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EAN : 9791036602351
Lizzie (03/01/2019)
  Existe en édition audio
3.89/5   1347 notes
Résumé :
Après des années passées seule dans la forêt à étudier les arbres, la botaniste Pat Westerford en revient avec une découverte sur ce qui est peut-être le premier et le dernier mystère du monde : la communication entre les arbres. Autour de Pat s'entrelacent les destins de neuf personnes qui peu à peu vont converger vers la Californie, où un séquoia est menacé de destruction.

Au fil d'un récit aux dimensions symphoniques, Richard Powers explore ici le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (261) Voir plus Ajouter une critique
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sur 1347 notes


Bouleversant , étincelant , dense ... dense !

Après lecture , ne me viennent que des qualificatifs positifs pour parler de cette oeuvre impossible à résumer.
Elle gravite autour de son thème majeur , l'arbre et le vivant .
L'arbre et les siens . L'arbre et l'humain .

Symphonies poétiques et traités scientifiques s'entrecroisent pour servir la prise de conscience collective et ça donne une superbe mise en mots autour de huit nouvelles qui entrelacent leurs destins comme des racines .
Les arbres , comme des membres de la famille surgissent au coeur des récits .

L'utilisation constante d'un vocabulaire commun aux espèces humanise encore plus l'arbre : il vit , il est blessé , il communique , il meurt . On parle de sa chair , de sa peau etc...

" le comportement biochimique des arbres individuels ne prend sens que si on les envisage comme des membres d'une communauté ".
P.143

Derrière les textes ou les personnages , on perçoit l'ombre de Darwin , de Thoreau , de John Muir , de Abbey mais Powers creuse et creuse et argumente et prouve et matraque : le vivant sur cette planète est un tout , nous méprisons les intelligences végétales , nous avons rompu les liens puissants qu'avaient nos ancêtres avec la nature .
Et, je n'ai pas besoin de préciser que l'auteur va bien sûr s'étendre sur les conséquences des dégâts infligés à la biodiversité par ignorance , par cupidité , par indifférence.


Voilà bien une oeuvre salutaire , puissante : elle réveille les consciences , elle informe , elle conforte ou elle inquiète .
Mais , je dois dire que si cette lecture se grave dans la mémoire , elle requiert quand même un effort de concentration de tous les instants , avec , je le répète , des plages de plaisirs poétiques ou philosophiques : que dire du bonheur de rencontrer ici John Muir ...


Autre bienfait , j'ai regardé mes arbres chéris : les frênes qui font parfois trop d'ombre , les chênes qui ont transformé ma pelouse en tapis de mousse , le lilas mauve qui va chez le voisin , les sapins moches qui jaunissent ...
Vivez vos vies mes amours , je vous laisse aux oiseaux , Richard Powers vient de balayer un peu plus mes scrupules de mauvaise jardinière , vous avez juste à me tolérer parmi vous en me pardonnant le livre de papier que je lis sous vos branches.



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L'Arbre-Monde de Richard Powers m'a scotchée, émue, captivée, pulvérisée…
Une émotion rare à l'état pur. Une émotion qui ressemble fort à celle qu'on recherche en commençant chaque livre. Comme un coup de poing. Telles les racines aériennes d'un figuier des banians, il m'a ligotée pour m'attirer dans son monde. Lilliputienne, je suis entrée à petits pas comme on entre dans la forêt de Brocéliande, regorgeant de lutins planqués derrières les fougères, de fées cachées derrière les troncs imposants des châtaigniers ou des chênes. Peu à peu, je me suis perdue dans la jungle amazonienne, ébahie par sa faune et sa flore gigantesques, époustouflantes, me rappelant à chaque pas qu'on est bien peu de chose à côté. Nous ne sommes que grains de poussière de quelques années parmi tous ces sages centenaires, voire millénaires. Juste un peu de compost qui nourrira, fertilisera -on l'espère au mieux- quelques-uns d'entre eux ainsi que tout l'écosystème alentour. On leur doit bien ça (ce qui permettrait par là-même de résoudre le problème de places dans les cimetières. Mais, il parait que les corps ne se décomposeraient plus, à force de consommer des antibiotiques et des aliments contenant conservateurs… Fichtre, partant de ce constat-là, cela signifierait qu'on serait au mieux classé « E » sur l'échelle Nutri-score des aliments pour les plantes.)

