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Critique de KiriHara


il m'est impossible de résister à un bon jeu de mots ; aussi, comment aurais-je pu passer à côté de celui du titre du roman de Jean-Bernard Pouy, le premier opus des aventures du "Poulpe".

"Le Poulpe", je ne le connaissais, jusqu'ici, qu'à travers le film éponyme tiré de la saga avec Jean-Pierre Daroussin dans le rôle titre. Un film que j'avais beaucoup aimé mais qui ne m'avait, curieusement, jamais poussé à lire, au moins, l'un des livres dont il était tiré.

Voilà qui est chose faite et, pour première expérience avec ce personnage, autant lire sa première aventure.

Il est important de préciser qu'il s'agit, là, de sa première aventure, car on ne le devine pas au départ, tant le roman ne cherche pas à présenter son personnage.

L'auteur ne cherche, d'ailleurs, pas à faire dans l'extension (qui est assez fréquente auprès des auteurs de polars un peu réputés. Oui, c'est à toi que je m'adresse Monsieur Grangé). Aussi, plutôt que de digresser pour faire progresser son histoire sur près de 600 pages, l'homme préfère aller droit au but pour ne pas dépasser les 100 pages. Petite histoire, petit format, petit prix, mais plaisir maximum.

Gabriel Lecouvreur est un personnage énigmatique, même pour le patron du bistrot du 11ème qu'il fréquente, tous les matins, en lisant son journal. Parfois, une affaire lui fait de l'oeil et il disparaît, plusieurs jours, pour la résoudre sans qu'il soit, pour autant, flic ou détective privé. Il n'est même commandité par personne. Il débarque sur les lieux, secoue le cocotier et essaye de gagner sa croûte sur le dos de l'un ou de l'autre des protagonistes. Son surnom ? le poulpe, à cause de ses grands bras. L'homme aux épaules larges sait manier ses battoirs ainsi que les armes et a la mandale plus facile que le compliment.
Ce matin, c'est un article sur le double suicide de deux jeunes des environs de Dieppe qui attire son regard. Se suicider, quand on a 17 et 19 ans, passe encore, mais se menotter à des rails de chemins de fer et avaler la clef pour se laisser écraser par le train à venir, voilà qui ne colle pas vraiment.

Aussi, Gabriel part illico pour Dieppe et va être confronté à une histoire glauque dans laquelle un fils de prolo tombe amoureux d'une jeune bourgeoise. Les deux tourtereaux se suicident après avoir laissé une lettre d'adieu. Tout est trop beau, Gabriel décide, alors, de donner un coup de pied à la fourmilière pour voir ce qu'il se passe et, il va s'en passer des choses.

Jean-Bernard Pouy, né en 1946, est un amoureux des mots, des jeux de mots et des contraintes. Adepte de l'Oulipo, du Cadavre exquis, il aime également initier des séries, dont celle du "Poulpe", mais également, "Pierre de gondole" et "Série grise"...

Le concept du "Poulpe" est donc intéressant à plus d'un titre. Des jeux de mots excellents (pas tous non plus) pour titre, un personnage énigmatique, un format court et, des auteurs différents pour chaque aventure.

Pouy initie, donc, la saga avec un personnage énigmatique et un style particulier. On ne sait rien de Gabriel Lecouvreur, est-ce son nom, d'ailleurs ? Il en use de plusieurs, selon les moments, et il a autant de fausses identités que de doigts aux mains.

Quid de ses motivations ? On ne sait pas, si ce n'est qu'il investit son argent dans la réhabilitation d'un vieux coucou, un Polikarpov.

Mais, il y a d'autres façons de gagner de l'argent que de risquer sa vie. Alors ? Pourquoi fait-il tout cela ? Cette première aventure ne répondra pas à cette question. Tout ce que l'on sait de lui c'est qu'il est déterminé, grand, bagarreur, amoureux d'une femme avec qui il vit une relation toute particulière où chacun fait sa vie de son côté. Il disparaît, revient, disparaît de nouveau, sans que plus personne ne s'en inquiète. C'est, le Poulpe.

