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Marcelle Sibon (Traducteur)Hubert Nyssen (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782868697981
416 pages
Espace Nord (30/11/-1)
3.93/5   14 notes
Résumé :
4ème de couverture
A bord de la nef des fous, à quoi ressemble tant le roman de Prokosch, les personnages --- le vulnérable Henry, l'insatiable Stella et ceux qu'ils fréquentent dans un monde qui court au désastre --- se retrouvent tour à tour saisis par la même inquiétude de n'être d'aucun lieu, d'errer dans une sorte de no man's land et d'être à jamais exilés de leur propre identité.
Ainsi, ce roman inscrit au faîte d'une oeuvre saluée par des écriva... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Frédéric Pokrosch est un auteur américain mais de souche autrichienne par ses parents et c'est important car un souffle d'Europe Centrale plane dans ce " chant d'amour".
L'histoire débute en 1914, cette année tragique où notre jeune narrateur : Henry voit le jour, dans les bois de la Carinthie, une province autrichienne.
Une certaine malédiction règne sur sa famille, après la mort accidentelle de son père, la folie s'empare de sa mère qui le laisse très vite orphelin.
Va s'en suivre différents placements chez des oncles et tantes aux États-Unis qui eux aussi sont touchés de près ou de loin par la folie et le suicide.
Au Texas, il fait la connaissance de sa cousine : Stella qui voudrait briller telle une étoile mais mènera une vie difficile.
Henry tombe amoureux d'elle, elle le fascine, il ne l'a cernera jamais tout à fait.
Dès lors, leurs deux vies vont se croiser et se décroiser tout au long de leurs vies dans cette grande Amérique, puis à Paris où ils se retrouvent presque par hasard.
L'écriture de Frédéric Prokosch est lumineuse, très proche de la nature avec des métaphores très poétiques. D'ailleurs, Henry cherche sa voie dans l'écriture de poèmes.
On se laisse emporter par ces différents voyages physiques mais aussi ces transports de l'âme où les deux protagonistes cherchent une identité, une définition de la vie.
On sent de manière perceptible cet exil porté en chacun eux.
Un auteur qui mérite le détour et un chant d'amour à découvrir.
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Un récit d'apprentissage envoûtant souvent mélancolique. On y suit le narrateur, Henry, de l'enfance à la maturité, des Etats-Unis au Maroc en passant par la France et l'Italie, jusqu'à la fin des années 1940. L'arrière-plan politique est à peine suggéré. Ce qui compte là, c'est le " chant d'amour " d'Henry pour sa cousine Stella, une créature à la fois insaissisable, garce et profondément touchante. Les itinéraires d'Henry et Stella se croisent et se décroisent au gré de leurs errances. Rien de spectaculaire en soi, juste des sentiments, qui évoluent. le tout servi par une belle écriture classique. Après sa lecture, ce livre continue à résonner en moi.
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Livre étrange et magnifique, livre d'errance et d'apprentissage, le dernier que m'a recommandé ma soeur, avant de partir.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Mon oncle Claudius passait le plus clair de ses journées vêtu d'un pyjama rayé rose, sur lequel les traînées de miel, la transpiration, l'huile d'olive mettaient d'abondantes taches. Il restait assis dans son fauteuil à bascule, à l'ombre d'un érable, et gribouillait avec fièvre, au crayon de couleur - un jour bleu, rouge le lendemain - une "Encyclopédie de l'Esprit humain" : c'était, disait-il, un compendium général de tous les dogmes et doctrines, superstitions et tabous, panacées et utopies qui ont empoisonné cette planète. Il portait un vieux chapeau de cow-boy et une bouteille de bière au gingembre était posée à côté de lui. Quelquefois, à l'approche du crépuscule, il s'endormait et le fauteuil se balançait au rythme de ses ronflements. Quand il se réveillait, il me fixait du regard ambigu de son œil de verre. Sa voix émergeait lentement, non de ses cordes vocales, semblait-il, mais en puissantes vibrations issues de son torse en forme de tambour.
- As-tu appris tes leçons, Henry ?
- Oui, Oncle Claudius.
- Qu'as-tu appris ? Quelque chose d'utile ?
- Je n'en suis pas sûr, oncle Claudius.