Un roman frisant avec l'essai botanique, intelligent, foisonnant, luxuriant de beauté et de douleur, de poésie et d'espoir, d'alertes et de cris écologiques.
Un roman qui se déroule aux Etats-Unis et où se mêle l'histoire de 9 personnages auxquels on s'attache, à qui on ressemble un peu, de certains qui butent contre une branche, ramassent une feuille, plantent un arbre dans le jardin. 9 personnages qui ont chacun une essence d'arbre particulière dans leur histoire personnelle ou qui les représentent (châtaignier, murier, érable, chêne, tilleul, pin, hêtre, chêne vert jusqu'au Ginkgo Biloba, dit fossile vivant).
Et c'est le début d'une grande histoire d'amour avec les arbres et la forêt. le début d'un lien qui se tisse comme une liane entre la nature et l'homme. le début d'une union entre des personnes qui ne se connaissaient pas mais qui vont entremêler leur vie pour tenter de sauver les arbres. Telles les racines de deux sapins de Douglas qui peuvent fusionner sous terre pour ne plus former qu'un. Telles des ramifications visibles ou non ou encore le souvenir qu'une partie de nos gênes vient de l'Arbre.
Une saga, des années de passion, de sang et d'amour, des histoires qui naissent, qui poussent, qui grandissent comme un séquoia et qui meurent parfois. Une histoire de différences aussi, de solitude, loin des hommes ou trop près de ceux que nous sommes devenus, à détruire, saccager la nature sans nous rendre compte qu'on se détruit nous-mêmes, qu'on crache dans la main qui nous nourrit, qui nous donne de l'oxygène.

Il était étonnant et dérangeant de savoir qu'en même temps que je lisais ce livre sur les arbres, la forêt amazonienne était en proie aux flammes. Difficile de ne pas mentionner ce drame écologique le plus grave de ces derniers mois, pour ne pas dire des dernières décennies alors que j'écris ces quelques mots. Malheureusement, se contenter de critiquer Bolsonaro et la politique de déforestation serait simpliste et discutable. Nous, européens, donneurs de leçons, sommes aussi les consommateurs de soja, d'huile de palme et de bois (la France aurait d'ailleurs importé du bois tropical d'Amazonie coupé illégalement). Il vaut mieux donc que je referme cette lourde parenthèse sur ces incendies, même si justement la déforestation est au coeur de ce livre.
Je confesse que ma main s'emballe en écrivant un billet écologiste, un brin militant, illuminé ou exagéré pour certains peut-être ; l'action de la photosynthèse n'agissant pas aussi bien sur moi que sur les plantes, sans doute. D'ailleurs, j'ai bien conscience d'écrire un billet (qui se voulait petit) un peu fouillis, passant d'un thème, d'une émotion à une autre.

Dire que j'ai adoré ce roman ne serait pas tout à fait approprié. Dire qu'il m'a happé serait plus proche de la réalité. Ce roman était tellement puissant et captivant que pendant plusieurs jours ce fut mon rendez-vous fort et indispensable de la journée.
Pour être sincère, je ne cache pas que, durant la lecture, il m'est arrivé de me dire que la rencontre entre certains personnages faisaient un petit peu trop ‘'bonbon sucré'' (et mon billet a peut-être ce goût-là aussi). J'avoue surtout m'être un peu essoufflée au milieu du roman (de plus de 530 pages), dans la partie où certains personnages se faisaient plus ‘'activistes''. Heureusement, la suite a repris de la consistance plus émotionnelle à mon goût. Et c'est cela que je retiens.
J'étais si souvent émerveillée par ces lignes de poésie, de lumière, toutes ces pages regorgeant d'informations botaniques sur les arbres et leur intelligence (notamment aéroportée), leur communication, leur mémoire et tout ce qu'ils fabriquent en plus de leurs bois et fruits (les cires, gommes, sucres, etc.). La liste des variétés d'arbres, de petites bestioles tout autour, de termes scientifiques s'allonge tellement au fil des pages que cela pourrait rebuter certains à la longue, car nous sommes loin d'être tous des dendrologistes ou botanistes. Et j'étais impressionnée par l'énorme connaissance de Richard Powers et de son travail de recherche sûrement aussi conséquent.
Forcément, par jeu de miroir, je me sentais frustrée de ne pas connaître toutes ces espèces énumérées à la pelle, de ne pas avoir l'image exacte de toutes ces variétés, agacée de ne pas avoir eu plus d'intelligence ou de curiosité pour en apprendre plus de ce qui m'entoure.
Je me sentais déchirée face à la destruction, à la mort des arbres, ulcérée, en colère, triste, comme je l'étais devant les images de la forêt amazonienne qui brulait. J'étais heureuse, souriant à ces différents personnages avec qui on se lie parce qu'ils ont l'intelligence d'ouvrir les yeux pour nous, le courage d'agir pour sauver les arbres, la planète et nous-mêmes. Des personnages de nature diverse, aux parcours différents, qu'ils soient scientifique, avocat, créateur de jeux vidéo, étudiant, marginal ou un peu idéaliste ou illuminé (je ne suis donc pas toute seule). Et c'est justement cela que l'on retient : quels que soient leur histoire, leur vécu, leur passé, quelles que soient les raisons et sensibilités de s'intéresser à ce sujet, quel que soit le temps plus ou moins grand que cela leur prend, ils finissent par comprendre l'importance, l'utilité, les bienfaits des arbres, de la forêt pour la biodiversité, pour le présent, pour le futur. Ils comprennent l'importance de réveiller les consciences, de nous faire ouvrir les yeux sur ce que nous sommes en train de faire, d'agir et de trouver des solutions…

