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Citations sur Voix dans la nuit (21)

Un jour, chez Adolfo, je rencontrai Peggy Guggenheim. Elle était assise sur la terrasse ; je lui portai à boire. Elle me fit un charmant sourire. Elle était rien moins que belle. Son corps demeurait beau mais elle avait le visage étrangement marqué, et des cheveux d'une huileuse et déconcertante noirceur. C'étaient ses yeux qui me plaisaient, et surtout son sourire. Elle avait un sourire si enchanteur que je comprenais pourquoi tant d'hommes étaient tombés amoureux d'elle. Même des hommes d'une grande austérité comme Brâncusi et Beckett, et des hommes d'une féroce perspicacité comme Max Ernst et Marcel Duchamp.
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Mr. Waterman était un monsieur à cheveux blancs, en costume rayé noir. Il croyait aux agréments de l'existence autant qu'aux traditions. La vieille marquise malicieuse qui présidait le club de bridge avait coutume de déclarer : "Au lieu d'encre, monsieur Waterman est rempli de whisky."
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Mrs. Munson se penchait en avant. Elle portait un long manteau de vision, et ses sombres yeux saillants la faisaient ressembler à un rongeur géant.
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Nous parlâmes de fantômes. Toni évoqua un rossignol géant, dans un château du Tyrol, qui s'agrippait au bord des fenêtres pour chanter à l'intention des dormeurs inquiets. Il chantait des chants qu'ils n'entendaient qu'au fond de leurs rêves, mais qui les hantaient ensuite à jamais comme les terreurs de l'enfance.
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Je tournais en hâte l'angle de la rue de Beaujolais, grimpai l'escalier, et actionnai la sonnette jaune. Une femme en robe à pois m'ouvrit la porte et m'introduisit dans le "studio", petite pièce encombrée de coussins et de livres, outre un vase de roses et une boîte de papillons.
Elle était là elle-même, étrangement solennelle parmi ses coussins, pas du tout ce à quoi je m'attendais : triste, maigre et très ridée, avec des poches sous ses yeux de la couleur des violettes. Ses cheveux semblaient roussis à la flamme. Sur les épaules, elle portait une écharpe de soie marron ; sous la soie, je distinguais la forme de ses épaules osseuses, qui semblaient fléchir sous le poids des joies passées et des misères présentes. Cette écharpe marron foncé avait un air un peu cérémonieux ; elle pendait sur ses épaules comme la nappe d'un autel, et cette vision de Colette avait de la grandeur aussi bien que de la tristesse. Ses rides devenaient éloquentes, comme la calligraphie d'un recueil de cantiques.
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- Une dernière question, M. Gide. Quels étaient vos sentiments sur Oscar Wilde ? Je ne les noterai pas si cela vous ennuie.
- Notez, notez ! Il n'y a rien là de honteux ! Pauvre vieux Wilde, que dire ? Il était bouffi, tremblotant. L'on ressentait de la pitié pour Oscar Wilde. Il mendiait positivement la pitié. Jusqu'au bout, il a été courageux, mais on avait le sentiment qu'il mendiait de la pitié. J'éprouve encore du remords au sujet de Wilde. Le soir, il se rendait tout seul au "Rugby" pour contempler, les yeux hors de la tête, ces gigolos mangés aux mites. Ou si ce n'était pas " Le Rugby", c'était là-bas, rue de Lappe. Si ce n'étaient pas les gigolos de troisième ordre, c'étaient les proxénètes et les voleurs à la tire. Il habitait un petit hôtel, rue des Beaux-Arts. A moins que je ne me trompe ? Était-ce rue d'Alsace ? Je crois au destin, et le destin de Wilde était de mourir rue d'Alsace, à moins que ce ne soit rue des Beaux-Arts. Il est mort en 1900, et vous devez connaître l'histoire. Il n'y eut que sept personnes à suivre le cercueil. C'était par une sombre journée de novembre ; il y avait des couronnes sur la bière ; une seule couronne avait le courage de porter une inscription. C'était la couronne du patron de son hôtel ; on y pouvait lire : "A mon locataire". Assez brutale, toute cette affaire. Les Anglais sont bien gentils mais hélas ! leur gentillesse est fort sélective. Il se peut que les vers de Wilde soient mauvais, et j'ai trouvé Salomé indigeste, mais faire toute cette histoire au sujet d'une banalité comme la sodomie!...Plus tard, on a transféré le corps de Wilde au Père Lachaise. Du moins était-ce un geste, et Epstein a fait un monument. Les Français ont du moins le sens du cérémonial et du respect. Mais les Anglais...quelle histoire, pour une bagatelle comme la sodomie !
