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Critique de Pecosa


« Qui soupçonne que « la piscine », le siège de la DGSE mis à l'écran par le bureau des légendes, fut un camp d'internement au même titre que Drancy mais en plein Paris? »
Ancienne caserne militaire située au 141 boulevard Mortier dans le 20ème arrondissement, la caserne des Tourelles est un camp d'internement administré par les autorités françaises et gardé par la Gendarmerie, qui sert à parquer les « indésirables ». Entre 1940 et 1945, 8000 internés défileront aux Tourelles, certains pour quelques jours, et d'autres pour des années.
Il reste une trace de ce camp dans la mémoire des familles d'internés, de fusillés, de déportés, ainsi que dans la littérature. Dora Bruder y est internée en 1942, comme l'écrit Modiano dans le roman éponyme. Genet y meurt de faim et raconte ses conditions de détention à ses amis, les suppliant de lui envoyer de quoi manger, comme l'atteste sa correspondance.

Ouvert le 28 octobre 1940, il est composé de trois bâtiments, un pour les femmes, un pour les hommes, et un destiné au Service des prisonniers de guerre (qui ferme en 1942)
Dans le camp, les autorités internent d'abord les Républicains espagnols puis les réfugiés européens fuyant l'avancée nazie. Suivent les Français indésirables, militants communistes, gaullistes, hostiles au régime de Vichy, réfractaires au S.T.O., les juifs ainsi que les personnes qui leurs manifestent leur sympathie et les droits communs .
Les conditions de vie sont extrêmement difficiles, les internés souffrent de la surpopulation, de la faim et des maladies.

Les ouvrages consacrés aux camps de la capitale (voir "Des camps dans Paris, Austerlitz, Lévitan, Bassano, juillet 1943-août 1944" de Jean-Marc Dreyfus et Sarah Gensburger) et surtout aux Tourelles sont rares, saluons le travail de fourmi de Louis Poulhès qui lui consacre cette étude, hélas desservie par une mise en page décourageante. Le texte aurait vraiment mérité une mise en page plus structurée et aérée qu'il s'agisse des titres et sous-titres, des interlignes, des séparations des paragraphes et de la densité de la police.
Il faut faire fi de ce parti-pris typographique, car la lecture de l'ouvrage, en plus d'être d'utilité publique, exhume des épisodes peu glorieux de notre histoire.

L'auteur axe son étude sur deux périodes, d'octobre 1940 à août 1942, sur la diversité des internés et la composante juive croissante, puis d'août 1942 à la libération sur le renouvellement des internés.
Louis Poulhès montre comment une caserne destinée à l'origine à l'internement des étrangers, hommes et femmes, devient peu à peu un centre de tri, puis une antichambre de la mort, « vivier » d'otages de fusillés, de déportés comme les militants communistes et les anciens des Brigades Internationales raflés en 1941 par la police française. A partir de 1941, les détenus juifs sont envoyés à Drancy, Pithiviers, Beaune-la-Rolande, et à partir de juin 1942, les internées juives sont transférées à Drancy, puis déportées à Auschwitz. En août 1942, c'est au tour des prisonniers politiques d'être déportés. le dernier convoi quitte le camp des Tourelles le 27 juillet 1944, quelques semaines avant la libération de Paris.

Le choix d'insérer dans l'étude des photographies et des parcours personnels d'internés (Celestino Alfonso, de L'Affiche Rouge, Jean Genet, Dora Bruder, Jean de Hauteclocque…) donne beaucoup d'humanité aux propos et ce sont sans aucun doute les parcours individuels souvent tragiques de ces hommes et ces femmes exécutés ou morts en déportation qui m'auront le plus intéressée.
Comme le mentionne la quatrième de couverture, « Pour qu'il ne soit pas « une zone de vide et d'oubli », des récits à transmettre », et on ne peut que saluer le travail de recherche de l'auteur sur ce camp d'internement en plein Paris dont personne ne se souvient.
Je remercie les Editions Atlande pour l'envoi de cet ouvrage (ainsi que le petit mot) reçu dans le cadre de l'Opération Masse Critique.
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