Depuis mon enfance, j'ai été nourrie par la sève des arbres, amoureuse de la nature et reconnaissante de ses bienfaits sur mon humeur… Et sûrement que la majorité des lecteurs de « L'Arbre-Monde » sont comme moi, déjà curieux, sensibles et soucieux de l'environnement (ajoutés au fait que ce roman a reçu le prix Pulitzer 2019).
J'ai l'impression que l'arbre est très à la mode ces dernières années (« Dans la forêt », « La vie secrète des arbres », « Serena ») et peut-être certains se sont dit « Allez… Encore un qui surfe sur la vague écolo, l'arbre mon ami, mon frère ».
Effet de mode ou pas, on s'en moque. le tout est que cela fasse son petit bonhomme de chemin dans les esprits (et si possible assez rapidement), parce qu'il est urgent d'inverser la tendance, il est temps de revenir aux fondamentaux.
D'ailleurs, à bien y réfléchir, la forêt a toujours été énigmatique et mystérieuse (« Robin des bois », « le baron perché » sans oublier bien sûr « le petit chaperon rouge » ou « Bambi » !) ou encore célébrée (« Walden ou la vie dans les bois » de Thoreau, « L'homme qui plantait des arbres » de Giono, « Célébrations de la nature » de Muir…). On a même coupé beaucoup de bois pour l'encenser, mazette… (« Mazette », c'est parce que j'essaye de prendre quelques bonnes résolutions pour la rentrée).

Les arbres étaient là bien avant nous, et, je l'espère, seront là bien après nous. Nous, êtres humains, sommes jeunes sur cette planète, des petits bambins… Et pourtant, en un ‘'rien de temps'', nous avons réussi à l'abimer, nous sommes en train de la détruire… Nous sommes « arrivés » après et pourtant nous, mammifères dits intelligents, doués de raison, de conscience et de sentiment (…) mais sûrement aussi égoïstes, égocentriques, nombrilistes, inconséquents, aveugles, blasés, nous nous octroyons le droit de propriété, le droit de vie et de mort sur ce qui nous entoure, alors que c'est justement ce qui nous entoure qui nous permet de respirer, de vivre.

Ce roman-manifeste de Powers nous ouvre bien plus grand les yeux qu'auparavant sur l'urgence écologique. C'est un livre puissant dans lequel j'ai appris énormément sur les arbres. Mon regard sur ces plantes ligneuses terrestres sera à jamais différent, plus aiguisé et bien plus ému qu'auparavant.
A force de lectures, de discours écologiques -qui telles de petites graines s'infiltrent et poussent dans notre cerveau-, peut-être finirons-nous par apprendre, comprendre, être plus attentifs et respectueux, et témoigner aux arbres -et à la nature dans son ensemble- plus de reconnaissance et de bienveillance ?

