Pendant ce temps il réfléchissait lui aussi et bientôt il fit une autre découverte, à savoir que pour ses frères et ses sœurs l’école était quelque chose d’absolument étranger et lointain ; ils n’en connaissaient pas l’utilité sur terre et ne voulaient même pas la connaître. Cette découverte l’attrista un peu pour sa mère. Il aurait désiré qu’elle sût lire et qu’elle fût contente, elle aussi, comme il était content quand un livre lui tombait dans les mains et qu’il le lisait. La découverte lui fit ensuite éprouver du mépris et de l’inimitié pour ses frères et ses sœurs. Non seulement ils ne désiraient pas apprendre, mais ils essayaient même de lui donner à comprendre que s’il le désirait, cela ne changerait pas leur opinion sur lui. Son père avait les livres en estime, mais pas au point de comprendre qu’ils pouvaient être tout pour quelqu’un.
Ayant fait ces découvertes, Niculaie se rendit compte qu’il devait absolument, à tout prix, quoi qu’il arrivât, quitter le village et poursuivre ses études, et la découverte lui parut si révélatrice qu’il la communiqua sans hésiter à son père.
(traduction de Dolores Toma)
Ensuite, Moromete tendit à la fille la couronne et les livres.
– Prend ça et mets-les-lui quelque part, le pauvre, quand je l’ai vu sur cette scène, là-bas, j’en ai eu le cœur brisé parce qu’il ne dit jamais rien. Moi qui croyais qu’il allait redoubler…
– Vrai, père ? Il a eu le premier prix ? Tu ne plaisantes pas ? demanda la fille avec méfiance.
De la terrasse, Niculaie regardait son père et sa sœur avec des yeux fiévreux. Il ne tremblait plus et il se tenait immobile sous la couverture, écoutant. Ilinca se tourna vers lui et lui demanda :
– C’est vrai, dis ?
Mais le malade ne répondit pas. La fille entra dans le vestibule, pendant que Moromete, étonné et troublé par l’événement inattendu, s’assit silencieusement près de l’enfant qui, peu de temps après, retomba dans le délire.
(traduction de Dolores Toma)
Vers minuit, une pluie paisible et abondante se mit à tomber. Elle murmurait sur les toits et par terre avec des gouttes molles, comme de l’huile. On n’entendit aucun tonnerre et on ne vit aucun éclair. Mais il faisait nuit noire.
Comme la pluie avait commencé insensiblement, personne ne se réveilla quand elle redoubla et quand elle se mit à ruisseler des gouttières le long de la terrasse. Vers l’aube la pluie cessa et le ciel fut dégagé de ses nuages. Moromete s’était couché et s’était endormi tard, mais lorsque la pluie s’arrêta, il se réveilla et resta de nouveau immobile sur la terrasse.
(traduction de Dolores Toma)
-Treceţi la masă, ori vreţi să vă chem cu lăutari ? strigă Catrina Moromete din pragul tindei.