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Critique de Presence


Il s'agit d'une histoire complète en 1 seul tome. Ce dernier regroupe les 3 épisodes initialement parus en noir & blanc en 2009/2010, écrits, dessinés et encrés par Eric Powell. Pour cette édition, ces épisodes ont bénéficié d'une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart, et ont été complétés par une histoire courte de 10 pages mettant en scène les mêmes personnages, ainsi que par quelques pages de croquis.

Lula est une petite fille avec une barbe, au poil déjà bien noir et bien dru (une future femme à barbe, qui fait partie du cirque Wrinkle's traveling circus. Un jour, elle baguenaude aux environs du cirque et s'achète un chimichanga (sorte de pâtisserie proche des chichis). Alors qu'elle s'en retourne au cirque, Dagar la sorcière lui propose de lui acheter des poils de sa barbe (dont elle a besoin pour une de ses potions). En récompense, Lula choisit un oeuf non éclos. Alors qu'elle approche du cirque, il en sort un gros monstre qu'elle appelle Chimichanga.

Eric Powell est avant tout connu dans le monde des comics pour sa série "The Goon". Il dispose d'un sens l'humour un peu tordu, d'un amour véritable pour les monstres, et d'une capacité surnaturelle à dessiner des monstres à l'allure à la fois repoussante et drôle au second degré. le lecteur reconnait d'ailleurs immédiatement ces qualités dans cette curieuse histoire. Il y a à la fois de l'humour (la sorcière se prépare une potion pour diminuer la quantité de gaz digestifs dont elle est affligée), un amour véritable pour son personnage principal (une fillette à barbe), et un monstre aux yeux qui ont du mal à rester dans leur orbite.

Le monstre Chimichanga est une véritable réussite visuelle, un tour de force graphique associant une carrure impressionnante (il en impose par sa force), avec une exagération savoureuse (les dents de sa mâchoire inférieure en forme de triangles, son incapacité à maîtriser la place de ses yeux, ses manières d'enfant un peu primaire), et un comportement touchant (la manière dont il se laisse réprimander par Lula.

Lula est tout aussi réussie comme personnage. À nouveau, Eric Powell associe des éléments visuels inattendus. Lula est vraiment une petite fille (entre 5 et 7 ans), habillée avec une robe trop courte qui laisse voir sa culotte de type "Petit bateau" (blanche à gros pois rouge). Elle a un caractère charmant et très déterminé. Elle ne s'en laisse conter par personne et ne baisse pas les bras devant l'injustice. Sa barbe la met à part de enfants normaux, et l'a obligée à acquérir une certaine maturité. Elle sait se contenter de plaisirs simples (un bon chimichanga), mais aussi s'énerver ou pleurer. Elle est à la fois mignonne (avec sa petite fleur dans les cheveux) et impressionnante (sa façon de dire non).

Autour de ces 2 personnages centraux, Eric Powell crée une galerie de gugusses aussi impossibles que savoureux dont il a le secret. Il y a Heratio le poisson à visage de garçon dans son bocal qui craint la survenance d'une sécheresse. Il y a aussi le magnifique et étonnant Randy l'homme avec une force d'un individu légèrement plus grand que lui (sans parler d'Horace, l'homme qui a vu Elvis une fois).

Ces personnages évoluent dans une véritable intrigue mêlant une firme pharmaceutique aux pratiques douteuses, à la survie financière du cirque dont les artistes ne font pas rêver le spectateur. La narration est bien sûr loufoque, avec des gags qui font mouche, et un humour visuel d'une expressivité irrésistible. Contre toute attente, Powell intègre également un ou deux points de vue perspicaces sur les effets du capitalisme. Il y a cet exposé qui fait froid dans le dos sur le véritable objectif des entreprises pharmaceutiques, qui n'est pas de guérir les individus, mais de leur fourguer le plus possible de médicaments (d'où le sort peu enviable du chercheur qui a trouvé le remède contre le cancer).

L'histoire courte supplémentaire s'avère tout aussi réussie que l'histoire principale. Comme à son habitude, Dave Stewart effectue un travail tout en nuances, au service des dessins, sans se mettre en avant. Les pages de croquis permettent de se faire une petite idée du processus créatif de développement des personnages, par Eric Powell.

Bien sûr, cette histoire n'a rien d'indispensable et il est possible de vivre sans l'avoir lue. Toutefois les lecteurs de la série "The Goon" auraient tort de se priver de ce récit court (et pas cher) dans lequel ils retrouveront toute la verve visuelle et écrite d'Eric Powell. Les lecteurs de base seront ravis de découvrir un récit à la narration très personnelle, avec des dessins irrésistibles, un humour piquant sans être grinçant, adulte sans être cynique, et des personnages générant un degré d'empathie incroyable.
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