AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 978B08NCGN9P6
178 pages
Mémoire Encrier (18/11/2020)
4.05/5   65 notes
Résumé :
Retranchées dans des cités qui tirent leur nom de la légende biblique – Puissance Divine, Bethléem – des gangs de bandits pillent, violent et assassinent, en toute impunité. Celia, adolescente, cherche à survivre, tantôt en se prostituant, tantôt en faisant la chronique des femmes de la cité sur les réseaux sociaux, où elle devient influenceuse. Les villages de Dieu dit l’effondrement et la banalité du mal dans cette ville de Port-au-Prince livrée à ses démons.
Que lire après Les villages de DieuVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
La lecture du roman Les villages de Dieu constitue tout un électrochoc. Âmes sensibles, vous êtes prévenues. Ça raconte l'histoire de Célia et, à travers elle, celle de son pays, Haïti. La république haïtienne ne l'a pas facile, depuis plusieurs décennies. Et il semble que les choses soient pires depuis le tremblement de terre de 2010. Et, à voir comment tourne le monde, je ne crois pas que la situation là-bas s'améliore sous peu. Dans ce roman, on retrouve de la misère humaine, beaucoup de misère humaine. D'ailleurs, le roman s'ouvre sur la protagoniste Célia qui découvre sa grand-mère morte. Cette dernière est chanceuse, elle a pu quitter ce monde dans la paix. Beaucoup d'autres n'ont pas cette chance et expirent sous les balles. C'est ainsi que périront plusieurs autres personnages de ce roman. C'est que la vie est dure, dans les cités haïtiennes.

« Je ne pouvais m'empêcher de penser à la générosité qui résistait à la très grande violence, la misère et l'indifférence qui existait dans la Cité. Féfé faisait partie de ceux qui aidaient, avec les moyens dont elle disposait, c'est ce qui permettait que tienne encore cet échafaudage fragile sur lequel on ajoutait chaque jour de la frustration et du désespoir. » (p. 139)

C'est ça, Haïti. Des gens qui survivent de jour en jour avec le peu dont ils disposent. Toutefois, pour plusieurs, ce n'est pas assez. Dans tous les cas, ce n'est pas une vie.

« Les gens étaient insensibles au délabrement généralisé, au chaos qui occupait chaque centimètre. Au fond, eux aussi ils étaient en ruine, autant que l'environnement dans lequel ils vivaient. » (p. 139)

La misère est à chaque coin de rue, presque dans chaque chaumière.

« Les femmes frappaient leurs enfants, leurs maris les frappaient, les petits se cognaient dessus, les voisins s'en mettaient plein la gueule au moindre prétexte ; des cris sortaient de partout et s'amoncelaient au-dessus de nos têtes de gros nuages annonciateurs de catastrophes diverses, de petites fins du monde, de ruptures. » (p. 191)

Devant l'échec des politiciens, le gouvernement qui ne fonctionne plus comme il le devrait, les infrastructures qui tombent en ruines, que faire? C'est alors que des chefs de gangs prennent le contrôle de quartier, soi-disant pour assurer la sécurité, la protection des habitants, mais c'est surtout une façon de faire de l'argent et, pour des garçons désabusés, agressifs et remplis d'hormones, une manière d'exercer un certain contrôle sur sa vie. Seulement, quand cela tourne à l'arbitraire et à la violence, ouf! Même la police n'ose plus pénétrer dans ces repères de brigands. Quand j'entends parler aux informations de quartiers sensibles, mêmes dans nos pays soi-disant riches, je me dis qu'il ne suffit que d'une catastrophe ou deux pour que la situation dégénère.

