S’écraser morte au pied du mur.
Elle s’était pourtant rétablie d’une torsion, instinctivement, d’une sorte de salto avant, le crâne et la peau du dos râpés par le crépi, et elle avait atterri sur ses pieds. Pour la première fois de sa vie, elle avait béni son gabarit minuscule, ses hanches étroites et sa poitrine plate. Eux, bien sûr, n’avaient pas imaginé que l’une d’entre elles pourrait y passer, par cette lucarne de maison de poupées…
La nuit l’avait enveloppée et elle s’était sauvée aussi vite qu’elle avait pu, à l’aveuglette, les mains en avant pour se protéger d’invisibles obstacles, comme ces enfants poursuivis par Baba Yaga, dans les contes de son enfance. Son cœur cognait dans sa poitrine comme un petit singe emprisonné qui se jette en glapissant contre les barreaux de sa cage ; l’air froid lui brûlait la gorge ; des larmes coulaient toutes seules, froides et tranchantes… Des éclats de verre sur ses joues…
Elle n’avait pas couru très longtemps. Quoi faire dans le noir ? Dans quelle direction aller ? Comment se repérer, avec ces arbres denses, ces ornières où elle s’enfonçait, cette pourriture de feuilles mortes gorgées d’eau sur laquelle elle ne cessait de glisser ? Les yeux agrandis de terreur, elle imaginait des ruptures de pentes, des précipices où elle tombait, déchirée par les angles aigus des pierres, et où elle agonisait longtemps, sans personne pour venir à son secours. (« Pas de deux »)
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