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Citations sur À la recherche du temps perdu - Intégrale (177)

Maisons détruites, gens d'autrefois, compotiers de fruits des soupers que nous nous rappelons en cet albâtre translucide de nos souvenirs, duquel nous sommes incapables de montrer la couleur qu'il n'y a que nous qui voyons, ce qui nous permet de dire véridiquement aux autres, au sujet de ces choses passées, qu'ils n'en peuvent avoir une idée, que cela ne ressemble pas à ce qu'ils ont vu, et que nous ne pouvons considérer en nous-mêmes sans une certaine émotion, en songeant que c'est de l'existence de notre pensée que dépend pour quelque temps encore leur survie, le reflet des lampes qui se sont éteintes et l'odeur des charmilles qui ne fleuriront plus.

La Prisonnière
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La plus grande peur d'Albertine était d'entrer chez moi quand je sommeillais : " J'espère que je n'ai pas eu tort ajouta-t-elle. Je craignais que vous ne me disiez :

Quel mortel insolent vient chercher le trépas ?

Et elle rit de ce rire qui me troublait tant. Je lui répondis sur le même ton de plaisanterie :

Est-ce pour vous qu'est fait cet ordre si sévère ?

Et de peur qu'elle l'enfreignît jamais j'ajoutai : " Quoique je serais furieux que vous me réveilliez. - Je sais, je sais, n'ayez pas peur ", me dit Albertine. Et pour adoucir j'ajoutai, en continuant à jouer avec elle la scène d'Esther, tandis que dans la rue continuaient les cris rendus tout à fait confus par notre conversation :

Je ne trouve qu'en vous je ne sais qu'elle grâce
Qui me charme toujours et jamais ne me lasse


La Prisonnière
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Absente d'elle-même, elle avait l'air de ne pas m'aimer, de ne pas me connaître, peut-être de ne pas me voir. Je ne pouvais deviner le secret de son indifférence, de son abattement, de son mécontentement silencieux. J'entraînai mon père à l'écart. "Tu vois tout de même, lui dis-je, il n'y a pas à dire, elle a saisi exactement chaque chose. C'est l'illusion complète de la vie."

Sodome et Gomorrhe
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"Cela me rappelle la première soirée où je suis allé chez la princesse de Guermantes, où je croyais ne pas être invité et qu'on allait me mettre à la porte, et où vous aviez une robe toute rouge et des souliers rouges. - Mon Dieu, que c'est vieux tout cela", me répondit la duchesse, accentuant pour moi l'impression du temps écoulé. Elle regardait dans le lointain avec mélancolie et pourtant insista particulièrement sur la robe rouge. Je lui demandai de me la décrire, ce qu'elle fit complaisamment. "Maintenant cela ne se porterait plus du tout. C'étaient des robes qui se portaient dans ce temps là. - Mais est-ce que ce n'était pas joli ?" lui dis-je. Elle avait toujours peur de donner un avantage contre elle par ses paroles, de dire quelque chose qui la diminuât. "Mais si, moi je trouvais cela très joli. On n'en porte pas parce que cela ne se fait plus en ce moment. Mais cela se reportera, toutes les modes reviennent, en robes, en musique, en peinture" ajouta-t-elle avec force, car elle croyait une certaine originalité à cette philosophie. Cependant la tristesse de vieillir lui rendit sa lassitude qu'un sourire lui disputa :" Vous êtes sûr que c'étaient des souliers rouges ? Je croyais que c'étaient des souliers d'or."

Le temps retrouvé
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Cette fidélité aux impressions premières, et purement physiques, retrouvées à chaque fois auprès de mes amies, ne concernait pas que les traits de leur visage, puisqu'on a vu que j'étais aussi sensible à leur voix, plus troublante peut-être (car elle n'offre pas seulement les mêmes surfaces singulières et sensuelles que lui, elle fait partie de l'abîme inaccessible qui donne le vertige des baisers sans espoir), leur voix pareille au son unique d'un petit instrument où chacune se mettait tout entière et qui n'était qu'à elle. Tracée par une inflexion, telle ligne profonde d'une de ces voix m'étonnait quand je la reconnaissais après l'avoir oubliée. Si bien que les rectifications qu'à chaque rencontre nouvelle j'étais obligé de faire, pour le retour à la parfaite justesse, étaient aussi bien d'un accordeur ou d'un maître de chant que d'un dessinateur.