Tout ceci étant dit, la lecture des Villages de Dieu, de toute cette misère humaine ne fut pas trop pénible. Peut-être parce que la protagoniste, même si elle vit au milieu de tout cela, ne semble pas autant affectée. Elle observe mais ne se mêle pas trop. Elle se contente de documenter, de publier sur les réseaux sociaux. D'ailleurs, grâce à cela, elle augmente son nombre d'abonnés, attire l'attention de fournisseurs et améliore sa situation. le roman se termine sur une lueur d'espoir. du moins, pour Célia. Je ne mise pas sur le sort de la république haïtienne, du moins, pas dans un futur proche. Dans tous les cas, ce roman porte à la réflexion et, peut-être, à l'action. Comment aider?
Commenter  J’apprécie          382
Le vendredi 12/03/2021, plusieurs policiers ont été tués et d'autres blessés lors de l'échec de l'opération antigang à Village-de-Dieu, à Port-au-Prince. le Président de la République d'Haïti, Jovenel Moïse, s'est exprimé en indiquant « ce qui s'est passé à Village-de-Dieu aujourd'hui est révoltant. Des policiers sont tombés sous les balles des bandits, des blindés ont été incendiés. Ils sont tombés sur le champ de bataille, ils sont des héros ».

Emmelie Prophète a écrit son roman « Les villages de Dieu », sur des cités avec des noms à consonance biblique, de la capitale d'Haïti, antérieurement à ce fait divers, mais la fiction entre en résonance avec la réalité.

L'autrice met en lumière la pauvreté, le contrôle des gangs, la violence de ces zones de non-droit avec des habitants qui n'ont d'autres choix que de continuer à vivre dans ces cités.

Cécé, Célia, est une jeune fille qui a grandi, habituée au bruit des armes, dans la cité de la Puissance Divine, « où jamais il n'y avait eu de trêve, où la mort circulait à midi comme à minuit ». Élevée par sa grand-mère, elle a bénéficié d'un cocon protecteur jusqu'au décès de cette dernière, littéralement morte de peur, « les yeux exorbités », lors d'une soirée d'affrontement direct entre deux gangs ennemis.

Cécé a alors découvert le pouvoir de ses mots et de ses photographies diffusées sur les réseaux sociaux, dont la cession des droits lui a rapporté un peu d'argent avant de lui donner un statut d'influenceuse, autant recherché par les services marketing que par les chefs de gangs.

Cécé raconte la vie de la cité, dans sa maison avec un toit en tôle quand beaucoup sont bâchées.
Cécé raconte sa prostitution avec un client, quasiment unique, amoureux d'elle et qui souhaite quitter la cité.
Cécé raconte la vie de ses voisines, entre misère, petits commerces, dans une débrouille permanente.
Cécé raconte les gangs, leur violence, les impôts qu'ils prélèvent en échange d'un protectorat.
Cécé raconte les chefs de gangs qui savent qu'ils mourront jeunes, car d'autres veulent leur place.
Cécé raconte l'espoir mis dans le départ d'un fils ou d'une fille, qui se solde souvent par un échec.

L'écriture d'Emmelie Prophète est fluide et nous entraîne dans ce dédale de corridors où sont perpétrés tant de meurtres impunis, avec une succession de chefs de gangs, qui affichent tous leur volonté de rendre la vie meilleure pour les habitants de la cité, tout en instaurant le règne de la terreur.

« Les villages de Dieu », qui sera en librairie pour la rentrée littéraire 2021, est un roman qui fait sortir de sa zone de confort, utile pour se souvenir que nous n'avons pas tous la chance d'habiter dans un État de droit. Un récit poignant à découvrir !

