'aise » de la société russe du premier tiers du 19e siècle (la nouvelle date de 1833). A l'aise et avec quelques titres de noblesse et des galons aux épaulières si possible. On se réunit lors de grandes soirées pour se montrer en société, déblatérer sur untel et, surtout, pour jouer.
Hermann est à ce titre un gaillard qui fait gaffe à ne pas sombrer dans le péché du jeu. Ses camarades se fichent bien de sa gueule d'ailleurs.
Jusqu'au jour où il entend l'histoire de cette comtesse qui avait une espèce de technique magique pour gagner à un certain jeu de carte. Dès lors, connaître cette technique et l'appliquer vont devenir une idée fixe.

La nouvelle vaut beaucoup par les deux personnages qu'Hermann va être amené à rencontrer pour cela. D'abord la brave Lisavéta Ivanovna, la dame de compagnie de la comtesse, qui est un peu traitée par cette dernière comme Cendrillon dans le conte. J'exagère un peu ; de nos jours on parlerait de harcèlement moral. Hermann et elle vont vivre une histoire de séduction par regard aux fenêtres et billets courtois que n'aurait par renié Jane Austen. Lisavéta joue les effarouchées et s'enflamme à l'intérieur. Hermann… ma foi, il joue déjà.
Ensuite il y a la comtesse. Aaah celle-là c'est le soleil en hiver, la pincée de sel sur le plat fade. Son comportement hautain et désagréable fait plaisir à lire. Il m'a rappelé la grand-mère du roman le joueur, de Dostoïevski, sinon dans le caractère, au moins dans la bouffée d'air qu'elle apporte (un aparté : le joueur parle aussi du jeu d'ailleurs. Dostoïevski se serait-il un peu inspiré de la Dame de pique ? Possible, apparemment Pouchkine a inspiré la plupart des auteurs russes qui suivront).

Et puis il y a la dimension fantastique : la technique magique, un fantôme et une plaisanterie de la part des forces supérieures dont on ne réclame pas les secrets sans paiement.

Le petit Folio Classique avec dossier que j'ai lu contient aussi un essai de biographie d'Alexandre Pouchkine de Gustave Aucouturier. Il est très intéressant dans la mesure où il montre que le gouvernement russe de l'époque n'était pas plus tendre avec son peuple que celui d'aujourd'hui (l'a-t-il jamais été en fait) ? Pouchkine a eu droit à une censure permanente de l'empereur lui-même, et à au moins deux bannissements dans des villes de province (horreur !). Bon, vous me direz, le Printemps des Peuples est encore à venir et aucun pays en Europe ne pratique abondamment la liberté.
Pouchkine meurt jeune d'une blessure de duel, comme Évariste Galois. le génie emporté à cause de l'honneur ; c'est bien triste.
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Le jeu comporte des risques, tout le monde le sait, sans doute pas Hermann, le protagoniste de la nouvelle de Pouchkine. Un de ses amis a dévoilé que sa grand-mère a reçu une martingale infaillible du comte de Saint-Germain. Ébloui par les sommes colossales qu'il pourrait gagner, Hermann s'arrange pour s'introduire dans la chambre de la vieille dame. Hélas, celle-ci, terrorisée, meurt sans lui avoir révélé son secret. Et non, l'histoire n'en est pas finie pour autant.
Une histoire fantastique et très morale (je vous l'ai déjà dit : jouer comporte des risques).
La narration de Pouchkine ravira les amateurs de nouvelles.
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Ce que je croyais une relecture s'est révélé une découverte. Certes je connaissais l'histoire, par un film ou un téléfilm ou par l'opéra de Tchaïkovski, mais je doute de l'avoir déjà lu. Car après cette lecture je conseillerai vivement ce livre pour aborder la littérature russe classique aussi bien que Pouchkine. Il y est question de jeu bien sûr, mais aussi de trahison, de crime, de châtiment. Tout un programme ! Pouchkine a rédigé une nouvelle empreinte de classicisme, mais aussi de lyrisme romantique (la nouvelle date de 1833), avec une pointe de fourberie, et juste ce qu'il faut de surnaturel pour qu'elle puisse être qualifiée de fantastique. Encore qu'on puisse aussi interpréter le récit comme celui de l'entrée d'Hermann dans la folie. Pouchkine ne prend pas partie et laisse au lecteur le choix de son interprétation ce qui rajoute encore du sel au récit et du plaisir à la lecture. Cette nouvelle est parfaite, un petit bijou bien rythmé, avec une chute qui surprend le lecteur. A découvrir absolument.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Tous les jeunes officiers étaient attentifs. Tomski s’arrêta pour allumer une pipe, avala une bouffée de tabac et continua de la sorte :
"Le soir même, ma grand-mère alla à Versailles au Jeu de la reine. Le duc d’Orléans tenait la banque. Ma grand-mère lui débita une petite histoire pour s’excuser de n’avoir pas encore acquitté sa dette, puis elle s’assit et se mit à ponter. Elle prit trois cartes : la première gagna ; elle doubla son enjeu sur la seconde, gagna encore, doubla sur la troisième ; bref, elle s’acquitta glorieusement.
— Pur hasard ! dit un des jeunes officiers.
— Quel conte ! s’écria Hermann.
— C’était donc des cartes préparées ? dit un troisième.
— Je ne le crois pas, répondit gravement Tomski.
— Comment ! s’écria Naroumof, tu as une grand-mère qui sait trois cartes gagnantes, et tu n’as pas encore su te les faire indiquer ?
— Ah ! c’est là le diable ! reprit Tomski.
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– Or donc, écoutez. Mais sachez d'abord que
ma grand-mère, il y a quelque soixante ans, vint à Paris, où elle fit fureur. On la suivait en foule ; on voulait voir la Vénus moscovite, Richelieu, qui lui fit la cour, faillit se brûler la cervelle, affirme-t-elle, désespéré par ses rigueurs. En ce temps, les dames jouaient au pharaon. Un soir, à la cour, ma grand-mère, jouant contre le duc d'Orléans, perdit sur parole une somme considérable. Rentrée chez elle, tout en décollant ses mouches et en dégrafant ses paniers, ma grand-mère avoua sa dette à mon grand-père et lui enjoignit de payer. Feu mon grand-père, autant qu'il m'en souvient, lui servait d'intendant en quelque sorte. Il la craignait comme le feu ; cependant l'aveu d'une perte aussi effroyable le jeta hors de ses gonds. Il fit des comptes, remontra à ma grand-mère qu'en six mois ils avaient dépensé un demi-million ; qu'ils n'avaient point en France leurs villages de Moscou et de Saratov ; bref, il refusa de payer. Grand-mère alors le gifla, et, pour consommer la disgrâce, fit, cette nuit-là, chambre à part.
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La comtesse prenait part à toutes les frivoles distractions de la vie mondaine, elle se traînait à toutes les fêtes, et là, fardée et parée à la mode ancienne, se tenait assise dans son coin, ornement hideux et obligatoire des salles de bal. Les invités en entrant s'approchaient d'elle avec de profonds saluts, comme on accomplirait un rite. Puis personne ne s'en occupait plus.
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On jouait chez Naroumof, lieutenant aux gardes à cheval. Une longue nuit d’hiver s’était écoulée sans que personne s’en aperçût, et il était cinq heures du matin quand on servit le souper. Les gagnants se mirent à table avec grand appétit ; pour les autres, ils regardaient leurs assiettes vides. Peu à peu néanmoins, le vin de Champagne aidant, la conversation s’anima et devint générale.
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L'économie, la tempérance, le travail, voilà mes trois cartes gagnantes !
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