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Qui sont-ils ?
Ils sont ceux que nous côtoyons pendant toute notre vie sans les voir vraiment… Ils ont été et sont encore nos meilleurs alliés, participant activement à notre évolution. Ils ont été l'outil principal qui a permis à l'humanité de découvrir le feu, puis l'écriture. Ils nous accompagnent toute notre vie en agrémentant notre confort mobilier. Depuis notre naissance jusqu'à notre mort où ils nous étreignent au fond de cette fosse pour une éternité, ils sont nos plus fidèles compagnons.
Ils nous nourrissent de leurs fruits, nous protègent de la chaleur de l'été, de la froideur de l'hiver, ils nous soignent.
Ils sont le poumon de notre planète. Ils vivent en sociétés, ils communiquent entre eux grâce à la merveilleuse chimie des phéromones, langage imperceptible que nous n'entendons plus.
Ils échappent à notre graduation du temps, un jour pour nous est une seconde pour eux.
Ils nous offrent le meilleur d'eux-mêmes et qu'en faisons-nous ? Parfois de belles choses qui les magnifient et qui nous grandissent, le plus souvent des copeaux, de la fumée, un génocide. Que pensent-ils de notre comportement, lorsqu'ils nous observent du haut de leurs siècles d'efforts pour entretenir une paix végétale, une harmonie biologique, nous activer à entretenir la fureur et le chaos ?
En réponse à cette nature belliqueuse et destructrice de l'homme, Richard Powers écrit : « Tenez bon. Il suffit de tenir un ou deux siècles. Pour vous, les gars, c'est un jeu d'enfant. Il suffit de nous survivre. Alors il n'y aura plus personne pour vous emmerder. »
Evidemment, car ils étaient là avant nous et ils seront encore là après.
Qui sont-ils ? …Ce sont les arbres.
« L'arbre monde » est un panégyrique pour ce monde végétal ignoré. L'architecture de ce roman est bâti comme un arbre dont les racines sont les différentes vies de gens que rien ne prédisposait à faire se rencontrer mais dont les destinées vont s'entrecroiser pour finir par former un tronc commun, avec un philosophie environnementale et surtout la prise de conscience de la tragédie que l'homme est en train de provoquer.

Richard Powers écrit ce message d'espoir : « ce qui effraie le plus ces gens se muera un jour en miracle. Alors les gens feront ce que quatre milliards d'années les ont façonnés à faire : prendre le temps de voir ce qu'ils regardent au juste. »
Au milieu de cette cacophonie de vies fourmillantes qui s'entrecroisent il y a un sens caché qui dépasse, dont on devine le contour et va bien au-delà des intentions de l'auteur, une logique qui échappe à tout entendement humain. L'histoire se soustrait à son auteur, se dérobe, reprend sa liberté pour emmener le lecteur vers le constat de son déni de la tragédie qu'il porte en lui, sa propre disparition pour la survie du paradis duquel il a été chassé originellement. Nous sommes l'erreur dans la grande équation du Monde.
Au sortir de la lecture du roman de Richard Powers, il ne sera plus jamais possible de voir un arbre comme auparavant.
Rends-toi dans une forêt, choisis un arbre, pose tes mains sur son tronc et ralentis ta vie pour la caler sur la sienne afin d'entrer en osmose avec lui. Fait circuler tes pensées depuis les racines les plus profondes de cet auguste amphitryon jusqu'à ses feuilles les plus hautes perchées et prend conscience du monde dans lequel tu vis. Rends-lui hommage !
Traduction de Serge Chauvin.
Editions du Cherche Midi, 10/18, 738 pages.
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Un éco-roman sur la sauvegarde des arbres
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Quand Léa, l'administratrice du Picabo Riverbookclub a proposé la lecture d'un roman américain dont le sujet principal est la forêt, j'étais toute excitée. Ayant lu récemment un essai sur la sylvothérapie ainsi que « les langages secrets de la Nature » du grand spécialiste des arbres, Jean-Marie Pelt, je ne pouvais qu'acquiescer pour une demande de lecture. Et quelques semaines plus tard, j'ai eu ce gros pavé « L'arbre-monde » dans mes mains. Une fébrilité toute religieuse.
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Un plaidoyer pour tenter de rendre les hommes moins aveugles.
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La trame du roman est originale puisque le premier chapitre débute par les Racines : 8 personnes, 8 vies déployées chacune à leur manière, ayant un lien plus ou moins fort avec un arbre. Des racines qui sortent du sol petit à petit, ces humains eux aussi à l'aube de leur vie. Une galerie de personnages émouvants, « exclus de la société », qui, pris isolément, sont indécis et perdus. Excepté peut-être Olivia, qui d'ailleurs fera le lien entre les deux chapitres.