A l'ombre des jeunes filles en fleurs
Noms de pays : Le pays
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Odette avait maintenant, dans son salon, au commencement de l’hiver, des chrysanthèmes énormes et d’une variété de couleurs comme Swann jadis n’eût pu en voir chez elle. Mon admiration pour eux [ ... ] venait sans doute de ce que, rose pâle comme la soie Louis XV de ses fauteuils, blancs de neige comme sa robe de chambre en crêpe de Chine, ou d’un rouge métallique comme son samovar, ils superposaient  à celle du salon une décoration supplémentaire, d’un coloris aussi riche, aussi raffiné, mais vivante et qui ne durerait que quelques jours. Mais j’étais touché par ce que ces chrysanthèmes avaient moins d’éphémère que de relativement durable par rapport à ces tons, aussi roses ou aussi cuivrés, que le soleil couché exalte si somptueusement dans la brume des fins d’après-midi de novembre et qu’après les avoir aperçus avant que j’entrasse chez Mme Swann, s’éteignant dans le ciel, je retrouvais prolongés, transposés dans la palette enflammée des fleurs. Comme des feux arrachés par un grand coloriste à l’instabilité de l’atmosphère et du soleil afin qu’ils vinssent orner une demeure humaine, ils m’invitaient, ces chrysanthèmes, et malgré toute ma tristesse à goûter avidement pendant cette heure du thé les plaisirs si courts de novembre dont ils faisaient flamboyer près de moi la splendeur intime et mystérieuse.
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Je revenais par ces chemins d'où l'on aperçoit la mer, et où autrefois, avant qu'elle apparût entre les branches, je fermais les yeux pour bien penser que ce que j'allais voir, c'était bien la plaintive aïeule de la terre, poursuivant, comme au temps qu'il n'existait pas encore d'êtres vivants, sa démente et immémoriale agitation. Maintenant ils n'étaient plus pour moi que le moyen d'aller rejoindre Albertine ; quand je les reconnaissais tout pareils, sachant jusqu'où ils allaient filer droit, où ils tourneraient, je me rappelais que je les avais suivis en pensant à Mlle de Stermaria, et aussi que la même hâte de retrouver Albertine, je l'avais eue à Paris en descendant les rues par où passait Mme de Guermantes ; ils prenaient pour moi la monotonie profonde, la signification morale d'une sorte de ligne que suivait mon caractère. C'était naturel, et ce n'était pourtant pas indifférent ; ils me rappelaient que mon sort était de ne poursuivre que des fantômes, des êtres dont la réalité, pour une bonne part, était dans mon imagination. [...] De fantômes poursuivis, oubliés, recherchés à nouveau, quelquefois pour une seule entrevue, et afin de toucher à une vie irréelle laquelle aussitôt s'enfuyait, ces chemins de Balbec en étaient pleins. En pensant que leurs arbres, poiriers, pommiers, tamaris, me survivraient, il me semblait recevoir d'eux le conseil de me mettre enfin au travail, pendant que n'avait pas encore sonné l'heure du repos éternel.

Sodome et Gomorrhe
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C’est souvent seulement par manque d’esprit créateur qu’on ne va pas assez loin dans la souffrance. Et la réalité la plus terrible donne en même temps que la souffrance, la joie d’une belle découverte parce qu’elle ne fait que donner une forme neuve et claire à ce que nous remâchions depuis longtemps sans nous en douter.
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Ses traits ne prenaient plus la peine de formuler successivement des impressions esthétiques trop fortes, car ils étaient eux-mêmes comme leur expression permanente dans un visage ravagé et superbe.

Sodome et Gomorrhe
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Dans les personnes que nous aimons, il y a, immanent à elles, un certain rêve que nous ne savons pas toujours discerner mais que nous poursuivons.
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