- Combien font onze plus quatre ?
- Est-ce quinze ? plaidai-je.
- Et douze moins sept ?
- Est-ce cinq ? demandai-je humblement.
- Où est Tombouctou, mon garçon ?
- Est-ce quelque part en Afrique ?
- Qui est Hamlet ? rugit l'oncle Claudius.
- C'était un jeune homme triste dans une pièce de théâtre, avec de longs bas noirs et un crâne à la main, répondis-je joyeusement.
- Ollé ! rugit l'oncle Claudius. Voilà une conduite que j'approuve ! Continue à t'élargir l'esprit, mon garçon, et tu seras millionnaire un jour !
Et il buvait à petites gorgées, à même sa bouteille tiède, ramassait son crayon rouge et se lançait dans un nouveau paragraphe sur l'hypnotisme en Hongrie ou la lévitation à Bornéo.
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Certaines nuits, je regagnais ma chambre un peu plus tard que d'habitude. Je m'arrêtais alors sur le pont Royal pour respirer l'air frais qui sentait l'eau stagnante, et pour suivre des yeux la brume matinale qui se répandait sur le fleuve comme une vapeur. Çà et là, une petite péniche était accroupie dans la pénombre, à la façon d'un hippopotame. Des clochards dormaient, allongés sur la berge, sous une couverture faite de vieux journaux sales. Une ou deux fois, appuyé au parapet, je m'attardai à regarder pâlir les étoiles, en attendant les camions de légumes qui arrivaient à grand fracas. Je fixais des yeux l'horloge éclairée de la gare d'Orsay, qui devenait de moins en moins distincte et les nuages qui, au-dessus du Louvre, se teintaient d'or. Et, brusquement, le dôme du Grand Palais éclatait en une mosaïque enflammée, le voile de brouillard se détachait mollement des berges luisantes de rosée, une odeur de poussier et de café s'insinuait sur le pont et le bruissement d'insectes qui marque l'éveil de la cité emplissait l'air.
Alors je reprenais ma course et rentrais dans ma chambre sordide de la rue du Bac.
L'hôtel de l'Univers était une vieille maison délabrée aux murs écaillés, aux fenêtres démolies et aux volets pendant de guingois. Une petite pancarte placée à l'entrée annonçait : Tout confort. Eau courante.
J'entrais dans une cour pleine de paniers moisis et de pots de fleurs cassés. Je sonnais. Cinq minutes plus tard, le concierge au visage couvert de verrues venait m'ouvrir et j'entrais dans un vestibule plein de coins et de recoins, dans une odeur d'ail et de rat mort. Je gravissais l'escalier, qui tremblotait et geignait comme une vieille souillon. Un pot de chambre avait été oublié sur le palier et un cafard flottait sur le liquide couleur d'ambre. Enfin j'introduisais ma clef dans la serrure et j'entrais dans ma misérable petite chambre, avec son lit défoncé, ses rideaux effrangés, son bidet rouillé, son lavabo qui fuyait.
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Quand j'ai renoncé au théâtre, je me suis mise au chant. J'avais alors un peu plus de vingt ans. J'interprétais des mélodies de Fauré, de Debussy et de ce cher vieux Reynaldo Hahn qui était un ami de ma famille. Après cela j'ai fait de l'aquarelle. Des fleurs surtout : des roses, des pivoines. Et de temps en temps, bien sûr, un nu. Ce fut ma vraie période de vie de bohème. J'ai connu Van Dongen et Berthe Morisot. J'ai rencontré Proust un jour au Bois. J'étais pleine de curiosité, pour parler avec bienséance. Je couchais avec tous les hommes qui me tombaient sous la main. Je prenais de la cocaïne. J'ai même été un peu lesbienne. Tout cela bien innocemment, remarquez ! Je ne peux pas m'empêcher de penser que les choses se passent à présent d'une tout autre manière. L'ardeur, la fraîcheur ont disparu. Ces jeunes gens d'aujourd'hui n'ont pas d'élan. Ils sont vidés, infiniment las. Encore une tasse ? Je vous en prie, appelez-moi Isabelle. Et si vous permettez, je vous appellerai Henry...
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- Voici ton vieil oncle Franz, mon chéri. Il a été tué en duel à Karlsbad. Et ceci est ton oncle Willibald. Il est mort à Prague, d'épilepsie.