Le Tronc, dont les Racines s'entrelacent pour s'unir en un destin commun. Et lequel est-il? Il est colossal, gigantesque, quelque chose qui dépasse l'Homme. Un combat essentiel de la cause environnementale : protéger ces grands arbres de la destruction de l'homme.

Alors, chacun de ces personnages va utiliser ses propres moyens pour s'engager dans un processus qui vise à changer nos mentalités. Certains passeront par l'activisme (l'écoterrorisme, le « squat » sur Mimas, le séquoia géant), l'élaboration d'un roman botanique, l'utilisation de la technologie informatique… Mais tous utilisent leur puissance et leur volonté, et là on voit bien la similitude avec le fonctionnement d'une communauté sylvestre.

Puis le troisième chapitre qui déploie tous ces humains vers la confrontation, la résilience, comme l'arbre qui se prolonge jusqu'à sa cime.
*
Un roman didactique dont l'Arbre est au coeur d'un problème mondial: que l'espèce humaine massacre le règne végétal sans vergogne, sans aperçu sur le très long terme.
*
Un texte dense, touffu rempli de citations et d'informations botaniques (je précise, au passage, que ces données sont entièrement exactes).

Pat la botaniste est celle qui nous apprend par exemple que « même des arbres d'espèces différentes forment des partenariats. Si on abat un bouleau, un sapin voisin peut en souffrir. » , « Rien n'est moins isolé, plus sociable qu'un arbre », « Un arbre mort, c'est un hôtel infini (pour les organismes vivants) ».

J'ai aimé son amour inconditionnel pour les arbres. Je me suis très vite identifiée à elle.

Les arbres ont également une voix au chapitre. Par leur présence silencieuse, leur quasi -immobilisme et leur assise ancestrale, ils sont les héros de cette tragédie.
*
Parlons du constat final: la situation globale est catastrophique et terrifiante. Je pense que c'est un roman qui sert de plaidoyer, de lanceur d'alerte pour toutes les générations à venir. Un brin pessimiste et réaliste mais aussi optimiste si on sait où regarder d'une manière attentive, si on réapprend l'humilité , peut-être que tout ne sera pas perdu.
*
L'auteur a réalisé un énorme travail documentaire, avec des touches de poésie ainsi qu'un souffle romanesque. Et avec beaucoup de conviction qui je l'espère, aboutira à « l'éveil des consciences ».

