Le vieux pilote bloqua la barre, afin que le bateau poursuive sa route, contre vent, vagues et courants, puis vint de lui-même s’asseoir à côté de Jean qui avait repris son observation des diamants du ciel.
- Moi aussi j’ai mon étoile là-haut, commença le vieil homme…
Jean posa son regard sur son compagnon de pêche et lui répondit d’un sourire.
- … Ma femme, continua-t-il, elle avait les plus beaux yeux sur terre. C’est comme ça que je l’ai reconnue. Maintenant, elle est partie... Elle est partie là-haut. Dieu l’a voulu ainsi.
Un silence, puis il reprit :
- Regarde, c’est-elle, dit-il, pointant une lumière blanche, magnifique, dans la constellation de l’Aigle, que les amateurs de ciels étoilés appelaient Altaïr, mais qui, en réalité, se prénommait Aïcha, et qui à n’en pas douter, devait battre dans le cœur de nombreux hommes et femmes sous une multitude d’autres noms différents.
- Elle est très belle, répondit Jean. Je comprends que vous l’ayez épousée. Mon étoile est là-bas vers l’horizon. On dirait la lumière d’un phare : elle s’appelle Sirius. Je l’ai choisie quand j’étais enfant, car c’est la plus brillante. La plus pure, pensais-je à l’époque. Je rêve qu’elle me parle quand je la vois briller. Votre femme vous parle, à vous aussi ?
- Toutes les nuits mon ami... Toutes les nuits.
Ils restèrent tous deux quelques instants, complices dans leur silence, accoudés à la balustrade du bateau, communiquant chacun en pensée avec leur étoile au loin.
- Annie, je vous ai vue qui flâniez ce jour-là
Depuis ma vie est simple et simples sont mes joies.
Et je reviens souvent sur le pont qui vous vit
Vous promener, rêveuse le jour que je bénis.