Commenter  J’apprécie          2410
« Pour vivre dans la Cité, il fallait croire très fort au présent et l'inventer à chaque seconde. » Célia (Cécé La Flamme) vit dans la Cité de la Puissance Divine, contrôlée un jour par Freddy, détrôné sauvagement par Joël, lui-même blackboulé peu après par Cannibale 2.0 (Justin), lequel finit par tomber sous les balles de Jules César, dit Cassave. C'est le quotidien à Port-au-Prince qui compte plusieurs de ses villages mis à l'écart des lois et du gouvernement et que les petits caïds se disputent (Cité Bethléem, Cité Mercidieu, Cité Source Bénie, Cité Mains de Jéhovah). Tous, sous l'égide de Dieu et des divers pasteurs, se font la guerre nuit et jour, créant un régime de terreur pour leurs habitants. À vingt ans, Célia a déjà perdu sa mère Rosia, morte du sida, et sa GranMa Christa qui l'a élevée. Son tonton Fredo, assommé par l'alcool frelaté et ses désillusions, habite avec elle dans une masure au toit de tôle qui laisse passer chaleur et pluies diluviennes. La prostitution lui procure quelque revenu, mais à un seul client, il lui faut vite trouver autre chose. le salut viendra par son téléphone mobile, un outil indispensable pour qui veut sortir de son milieu et ce, malgré les inévitables pannes d'électricité et l'indigence ambiante.
Les villages de Dieu, c'est un portrait saisissant et actuel d'Haïti, pays gangrené par la corruption, les guerres de gangs, les trafics en tous genres, la pauvreté et l'analphabétisme de ses citoyens. Les rêves y sont déformés par la violence et l'abattement généralisés. « (…) mais la vie c'était du sable mouvant par ici, il fallait saisir la brièveté des choses et s'en accommoder. »
Une lecture uppercut qui anéantit ces mots de Charles Aznavour : « Il me semble que la misère, serait moins pénible au soleil ».
Commenter  J’apprécie          160
Crue et cruelle vie que celle des habitant.e.s de la Cité de la Puissance Divine.

Dans une succession de courts chapitres, Cécé, la narratrice nous fait découvrir une galerie de personnages, tous plus ou moins broyés par le quotidien. Tâcher de s'en sortir en grapillant un peu d'argent ici ou là. Redouter la pluie et pester contre ses conséquences. Ne jamais vraiment sortir de la Cité - et pour y faire quoi d'abord ? Attendre des nouvelles de l'étranger, que ce soit de la lointaine Amérique ou de la proche République dominicaine. Et tenter de rire lors des veillées funéraires où le griot local s'échine à amuser la galerie, se moquant du président, des gens présents, de ceux partis. de tout le monde. Sauf du chef du gang. du chef du moment, car tous les anciens ne sont plus que des cadavres.

Ce roman, c'est un peu "La cité de Dieu" en version haïtienne et 2.0.
Les guerres de gangs, sans débuts ni fins, fils rouges du temps qui passe, rythment par leurs éruptions les aléas des vies, faisant naître les morts. le tout sous les yeux des passant.e.s et les objectifs de leurs téléphones. Cécé, elle-même, trouvera là un exutoire, à défaut d'échappatoire.
La lutte pour la survie comme condition première de l'existence.

Merci à Mémoire D encrier et à Babelio pour ce livre reçu dans le cadre d'une Masse critique.

Un roman fort, aux personnages pris dans des tourbillons de calamités, mais qui les traversent malgré tout, avançant vaille que vaille. Un voyage dans les méandres de la Cité de la Puissance Divine, mené avec talent et pudeur par Emmelie Prophète.
Commenter  J’apprécie          90
Ouah qu'elle claque !

Emmelie Prophète nous a fait plonger sans oxygène et sans protection dans un monde que l'on ne connaît pas si on n'y est pas né.
Nous sommes confrontés à la violence, à la pauvreté, au manque d'éducation, au manque de culture, à la soif de pouvoir. On fait parfois le grand écart entre des faits qui nous paraissent irréels. Des gangs qui prennent le pouvoir dans les villages par avarice tout en agissant pour aider les habitants, mais en les maintenant quand même dans la terreur. Des jeunes femmes qui se prostituent pour se nourrir ou s'offrir des petits conforts.

Le livre se lit facilement. On reste accroché aux pages avec difficulté de mettre fin au moment de lecture. La vie du personnage principal nous happe. Nous avons envie de l'aider, de la sortir de cet univers vicieux. Elle aurait presque les moyens d'agir seule, mais elle ne l'envisage même pas. Elle ne connaît rien d'autre. Elle n'imagine pas sa vie ailleurs.
Certains chapitres m'ont laissé un peu perplexe. le monde est tellement décalé du nôtre qu'il m'a été difficile de lire entre toutes les lignes.

On sent que l'auteure aime ce pays et qu'elle a envie de mettre en lumière ce qu'il s'y passe.