Je ne peux que vous le conseiller. C'est même « presque » une obligation de le lire 🙂
*
Ce matin, justement, j'ai fait un câlin à un épicéa. Et j'ai regardé le sol , là où grouillent tous ses compagnons/auxiliaires. Et j'ai remercié toute la forêt, car sans elle, nous n'existons plus.
*
« Vous et l'arbre de votre jardin êtes issus d'un ancêtre commun (et) aujourd'hui encore vous partagez avec cet arbre le quart de vos gènes. »
Lien : https://red2read.wordpress.c..
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Je suis entré dans L'Arbre-monde comme on entre dans une forêt pour la première fois. Toutes les premières fois sont belles.
J'aime les forêts depuis ma tendre enfance. J'aime m'y promener. Même une forêt bretonne est parfois dense, touffue, foisonnante, donne le tournis, un peu comme ce livre monumental. On peut s'y perdre tout en s'en émerveillant et c'est d'ailleurs peut-être le premier principe de l'étonnement. Je pourrais m'arrêter là pour mon premier ressenti et bien sûr vous me connaissez, je ne m'arrêterai pas là...
Alors j'ai poussé ma barque dans la canopée des pages, l'ivresse des feuilles, le frémissement des branches, l'entrelacement des racines où parfois en tant que marcheur je me suis demandé si je ne leur faisais pas mal en y posant le pied...
« le brouillard enveloppe la canopée. Par une trouée dans la frondaison, les clochers duveteux de troncs voisins se dressent en tourbillon leurs panaches grisâtres que dans les pics vert-brun qui les transpercent. Tout autour d'eux s'étend un conte de fées fantasmagorique issu du paléozoïque. C'est un matin comme le matin où la vie apparut pour la première fois sur la terre sèche. »
Je connaissais l'effet des forêts, celui de certains arbres, je connaissais les fées des forêts, je suis un promeneur toujours étonné en forêt et parfois il m'arrive de m'attarder au pied d'un hêtre ou d'un chêne, parfois de m'y asseoir, de m'y adosser, souvent avec un livre. Je m'y sens toujours bien. J'aime aime être sous ce charme...
Regarder une forêt et se remplir de sa respiration. Prendre conscience de sa force et de sa fragilité dans le chant des oiseaux et le bourdonnement des insectes. Sentir qu'il y a peut-être quelque chose de plus grand que nous qui se tisse dans l'envers de ce décor.
Enfant, j'allais chercher des châtaignes à l'automne avec mon père qui m'entraînait dans de folles escapades. Parfois il jouait à disparaître pour me taquiner et je courais derrière chaque tronc d'arbre pour le déloger de sa cachette. C'est comme cela que j'ai appris à les toucher sur leurs peaux. le premier arbre que j'ai fait pousser dans le jardin familial fut d'ailleurs un châtaignier, une châtaigne restée dans une des poches de mon pantalon fit l'affaire. Plus tard lors de mes premiers émois amoureux, je fus entraîné sous les ramures protectrices d'un sapin, elle avait le même âge que moi, nous nous aimions et nous ne savions pas à quel endroit exprimer notre amour réciproque dans sa clandestinité et sa tranquillité. Nous avions l'impression d'être protégés du reste du monde en venant ainsi dans une forêt que nous connaissions déjà un peu. L'endroit où nous nous étions allongés était accueillant et on s'était même dit qu'il abritait peut-être la nuit un animal, une biche... Même au loin le bruit sauvage des bûcherons qui semblaient se rapprocher de nous, ne nous faisait pas peur. C'était comme si dans cet instant présent la forêt se refermait sur nous, créait un dôme magique, nous protégeait un peu le temps d'un bonheur fugitif avant de nous délivrer à la vie... Après ce moment de joie, je me souviens que nous nous sommes dit qu'il faudrait se rappeler cet endroit, quel que soit les routes que prendraient nos existences. Et puis me revient d'autres images du père que je suis devenu plus tard, quand mes enfants me harcelaient pour leur inventer des contes toujours plus insolites les unes que les autres. Il me venait alors des histoires d'arbres où l'écorce s'ouvrait brusquement pour laisser passage à des chemins souterrains où un monde secret et mystérieux était tapi, grondait... C'est sans doute dans ces multiples souvenirs que je puise mon empathie pour la forêt, les forêts... Quand je vais mal, je me réfugie dans une forêt proche. La mer bien sûr n'est jamais loin, c'est différent et selon mon humeur j'ai la chance de pouvoir faire venir à moi le paysage qui me console ou me réjouit.
Après cette digression, je reviens au livre, à son récit.
Dans la période que nous vivons, la cause écologique pourrait être quelque peu effacée dans les médias par la guerre qui sévit si près de nous. Cependant ces deux causes ne s'opposent pas mais au contraire doivent s'agréger. Il est bien question de l'humanité, « quelle planète allons-nous transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants » ? Mais parfois la question s'inverse ainsi : « Quels enfants allons-nous laisser à la planète. » Je ne sais pas qui a dit cette phrase, j'ai pensé que c'était Pierre Rabbi, mais elle fait écho à une des nombreuses citations éloquentes du livre de Richard Powers comme celle-ci : « Il faut qu'on cesse de se comporter en touristes sur Terre. Il faut qu'on vive vraiment là où on vit, qu'on redevienne indigènes. »
Richard Powers propose ici un livre magistral dans lequel je me suis engouffré avec bonheur.
C'est une oeuvre forte, immense, exemplaire.
C'est une oeuvre riche, multiple, romanesque, poétique, scientifique, politique, philosophique...
Oui, entrer en forêt et s'en imprégner, protéger cette forêt coûte que coûte est un acte autant poétique que politique...
"Chaque étoile de la galaxie roule au-dessus d'eux, à travers les aiguilles bleu noir, dans un fleuve de lait renversé. le ciel de la nuit : la meilleure drogue jamais inventée, jusqu'à ce que les êtres s'unissent en une ivresse plus forte."
Comment ne pas être séduit et convaincu par le propos qui tient le texte ?
... par cette idée que les arbres ne sont pas des êtres esseulés mais forment une communauté et construisent des liens sociaux entre eux...
...par cette idée que les arbres peuvent communiquer, prendre soin les uns des autres...
... que les graines ont une mémoire, se souviennent du passé, des saisons de leur enfance...
... que les arbres envoient des signaux à d'autres espèces vivantes comme les guêpes, les fourmis...
... que la forêt est une communauté consciente...
... par cette idée que les arbres non seulement ne sont pas si éloignés de nous mais nous ressemblent étrangement... Cela je l'ai toujours cru, je l'ai toujours su...
J'ai pensé alors à un livre que j'avais beaucoup aimé il y a quelques années, « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben.
Des arbres traversent les pages, traversent le temps.
C'est une déambulation dans une verticalité que l'on sent vulnérable comme des ailes d'oiseaux fatigués et qui impose désormais l'impérieuse urgence d'en prendre soin.
Voilà pourquoi j'ai aimé ce livre.
Des puits de lumière ont déversé de magnifiques citations dans les clairières de ce roman.
« Il y a des créatures qui vivent si haut et si loin de l'homme qu'elles n'ont jamais appris la peur. »
J'ai aimé l'entrelacement des routes qui amènent neuf personnes surgies de la terre comme des rhizomes, neuf personnages neuf personnages en quête d'une histoire collective, neuf personnages comme des constellations.
Et pourtant...
Le propos a sans doute délaissé l'histoire de ces personnages... Et il m'a manqué une empathie pour que j'aille enfin à leur rencontre.
J'ai espéré le coup de coeur qui viendrait et il ne vint pas cependant.
Mais pourquoi cette frustration au bout de ma lecture ? Que m'a-t-il manqué ? de l'émotion sans doute... du romanesque aussi... Richard Powers m'a séduit et conquis dans son propos militant. Mais j'attendais des rendez-vous qui ne sont pas venus dans cette ode végétale vertigineuse, trop vertigineuse peut-être, tandis que l'histoire des personnages s'effaçait peu à peu derrière la cause des arbres. Peut-être était-ce que souhaitait l'écrivain ?
À défaut, ce fut un coup de poing dans quelques certitudes qui tenaient encore comme elles le pouvaient. Une prise de conscience sidérante...
« Elle se remémore les paroles du Bouddha : Un arbre est une créature miraculeuse qui abrite, nourrit et protège tous les êtres vivants. Il offre même de l'ombre aux bourreaux qui l'abattent. »
Lire l'Arbre-monde, c'est comme un mode d'emploi pour mieux habiter le monde désormais avec ce que nous avons à notre disposition pour tenir debout. Habiter le monde poétiquement et politiquement.
Rabindranath Tagore disait : « Les arbres sont l'effort incessant de la terre pour s'adresser au ciel qui écoute. » Comment lui donner tort ?
Aimer les arbres, c'est aimer les autres et nous aimer aussi... Aimer celles et ceux qui viendront après nous dans la joie et le désastre du monde...