Elle tourna la page en poussant un soupir et m'indiquant du doigt un homme trapu vêtu d'un costume alpin :
- Et voilà ton oncle Claudius qui a étudié la philosophie. Il a quitté Vienne à la suite d'un scandale. Il vit au Wisconsin.
- Où est le Wisconsin ?
- En Amérique, mon chéri.
- Comment est-ce ?
- Assez sauvage , j'imagine.
- Est-ce qu'il y a des tigres ?
- C'est tout à fait possible.
- Et des éléphants ?
- Qui sait ?
- Qu'est-ce qu'il fait, l'oncle Claudius, maman ?
- Il écrit un livre, si je ne me trompe. C'est un homme étrange, un ours mal léché. Il est marié avec ta tante Elfrida, qui a vécu en Orient et refuse de manger du bœuf, et fait de drôles de petits exercices.
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- Voilà, dit-elle enfin en ouvrant une étroite porte verte. Petit mais douillet. Belle grande glace. Dessus de lit indien. Le papier mural est gai. Je vous la laisse pour cinq dollars par semaine. Pas de femme. Buvez-vous ?
- Très peu, dis-je doucement.
- Votre religion ?
- Oh, je n'en ai pas spécialement.
- Athée, je vois. Bon peu importe. Il y a des choses pires dans ce monde. Voici la clef. Ne la perdez pas. Tâtez-moi ce lit. Duvet d'oie importé de Hongrie.
Elle avait croisé ses bras qui étaient moites et enflés comme des sangsues géantes et se tenait immobile près du lit avec un visage de sphinx. Elle était vêtue d'une robe de crêpe verdâtre, aux taches suggestives et dont les bords s'effrangeait. Sur ses épaules, elle avait jeté un sari indien en loques. Deux larmes de nacre étaient suspendues à ses oreilles. A son poignet, elle portait un bracelet garni de "charmes" en miniature : branches de corail, crânes, éléphants, cornes de buffle, et trèfles à quatre feuilles. Une chevelure de Méduse, embrouillée et huileuse, pendait sur ses épaules. Le visage lui-même était fripé et violacé, et deux petits yeux en vrille se dissimulaient nerveusement sous les paupières ridées comme des yeux d'iguane.
- Vous pouvez venir me faire une visite ce soir, s'il vous en prend l'idée, dit-elle, le visage impassible. Neuf heures tapantes et habillez-vous convenablement. Veston-cravate. On ne fume pas. La lune est pleine ce soir : nous aurons peut-être quelques visiteurs intéressants...
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Video de Frederic Prokosch (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frederic Prokosch
INTRODUCTION : « […] Prokosch (1906-1989) est un errant lucide. Il se refuse à être enchaîné par les lieux et par le temps. Il n'est pas gorgé de l'inévitable nostalgie des chercheurs d'infini. Il ne dédaigne pas les vignettes qui laissent à penser qu'une terrible beauté est en train de naître.
[…]
Si Prokosch pense que le monde a l'air de stagner, paradoxalement, il pense surtout (comme le magnifique Henri de Régnier[1864-1936]) que vivre avilit. Que le désir du beau, si cher à l'homme, fond comme neige au soleil à mesure que le temps passe. Alors, écrit-il, « le désir du beau devient une effrayante parodie, une espèce de rituel obscène, et finit par gâter précisément ce qui en nous est le plus proche de l'éternel. »
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Chant 1:07 - Ulysse brûlé par le soleil 3:22 - le boulevard 5:35 - Ode (V)
7:06 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Frederic Prokosch, Ulysse brûlé par le soleil, traduit et présenté par Michel Bulteau, Paris, Orphée/La Différence, 2012.
IMAGE D'ILLUSTRATION : https://www.ebay.com/itm/194547165187
BANDE SONORE ORIGINALE : le Chaos Entre 2 Chaises - Avant la Chute Avant la Chute by Le Chaos Entre 2 Chaises is licensed under an Attribution 4.0 International License. https://freemusicarchive.org/music/le-chaos-entre-2-chaises/reflets/avant-la-chute/
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#FredericProkosch #UlysseBrûléParLeSoleil #PoésieAméricaine
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