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Critique de Alfaric


En 1983 le regretté Terry Pratchett commençait à apporter sa contribution au genre Fantasy, et quelle contribution ! Il reprend les créations de Fritz Leiber (Disque-Monde et Newhon même combat, Ankh-Morpork et Lankhmar même combat), la démarche de James Branch Cabell, et saupoudre le tout de l'humour so british des cultissimes Monty Python ! (ben oui, ce n'est pas pour rien qu'en cours de lecture je n'ai pas arrêté de penser au film "Les Aventures du baron de Münchhausen" réalisé par des transfuges des Monty Python)
J'avais aimé les jeux vidéos point & click des années 1990 et les téléfilms des années 2000, donc je me faisais une joie de découvrir les livres de Terry Pratchett, un auteur que j'aime bien (mdr sa définition du « réalisme magique », mdr ses échanges avec J. K. Rowling, mdr ses piques contre les journalistes inquisiteurs culturels et les bobos hispter commissaires littéraires). Las ce tome inaugurale intitulé "La Huitième Couleur" (à savoir l'octarine, la couleur de la magie et de l'imagination) n'a pas eu sur moi l'effet escompté...


1ère partie : Couleur de magie
Deuxfleurs débarque avec le Bagage à Ankh-Morpork. Cet habitant de l'Empire agathéen du Continent Contrepoids est un fanboy fantasy venu faire du tourisme, et il trouve avec Rincevent le mage loser mais polyglotte le guide qu'il aurait pu espérer parfait... Il veut absolument prendre des clichés des clichés fantasy, donc c'est tout naturellement qu'on retrouve les auberges mal famées, les bagarres de tavernes, le Guilde des Voleurs, la Guilde des Assassins, et les célébrités locales pastiches de Conan, Elric, Fafhrd et du Souricier Gris ! On a toute une série de gags bien sentis sur le décalage culturel et économique entre le touriste et les lieux qu'il visite (l'assureur fils de comptable kiffant tout le pittoresque d'un univers médiéval fantastique, et les habitants de ce dernier kiffant tout l'or qu'il déverse sans compter), d'ailleurs l'introduction du concept des polices d'assurances aboutit immédiatement à une série d'incendies aussi soudains d'inexpliqués qui auraient bien pu emporter Ankh la fière et Morpork la putride. Mais il y aussi une opposition entre l'Empereur agathéen qui veut que personne ne touche à son sujet Deuxfleurs, et son grand vizir qui lui a mis sa tête à prix parce qu'il est allergique à tout changement, et que l'invention du tourisme est source de moult changements potentiels... sauf que cela n'est pas exploité du tout !
L'auteur balance tout d'un coup, donc le narrateur omniscient se perd en explications, digressions et appels aux lecteurs au lieu de développer l'histoire et les personnages qui vont et viennent sans être exploités. Pour ne rien gâcher la narration en analepse et les jeux d'écritures viennent compliquer inutilement les choses...

2e partie : L'Agent du Huit
Les dieux du Disque-Monde jouent à un partie de "Murphy's World" (jeu de rôle édité en 1995, qui ressemble furieusement à une adaptation non officielle du Disque-Monde ^^), et au fil du temps il ne reste en lice que les deux gamers les plus passionnés : le Destin et la Chance ! Et leurs pions sont Rincevent, Deuxfleurs et les alliés et les ennemis que les divinités leurs mettent dans les pattes... Aucun lien avec la partie précédente à part les personnages, donc nous sommes dans le récit picaresque 100% fantasy où les dieux eux-mêmes pions de leur démiurge les emmènent là où l'auteur veux les voir sévir. Donc après avoir échappé à une meute de loups et une communauté de dryades, Rincevent retrouve Deuxfleurs donc un temple maudit habité par un pastiche de Conan et un pastiche de Cthulhu et où il ne faut surtout pas dire le chiffre « deux fois quatre », sinon...
C'était amusant, mais les ficelles sont tellement grosses qu'au-delà des bons mots je n'ai pas plus apprécié que cela.