Un grand merci à Sandrine (HundredDreams) pour cette lecture partagée.
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critiques presse (8)
Telerama
03 janvier 2019
Pour l’écrivain américain, il est urgent de prendre conscience que nous ne sommes pas seuls, qu’il y a tout autour de nous des êtres qui, sans être humains, sont des créatures pensantes.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeDevoir
17 décembre 2018
L’arbre-monde réunit sous un seul tronc les histoires de neuf personnages qui, pour une raison ou pour une autre, vont converger vers la Californie et s’y rencontrer afin de protéger un immense séquoia menacé de destruction. Un livre militant, foisonnant et nécessaire.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LeDevoir
26 novembre 2018
Chant d’amour, alerte rouge, fascinant puits de connaissances et de mythes, poème botanique, livre militant, L’arbre-monde risque de changer votre perception du monde. Un livre foisonnant et nécessaire.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LaLibreBelgique
16 octobre 2018
L’auteur du "Temps où nous chantions" met le drame écologique au cœur de son douzième roman. En lice pour le Man Booker Prize, "L’Arbre-Monde" est une fresque magistrale au message incontournable portée par neuf personnages inoubliables.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
05 octobre 2018
Bruno Latour défend la lecture des romans de Richard Powers, invitation à tourner le regard vers les arbres et le miroir qu’ils offrent à l’homme, pris dans la croissance économique.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Lexpress
01 octobre 2018
Le roman écologique va-t-il gagner en notoriété à mesure que l'urgence climatique deviendra plus pressante et plus prégnante dans nos vies ? Avec L'Arbre-monde, en lice pour le Man Booker Prize, l'Américain Richard Powers lance une lourde pierre dans le fourmillant jardin de ce genre littéraire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Liberation
21 septembre 2018
Dans son style toujours aussi métaphorique et brillant, Richard Powers dépeint le parcours de neuf personnages dont les destins vont se lier autour d’un combat essentiel de la cause environnementale.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeMonde
17 septembre 2018
Un éco-roman dont l’auteur explique qu’il a profondément changé sa propre manière d’être au monde et ses liens avec les autres vivants, les « non-humains ».
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Disons que la planète nait à minuit et que sa vie court sur un jour. Au début, il n'y a rien. Deux heures sont gaspillées par la lave et les météores. La vie n'apparait pas avant trois ou quatre heures du matin...d'infimes bribes qui se dupliquent. De l'aube à la fin de la matinée (un milliard d'années de ramification) rien n'existe que de maigres cellules simples. Et puis quelque chose de fou arrive peu après midi. Une variété de cellule simple en asservit deux ou trois autres. Les noyaux acquièrent des membranes. Les deux tiers du jour sont passés quand animaux et plantes prennent des chemins séparés. A neuf heures du soir apparaissent méduses et vers de terre. Les plantes parviennent à la terre juste avant vingt-deux heures. Puis les insectes qui aussitôt décollent. Vers onze heures, les dinosaures ont fait leur temps et laissent la barre aux mammifères et aux oiseaux pour une heure. L'homme moderne au sens anatomique se pointe quatre secondes avant minuit. Les premières peintures rupestres apparaissent trois secondes plus tard. A minuit la plus grande partie du globe est convertie en cultures intensives pour nourrir et protéger une seule espèce. Et c'est alors que l'arbre de vie devient encore autre chose. Que le tronc géant commence à vaciller.
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[...] hêtre noir [...]