L'auteur use d'un style direct, utilisant des images, de l'argot et des tournures de phrases courtes.
Pouy aime les contraintes et on retrouve ce goût jusque dans ceux de Gabriel puisque l'homme apprécie les Haïkus.
Malgré un temps de narration passé, habituel à ce genre de romans policiers, je dois avouer que tout le reste m'a conquis.

Le format court, permet d'aller directement aux évènements ou bien d'user d'une histoire bateau pour ne travailler que sur l'ambiance. Ce n'est donc pas un scénario ténu et machiavélique dont l'auteur tissera des toiles sur des centaines de pages pour, parfois, ne jamais réussir à les démêler (oui, c'est toujours à toi que je parle Monsieur Grangé). Là, les choses sont simples, violentes, directes, parfois glauques. Tout se résout, en quelques jours.

J'aime ce personnage énigmatique qui débarque, frappe et repart, sans que l'on ne sache pourquoi.

Bref, "La petite écuyère a cafté" est un livre qui se lit, très rapidement, du fait de son format court mais aussi d'une écriture simple mais pas simpliste. Il s'avère être un bon divertissement littéraire, pas un livre qu'on dévore pour suivre les méandres d'une histoire tortueuse, mais un roman que l'on grignote parce qu'il nous propose un style original et un personnage intéressant.

La saga du "Poulpe" est un phénomène littéraire à plus d'un titre.

Au départ, le but de JB Pouy, Serge Quadruppani et Patrick Raynal, trois amis auteurs, était de relancer le roman de gare et de contrecarrer les récits fascisants des SAS et consorts.

Pour se faire, il invente un personnage, Gabriel Lecouvreur et, avec ses amis, écrit la "bible" de la saga en déterminant les personnages et les passages obligés. Dans les obligations, le jeu de mots du titre, une histoire qui démarre par le meurtre, puis un deuxième chapitre se déroulant dans le bistrot où Gabriel prend connaissance de l'affaire, puis un passage chez Pedro, un gauchiste catalan, pour récupérer des armes ou des faux papiers, passage entre Gabriel et sa petite amie Cheryl, puis l'enquête, les coups pris, les coups donnés, résolution de l'enquête puis retour au bistrot.

Pouy se charge d'écrire le premier épisode, ses deux confrères se chargeront des deux suivants, puis, le concept est offert à qui le veut, du moment qu'il le demande et qu'il accepte de respecter la fameuse bible.

Directeur de la collection au sein de l'éditeur La Baleine, Pouy accepte volontairement tous les manuscrits qui lui parviennent, publiant dans l'ordre de réception. Comme l'aventure a attiré aussi bien des écrivains confirmés avides de se lancer dans un autre style, que des écrivains en herbe, il est normal de constater que tous les épisodes ne sont pas du même acabit. Pour autant, Pouy confesse qu'il souhaitait rendre compte de ce qu'il se faisait en matière d'écriture sans sélection.

Le début de l'aventure est fracassante et le succès inespéré. le premier roman se vend à plus de 47 000 exemplaires, si mes souvenirs sont bons, les trois suivants dépasseront tous les 20 000 exemplaires vendus. le poulpe devient un phénomène de société avec ses aventures anarchistes et son concept particulier. Un héros anarchiste, des histoires basiques, des romans courts, de l'humour, de la bière, des coups, et des auteurs différents pour chaque roman.

Si l'aventure est intéressante, le résultat n'est pas toujours au rendez-vous. Effectivement, vu le principe de Pouy de tout publier, on ne pouvait espérer que tous les romans soient d'un bon niveau. Pour autant, les premiers romans sont de très bonnes factures et l'ensemble s'avère très sympathique.

Malheureusement, un succès inattendu provoque souvent des retours de bâtons inattendus et, après avoir dilapider l'argent qui rentrait à flot, l'éditeur a fini par imploser, notamment à cause des ventes qui s'effondraient par faute du trop grand nombre d'épisodes qui sortaient chaque année.

Cependant, "Le poulpe" est un personnage qui mérite que l'on s'intéresse à lui et le concept est des plus réjouissants.
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