Voici un gentil petit recueil de cinq
nouvelles d'
Alexandre Pouchkine qui se laisse lire tout seul mais qui ne m'a pas non plus procuré le plaisir qu'il m'est arrivé d'éprouver à la lecture d'autres oeuvres de l'auteur. On y trouve, dans l'ordre :
1 -
LE COUP DE PISTOLETAlexandre Pouchkine avait un rapport de quasi fascination pour cette pratique qu'est le duel d'honneur et à laquelle on doit sa mort prématurée. Il n'est donc pas surprenant qu'il soit question ici de duel au pistolet ; un panache à la Cyrano doublé d'un esprit qui confine au lyrisme propre au western.
Pouchkine nous brosse en quelques pages toute l'ambiance des garnisons. Pour l'aristocratie russe masculine d'alors, on allait à l'armée dans sa jeunesse, comme on participe à un programme Erasmus de nos jours ou faire quelque stage professionnel à l'étranger et l'on rentre chez soi ennobli d'une patine et d'une expérience qui feront des histoires à raconter aux belles d'abord et aux petits-enfants ensuite.
Ainsi, Silvio — nom étranger mais âme russe comme le décrit
Pouchkine — vit dans une modeste bourgade. C'est un ancien hussard mais contrairement à l'ordinaire, il n'a pas cherché à se caser après ces années dans l'armée. Les jeunes officiers qui s'invitent régulièrement chez lui ont un respect sans borne pour cet homme d'expérience et qui excelle au maniement du pistolet. Personne n'aimerait avoir affaire à lui avec l'arme à la main.
Pourtant, lorsqu'un jeune officier fraîchement arrivé provoque Silvio, chacun se doute déjà du sort qui l'attend, mais… stupeur ! Silvio ne dit rien et ne réclame pas de duel pour laver l'affront que vient de lui faire subir le godelureau. Beaucoup s'en étonnent car la virilité de Silvio n'est pas en cause. Qu'est-ce qui peut bien réfréner ainsi l'ardeur duelliste de cet homme ? À vous de lire…
2 - LA TEMPÊTE DE NEIGE
De loin pas ma préférée du recueil. On y voit une adorable jeune fille qui se consume d'amour pour un jeune et beau soldat. La réciproque est vraie mais l'homme est sans le sou ce qui disconvient à la famille de la demoiselle.
Tant est si bien que Maria Gavrilovna, ne songeant qu'à son Vladimir et Vladimir qu'à Maria Gavrilovna, les deux jeunes tourtereaux échafaudent de s'échapper du nid comme des malfrats sans l'accord des parents. Vladimir a tout réglé au millimètre pour célébrer la noce en pleine nuit et en catimini mais… c'est une vraie bourrasque dehors, que dis-je, une tempête de neige, que dis-je, un blizzard, oui. C'est à y perdre sa route… il fait nuit… il neige très fort… la route a disparu sous la neige… tout se ressemble… mais où diable suis-je ?…
3 - LE MARCHAND DE CERCUEIL
Ici, ambiance très différente pour ce qui est très certainement ma nouvelle préférée du recueil. Autant La Tempête de Neige peut faire penser à des
nouvelles de Tolstoï (Maître et Serviteur, par exemple), autant celle-ci m'évoque immanquablement le grand
Gogol des
Nouvelles de Pétersbourg et en particulier l'inénarrable saveur du Manteau. On y retrouve tout l'esprit malicieux, drôle, parfois inquiétant et surnaturel qui ressort de la littérature russe des XIXème et XXème siècles (
Boulgakov, entre autres).
C'est Adrian Prokhorov qui en fait les frais. Il est dépeint comme un croque-mort pas drôle du tout et qui supporte même assez mal la plaisanterie, surtout si c'est lui qui en fait les frais. Récemment emménagé dans un nouveau quartier, ce dernier accepte l'invitation d'un artisan allemand qui célèbre ses noces d'argent. La soirée est copieusement arrosée, beaucoup de corporations d'artisans sont représentée et on lève un toast à la santé de chacune.
Le hic, vous l'avez deviné, c'est que quand arrive le tour d'Adrian Prokhorov, il peut sembler déplacé de lever un toast à la santé de sa clientèle ; c'est pourtant ce qui se produit, le tout agrémenté d'une salve de gros rires bon enfant. Lui décide de le prendre mal et s'en retourne chez lui vexé, désireux maintenant de ne s'entretenir qu'avec ses clients qu'il trouve moins désagréables…
4 - LE MAÎTRE DE POSTE
On fait la connaissance d'un brave maître de poste, c'est-à-dire l'homme qui occupait jadis la fonction d'aubergiste et de palefrenier dans un relais de poste, Samson Vyrine, qui accueille donc dans son établissement un voyageur qui n'est autre que le narrateur.
La cinquantaine rayonnante, l'homme est veuf mais vit avec sa charmante fille de quatorze ans, Dounia. le narrateur est agréablement surpris par la bonne humeur qui règne ici et par le teint prometteur de la jeune fille. Quelques années plus tard, alors qu'il est à nouveau de passage sur cette route, le narrateur se réjouit à l'idée de faire étape dans ce relais de poste et d'y rencontrer à nouveau la charmante fille du maître de poste.
Toutefois, c'est un scénario différent qui l'attend : la bonhomme vit désormais seul et a pris un siècle sur les épaules. Dounia, quant à elle, n'est plus là depuis plusieurs années. Qu'est-il arrivé entre temps ?…
5 -
LA DEMOISELLE PAYSANNEPouchkine déploie encore d'incroyable talents de conteur dans cette nouvelle. Il nous transporte dans la campagne russe d'avant la libération des serfs, dans les propriétés contiguës de deux barines voisins, c'est-à-dire des propriétaires terriens appartenant à l'aristocratie d'alors.
Ces deux voisins, Beretsov et Mouromski ne peuvent pas se voir en peinture. le premier est un bon gestionnaire traditionnel dont la fortune a tendance à l'accroître, le second, un fantaisiste flambeur toujours en quête de nouveauté, dont la fortune suit exactement la pente inverse.
Lorsque le fils de Beretsov revient d'une période de service dans un régiment de hussard, tout le monde — à tout le moins la gent féminine — s'intéresse à son cas car il a la réputation d'être fort charmant bel homme. Tout le monde l'imagine déjà engagé avec unetelle ou unetelle. La fille de Mouromski, elle aussi, aimerait bien avoir le loisir de voir ne serait-ce qu'une fois ce phénomène dont tout le monde parle. Mais, au regard des relations qu'entretiennent leurs pères respectifs, l'opération semble compliquée.
Lisa, tel est son prénom, brûle d'envie de le rencontrer fortuitement. Mais comment faire ? C'est peut-être sa femme de chambre qui va lui donner une idée. On sait qu'Alexeï, c'est le prénom du fils, est assez coureur sur les bords (et même au milieu) et qu'il n'hésite pas à tâter de la paysanne quand l'occasion se présente.
Lisa, demoiselle raffinée et trilingue de l'aristocratie russe, entreprend donc de se travestir en demoiselle paysanne. Pour le meilleur ou pour le pire ? Ça, je vous laisse le soin de le découvrir par vous-même.
En somme, un recueil agréable mais sans plus, qui peut être intéressant pour découvrir l'univers littéraire d'
Alexandre Pouchkine en un minimum de temps tout en gardant à l'esprit que ce n'est probablement pas ce qu'il a fait de mieux. Bien évidemment, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.