3e partie : L'Appel du Wyrm
Ah, là je suis bien marré ! le touriste et son guide arrive dans une parodie de "La Ballade de Pern" d'Anne McCaffrey, sauf que l'auteur déjanté mélange cela à des emprunts réjouissants à Howard, Leiber, Moorcock et Zelazny !
Le touriste qui veut absolument voir un dragon est toujours accompagné de son guide Rincevent et de son protecteur Hrun le Barbare de Chimérie. Mais ils tombent en pleine guerre de succession au Wyrmberg, la montagne inversée où règne encore la magie sauvage, la magie du commencement... Liessa qui a déjà assassiné son père compte bien damner le pion à ses deux frères, sauf que la loi écarte les femmes du trône, et que Greicha Ier refuse de passer de l'autre côté tant que sa succession n'est pas assurée. L'ambitieuse vamp aux cheveux roux compte bien se servir de Hrun le Barbare comme prête-nom, mais rien ne se passe comme prévu : Rincevent doit jouer au héros avec Kring l'épée runique buveuse d'âme, Deuxfleurs s'avèrent un meilleur dragonnier que les maîtres des lieux, et Hrun le Barbare s'avère moins con et moins manipulable que prévu...
On aurait pu développer le truc avec un détournement Fantasy de classique du cape et épée "Le Prisonnier de Zenda", mais c'est Simon R. Green le pote de l'auteur qui s'y collera avec "Sang & Honneur" (qu'est-ce que c'était bien ! qu'est-ce que je le suis bien marré !) Néanmoins au final tout le bon kiff accumulé a été annihilé par le dénouement complètement WTF !


4e partie : Près du Bord
Cela commençait bien avec un mago psycho et un maître ingénieur parodies de Minos et Dédale... Oui mais non, six mois se sont écoulés depuis que Rincevent, Deuxfleurs et Hrun le Barbare se sont séparés et on retrouve le touriste et son guide perdus quelque part sur la Mer Déshydratée poursuivis par les pions du Destin et de la Mort (même si cette dernière n'est pas spécialement pressé de retrouver le magicien loser parodie de personnage à la Jack Vance).
On est dans le récit picaresque, et le touriste et son guide passent de mains en mains avant de tomber entre celles des mages krulliens qui veulent les sacrifier au Destin pour s'assurer de la réussite de leur quête du sexe de la tortue cosmique...



Je suis navré de ne pas avoir aimé, mais pourquoi je n'ai pas aimé ?
Je n'aime pas spécialement l'humour pour l'humour, dans le genre « Rigole putain, tu ne vois pas que c'est drôle ?! », mais pourtant j'ai adoré tout ce qu'a écrit Simon R. Green qui est très proche IRL de Terry Pratchett. Je n'aime pas spécialement les récits picaresque, pourtant j'ai aimé un sacré paquet de récits picaresques. Intrinsèquement je suis hostile ni à la parodie ni au baroque... Je qui m'a saoulé, c'est le style : l'auteur n'aime pas les chapitres et n'aime pas les POVs, du coup même on se laissant aller au joyeux délire du truc il y a un paquet de fois où j'ai dû revenir en arrière pour être sûr de savoir où on était et de qui on parlait. Par contre il se perd en explications, en digressions et en appels aux lecteurs qui m'ont sorti du truc ! Syndrome du premier livre, où l'auteur balance tout d'un coup parce qu'il n'est aucunement sûr qu'il y ait un deuxième livre ? Ben justement celui-ci est la première partie d'un diptyque et cela n'est aucunement indiqué dans le livre ou sur le livre, donc cela m'a bien saoulé aussi !
Bravo au traducteur Patrick Couton qui a dû bien galérer pour traduire les jeux de mots truffés de néologismes, mais qu'est-ce que les dialogues sont lourds... Pourquoi indiquer à chaque tirade qui parle et comment, surtout quand lesdites tirades se résument bien souvent à la plus simple expression (genre les multiples « Aaargl... fit Rincevent en faisant une grimace et en se tordant de douleur »). Je ne sais pas si c'était déjà là en VO ou si c'est spécifique à la VF...

Les fins connaisseurs de la saga du Disque-Monde sont tous d'accord sur le fait que le diptyque déclencheur de l'univers est finalement l'oeuvre la moins plaisante de l'auteur. Je veux les croire et je vais les suivre en me replongeant dans l'imaginaire baroque et déjanté de Terry Pratchett ! ^^
(parce que j'ai bien envie aussi d'en savoir plus sur l'In-Octavo, qui joue dans l'univers du Disque-Monde le même rôle que le Necronomicon dans l'univers d'"Evil Dead" ^^)
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