Ce que je retiens de ce livre : le pouvoir des femmes dans cette misère. Sans le savoir, elles ont le pouvoir, elles sont les artères de leur village.

Lecture appréciée et recommandée !
Commenter  J’apprécie          80


critiques presse (1)
LePoint
19 avril 2021
Leurs romans décrivent le réel haïtien et explorent, pour y faire face, cette puissance de l’imaginaire ancré dans la culture de l’île.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
En fait, tous les adolescents des cités rêvent d'être chef de gang. C'était l'un des rares rêves accessibles. Il venait avec l'argent, une forme de célébrité garantie par les médias sociaux, les médias traditionnels, la pusillanimité des élus.
Commenter  J’apprécie          170
J'avais un peu raison quand même de penser que le monde se résumait à la Cité de la Puissance Divine, les lois de la République s'arrêtaient devant l'arcade, un peu plus loin même, inopérantes face à l'ampleur du délabrement physique et parce que beaucoup des habitants semblaient y avoir atterri sans qu'ils aient un passé. Pour vivre dans la Cité il fallait croire très fort au présent et l'inventer à chaque seconde.
Commenter  J’apprécie          30
J'avais du mal à regarder la photo du cadavre de Pierrot. Amant de fortune. Client. Ami. Inconnu. Personne. Il était pour moi tout cela à la fois. C'était un garçon perdu, pour qui les gangs avaient représenté le seul horizon, comme beaucoup de ceux qui vivaient au bas de la ville et ailleurs dans le pays.
Commenter  J’apprécie          30
Des cités, il n'en manquait pas. Des ghettos. Des cloaques avec des habitations sauvages, dont les habitants entraient dans des affrontements absurdes et cruels dont ils ne connaissaient pas très bien les motifs ou qu'ils avaient vite oubliés tant ils étaient sans importance.
Commenter  J’apprécie          30
Son père avait travaillé comme homme à tout faire chez les Américains dont le fils s'appelait Freddy et il a voulu donner le même prénom à son rejeton, pensant que cela lui porterait chance dans la vie, mais quand on est un Haïtien on ne s'appelle pas comme ça. En créole Freddy veut dire « froid », et en plus le gamin avait toujours la morve au nez, était maigre comme un clou, ses petits camarades s'étaient mis à le pourchasser en l'appelant « Ti Freddy », et il est devenu fou.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Emmelie Prophète (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emmelie Prophète
Café littéraire des jeunes avec Emmelie Prophète (Haïti). Les villages de Dieu - Mémoire D encrier - Novembre 2020 Retranchés dans des cités qui tirent leur nom de la légende biblique – Puissance Divine, Bethléem –, des gangs de bandits pillent, violent et assassinent en toute impunité. La jeune Célia cherche à survivre, tantôt en se prostituant, tantôt en faisant la chronique des femmes de la cité sur les réseaux sociaux, où elle devient influenceuse. Les Villages de Dieu dit l'effondrement et la banalité du mal dans cette ville de Port-au-Prince livrée à ses démons. Un roman extrême qui dit avec vérité et dignité le quotidien des résidents des bidonvilles de la capitale haïtienne. « C'est le meilleur livre sur Haïti depuis très longtemps. le plus fort, le plus juste, et peut-être le mieux écrit. La force de ce livre, c'est cette lumière dont on n'arrive pas à savoir si elle vient du soleil tropical ou des rêves fous des gens. Ou plus simplement du talent de cette splendide romancière qui nous attrape à la gorge dès la première page, serre un peu plus à chaque chapitre, relâche plus loin, resserre jusqu'à nous laisser sans voix. » Dany Laferrière Biographie Née à Port-au-Prince où elle vit toujours, Emmelie Prophète est romancière, poète et journaliste. Elle construit une oeuvre qui fait la part belle aux démunis d'Haïti. Ce roman a obtenu le Prix Fetkann ! Maryse Condé 2021 et reçu la mention spéciale du Prix Carbet de la Caraïbe 2021. Depuis janvier 2022, elle est ministre de la Culture et de la Communication d'Haïti.
+ Lire la suite
autres livres classés : haïtiVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (158) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3656 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}