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Ce qui me frappait chez les Parisiens, c'était la beauté avec laquelle ils parlaient leur français. Ils le parlaient avec un genre d'élégance nerveuse, dédaigneuse. J'étais impressionné par leurs gestes désinvoltes, leurs regards pénétrants. Je sentais que Paris avait crée la mentalité de ses habitants, tout comme le caractère de ses habitants avait crée la ville, pierre par pierre. Je m'enchantais de voir comment les rues de Paris s'étaient gravées dans la mentalité parisienne, tout comme le parfum des fleurs fait partie du pommier fleuri.
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Le professeur Gray enseignait la littérature anglaise. C'était un Anglais étiolé dont le père avait été maître du Jesus College à Cambridge. Il portait des guêtres de couleur fauve, et dans sa manche un mouchoir en soie. Il introduisait à Haverford, avec un air de délicatesse blessée, les finesses maniérées des comédies de la Restauration, et il inscrivait au tableau noir les noms euphoniques de ses dramaturges : Etherege, Wycherley, Congreve, Vanbrugh et Farquhar. Sa calligraphie était si exquise, et ces noms étaient si enivrants que je voyais instantanément devant moi, comme en train de danser le menuet, une rangée de bellâtres, de roués et de rustres, de ducs à œillades et de duchesses adultères, tournoyant dans un nuage de poudre, d'épigrammes et de robes à paniers. C'est ainsi que j'appris à aimer la littérature d'Angleterre.
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Des années auparavant, Marguerite Yourcenar avait traduit The Seven Who Fled, mais cette traduction s'était perdue lors de l'invasion de Paris par les Allemands. La nouvelle traduction était due à deux femmes, Rose Celli et Joan Smith, dont Gaston Gallimard m'assura qu'elles étaient d'une probité marmoréenne.
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Hal Smith et Sinclair Lewis éprouvaient l'un et l'autre du respect envers la littérature, mais tous deux ressentaient de l'appréhension dans une atmosphère de belles-lettres. [.....]
Lewis baissa les yeux d'un air modeste.
- J'ai travaillé drôlement dur, je crois.
- Tu as travaillé comme un nègre. Tu es un bougrement bon écrivain, ne l'oublie pas.
- Allons, répète, je t'en prie, dit Lewis avec une délicatesse d'ivrogne. Ça me ravigote. Pourtant, je me sens encore salement bas. Suis-je un bougrement bon écrivain, Fritz ?
Allons, dites la vérité, maintenant.
- Vous êtes un bougrement bon écrivain doublé d'un gentleman et d'un humaniste.
- Vous avez dit ça d'un ton un peu bizarre, Fritz. Ça paraissait un peu forcé. Versez-moi à boire, soyez gentil. Je parierais bien que du temps de Shakespeare, s'il y avait eu des prix, ils seraient allés à quelqu'un de médiocre ou même à une tante, comme Marlowe.
Harrison Smith prit soudain l'air docte.
- Marlowe n'était pas quelqu'un de médiocre. Une tante, oui, peut-être, mais sûrement pas quelqu'un de médiocre.
- Je ne dis pas que toutes les tantes soient médiocres, précisa Lewis. Je suppose qu'il y a eu des tas de tantes qui n'étaient pas médiocres.
- Il y avait Proust, dit Hal Smith.
- Et il y a Gide, dit Lewis avec délicatesse.
- Il y avait Léonard de Vinci.
- Et il y a Maugham, dit Lewis avec négligence. A propos, quelle différence y a-t-il entre une tante et un pédéraste ?
- Oscar Wilde était un authentique pédéraste, suggéra Smith avec ingéniosité. Henry James, en revanche, je le classerais parmi les tantes.
- Mon Dieu, plus on en apprend sur eux, plus on devient soupçonneux. Il y a des moments, dit sombrement Lewis, où on a l'impression qu'ils étaient tous une bande de suceurs de queues.
- Tu n'as jamais rien dit de plus vrai, Red, fit lugubrement Smith.
Je parierais que si on connaissait le dessous des cartes, mêmes Shakespeare serait une tante. Toutes ces balivernes au sujet d'Anne Hathaway n'étaient qu'un camouflage. Je parie qu'Anne Hathaway, c'était en réalité un taureau mugissant.
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