Fort et large , mais plein de grâce ,
il s'évase noblement à sa base pour s'offrir son propre socle .

Prodigue de noix qui nourrissent tous les affamés .

Son tronc lisse et banc gris ressemble plus à de la pierre qu'à du bois .

Ses feuilles couleur de parchemin survivent à l'hiver [...]
et se détachent brillantes sur fond de voisins dénudés .

Élégant , avec ses branches solides qui ressemblent tant à des bras ,
et dont les pointes s'élèvent comme des mains en offrande .

Brumeux et pâle au printemps ,
mais à l'automne ses ramilles plates et larges
baignent l'air de dorures .


P.131 -132
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Elle raconte comment un orme a contribué à déclencher l’Indépendance américaine. Comment un énorme prosopis vieux de cinq cents ans pousse au milieu d’un des déserts les plus arides de la terre. Comment la vue d’un châtaignier à la fenêtre a redonné l’espoir à Anne Franck, dans le désespoir de sa claustration. Comment des semences sont passées par la lune avant de bourgeonner sur toute la Terre. Comment le monde est peuplé de merveilleuses créatures inconnues de tous. Comment il faudra peut-être des siècles pour réapprendre ce que jadis on savait sur les arbres.
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Nous traversons la Voie Lactée tous ensemble ,
arbres et hommes [...]

A chaque promenade avec la nature
on reçoit bien plus que ce qu'on cherche .

L'accès le plus direct à l'univers ,
c'est une forêt sauvage .

John Muir

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TRÈS BONNE ANNÉE 2019 pour tous !

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et que :

" Les mots résistent à toute la brutalité du jour "
( R. Powers )
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Personne ne voit les arbres. Nous voyons des fruits, nous voyons des noix, nous voyons du bois, nous voyons de l’ombre. Nous voyons des ornements ou les jolies couleurs de l’automne. Des obstacles qui bloquent les routes ou qui obstruent la piste de ski. Des lieux sombres et menaçants qu’il faut défricher. Nous voyons des branches qui risquent de crever notre toit. Nous voyons une poule aux œufs d’or. Mais les arbres… Les arbres sont invisibles.
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Quand vous regardez les arbres autour de vous, que voyez-vous ? Je veux dire : que voyez-vous vraiment ? Si vous savez rêver, c'est l'avenir de l'humanité que vous contemplez en regardant les arbres.
L'arbre-monde de Richard Powers, c'est un grand roman à découvrir en poche chez 10/18.
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