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EAN : 9782845902268
314 pages
Arfuyen (11/02/2016)
4.2/5   10 notes
Résumé :
Malgré une mort prématurée à l'âge de 26 ans, Antonia Pozzi (1912-1938) a laissé une oeuvre considérable dont la publication posthume a révélé la force et l'originalité. Vittorio Sereni, l'un de ses plus proches amis, reconnut le premier ses dons exceptionnels. Eugenio Montale admirait lui aussi la " pureté du son " et la " limpidité des images " de la poésie d'Antonia Pozzi. T. S. Eliot quant à lui se disait frappé par " sa pureté et sa probité d'esprit ".
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Que lire après La vie rêvée : Journal de poésie 1929-1933Voir plus
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
SOLITUDE
        à A. M . C .
  
  
  
  
J’ai les bras douloureux et alanguis
par un désir inepte d’étreindre
quelque chose de vivant, que je sens
plus petit que moi. Je voudrais attraper
au vol mon fardeau, et l’emporter ensuite,
en courant, quand le soir viendra ;
me ruer dans l’obscurité, pour le défendre,
comme la mer se lance sur les écueils ;
lutter pour lui, jusqu’à ce qu’il me reste
un frisson de vie ; et puis sombrer
au cœur de ka nuit, dans la rue,
sous un ciel tumescent argenté
de lune et de bouleaux ; me replier
sur cette vie qui me serre la poitrine –
et l’endormir – et dormir moi aussi, enfin…
Non : je suis seule. Seule je me pelotonne
sur mon maigre corps. Je ne me rends pas compte
qu’au lieu d’un visage endolori,
j’embrasse comme une démente
la peau tendue de mes genoux.


         Milan, 4 juin 1929, p.57

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf
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ALPAGE
  
  
  
  
Sur la paroi en surplomb, j’ai aperçu
une tache rougeâtre et j’ai cru
que c’était du sang : c’étaient des lichens
plats et inoffensifs. Mais j’en ai tremblé.
Et pourtant, un fol éclair d’allégresse
et une vérité fusant seraient
un envol, un choc et une éclaboussure vermeille
de véritable sang. Oui, belle mort,
quand notre jeunesse avance
sur la roche, pour conquérir les hauteurs.
Belle chute, quand nerfs et chair,
fous de force, veulent devenir âme ;
quand, du fond d’une lézarde,
le ciel limpide ressemble à une main
impartiale qui bénit et les pics alentour,
obéissant presque à une mystérieuse consigne,
veillent figés. Sur les cimes,
quand la bise qui nous effleure est le souffle
de vies mystérieuses brûlées de pureté,
que le soleil est un amour qui consume
et qu’à mi-rocher, migrent les nuages
sur les vallées, en révélant par lambeaux,
avec des reflets oniriques, la nudité
songeuse de la terre qu’il serait bon
de se fracasser sur un rocher, et la mort serait
vie lumineuse et certaine, à défaut d’esprit
qui dit qu’ici Dieu n’est pas loin.


         (Pasturo, 28 août 1929, p. 89)
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CHANT SAUVAGE
  
  
  
  
J’ai crié de joie, au crépuscule.
Je cherchais les cyclamens entre les ronces :
J’étais montée aux pieds d’un gros
rocher rugueux, brisé par les buissons.
Sur le pré criblé de blocs de pierre,
sur la tête blonde des marguerites,
sur mes cheveux, sur mon cou nu,
le vent se délitait des hauteurs célestes.
J’ai crié de joie, dans la descente.
J’ai adoré la force hérissée et sauvage
qui fait bondir mes genoux avides ;
la force inconnue et vierge, qui me bande
comme un arc dans la course certaine.
Tout le chemin sentait les cyclamens ;
les prés s’alanguissaient dans l’ombre,
encore frémissants de caresses d’or.
Au loin, dans un triangle de vert,
le soleil s’attardait. J’aurais voulu
bondir, d’un seul élan, vers cette lumière ;
m’allonger au soleil et me dénuder,
pour que le dieu mourant s’abreuve
de mon sang. Et puis rester, la nuit,
étendue dans le pré, les veines vides :
les étoiles — lapidant folles de rage
ma chair desséchée, morte.


         Pasturo, 17 juillet 1929, p. 71

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf

Ce poème préfigure la mort réelle de la poète.
Celle-ci, exaltée par la joie procurée après son
excursion en montagne, évoque la vision
embellie, glorifiée, magnifiée, divinisée,
en un mot IDÉALISÉE de sa propre mort.

(Rappel : Antonia Pozzi est morte
le 03/12/1938 à l'âge de 26 ans.)
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CAPRICE D’UNE NUIT D’ORAGE
  
  
  
  
« Les cloches scandent pour moi le rythme
d’une ascension ce soir.
La nuit s’évapore des prés,
la nuit gargouille au fond
des bois ; la nuit
noire filée par le vent.
Mes pas ne quittent pas le rythme
des cloches, ce soir :
cloches aussi graves, pénibles et lentes
que mon ascension.
Soudain, au loin
une cloche
résonne plusieurs fois.
Je suis au terme de mon ascension ;
je me dépêche, j’arrive sur la cime la plus haute.
Cela tonne. C’est la tempête sur les sommets.
[…]
Au matin on nous retrouvera morts.
Morts parmi les rhododendrons.
Morts parmi les rochers
aux visages des tombes.
Morts par une nuit de tempête.
Morts d’amour.


         Pasturo, 23 juillet 1930, pp. 101-103-105

/traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf
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SOLITUDE

Bien que l'odeur des feuilles nouvelles éveille en toi
une envie de soleil humain

et que le soleil couchant pas encore blême
te pousse
sur les chemins de terre
- lointaine
l'orée terne du ciel -

tu cherches en vain qui peut
rejoindre ton coeur à cette heure
pour exaucer ton voeu -

il est vrai que personne
ne rejoint plus ton coeur
inaccessible -

qu'il se retrouve seul -
condamné aux cris
de ses
hirondelles -

4 mai 1933
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Video de Antonia Pozzi (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antonia Pozzi
Accompagnée de Dorothée Hannequin (The Rodeo), Anne Millioud-Gouverneur (violon), Robi & Emilie Dautricourt
1ère partie :
« Je suis un songe et tu me rêves »
(M. Tsvetaïeva)
« Les femmes parlent de nuit. Elles parlent d'infini, d'orage et d'empreinte du vent. Les femmes voyagent en territoire du rêve et parlent de pays où tout serait permis. Il n'y a pas de chronologie, pas de géographie , mais un parcours en liberté à la rencontre des poétesses. On convoque les voix de Tsvetaïeva, Sappho, ou d'Antonia Pozzi, autant d'écrivaines à (re)-découvrir dans un paysage atmosphérique fait de pianos réverbérés et de chorales spectrales.
Accompagnée d'un choeur de musiciennes et du piano, je tenterai de dessiner les contours de cette histoire de la poésie au féminin, dans une traversée des langages poétique, sonore et visuel placée sous le signe du rêve. Premier volet de cette proposition. »
Cleo T.
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