- Toutes les femmes sont cruelles, répond-elle tranquillement, avec encore un rire dans les yeux et dans la voix.
Fatigués d’avoir tant ri, nous respirons fort pendant un moment encore, et elle ajoute :
- Seules les mères ne sont pas cruelles. Mais une mère n’est pas une femme.
Dans tout le village, il ne restait de vraies familles que celles de Bandera et de Doudaï. Les autres hommes vivaient dans la misère, chacun dans son coin, ou achevaient de tourmenter leurs mères.
Les femmes qui n’avaient pas pris à temps la poudre d’escampette avec des soldats démobilisés quittant leur cantonnement passaient très vite de la jeunesse à la maturité flétrie et sans beauté, pour ne plus rien attendre de la vie et ne rien lui demander. Elles mangeaient beaucoup, et mal, ne se maquillaient plus.
Il n’y avait plus du tout de vieux dans le village, ils avaient tous disparu. Il n’y avait presque pas d’enfants non plus.
En fin de compte, qu’est-ce que le bonheur, sinon notre amour et la pitié envers nous-mêmes passionnément partagés par quelqu’un d’autre ?
Mettant mes draps en boule, je pense qu’autour, et plus loin, et encore plus loin, et partout, c’est la Terre immense, et sur cette Terre, il y a des pierres, différents métaux, et au-dessus de cette Terre, il y a le ciel, au-delà le ciel encore, et Dieu sait quoi – et toi, tu es tout seul ici. C’est-à-dire qu’il n’y a aucun ami digne de ce nom, même pas ta mère, tu te retrouves tout seul, ridicule comme un petit cornet de gaufre, encore plus ridicule peut-on dire… Seul !
Seul, confronté à cette masse énorme, à toute cette angoisse, à tous ces camions chargés, qui foncent sur toi, à tous ces arbres, ces bâtiments, ces cheminées, ces nuages, ces astres. Quand je regarde autour de moi, je peux en perdre le souffle, tant il y a de choses à voir. Mais quand tout ce qu’il y a autour de moi me regarde, qu’y a-t-il à voir ? Le battement du pouls ? Le cerveau qui ressemble à une noix ? Franchement, qu’y a-t-il à voir ?
Son pére lui avait dit un jour que la première partie de la vie commune d'un couple était une lutte sans merci:l'homme se bat avec la femme pour qu'elle reste comme elle était ,la femme se bat avec l'homme pour qu'il change enfin.
-Et la deuxiéme moitié ?avait demandé Novikov en riant ....
La deuxiéme moitié n'existe que pour ceux qui ont accepté de se résigner.L'homme,à ce que la femme ne soit plus telle qu'elle a été dans le passé -et il est inutile d'attendre-, et la femme,à l'idée qu'on ne change pas un homme et qu'il faut le prendre tel qu'il est.
-il y a une issue? avait demandé Novikov.
-Non,il n'y en a aucune,avait tranquillement répondu son pére.p.189
Le père de Lykov ,pendant ce temps, faisait ses mots croisés à la cuisine.Le père et le fils, qui n'avaient que faiblement conscience de leur parenté,ne se parlaient pratiquement pas.p.45-46
Dans chaque ballade,il y avait trois mille mots,et pendant qu'on les écoutait,ils nous ensorcelaient,mais ensuite, lorsqu'on voulait comprendre tout de même de quoi il était question,on devait tirer la chanson comme un filet de cent mètres de long- et que ne trouvait-on pas alors: un goulot de bouteille,un oiseau mort,une tétine d'enfant,une prairie de roseaux et des kilos de lentilles d'eau,il ne restait plus qu'à comprendre quel poisson avait péché Procha en traînant un tel filet .p.276
Le petit garçon termina rapidement ses pommes de terre,but son lait et alla lire dans sa chambre.Dans la maison,il n'y avait que trois livres pour enfants-l'un avec une couverture en carton et les deux autres sans couverture ni titre.p.14