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4,11

sur 4114 notes
ISBN : 978253059097


"Je ne lirai jamais Proust," me disait un jour quelqu'un, "c'est bien trop long : jamais je n'en verrai la fin." Avec cette ampleur emblématique, les imparfaits du subjonctif qui s'égrènent avec une aristocratique distinction tout au long des pages de la "Recherche ..." constituent, en général, le second épouvantail qui, dans Proust, fait peur au lecteur honnête mais moyen et, en tant que tel, fort peu curieux de tout ce qui n'est pas son train-train. Certains, qui ont tout de même tenté d'aller un peu plus loin, vous avancent, avec une naïveté effarouchée, que, assurément, ils ne sauraient se risquer à lire un écrivain qui, à l'instar d'un autre monument de la littérature, le duc de Saint-Simon - ce mémorialiste de génie que Proust vénérait d'ailleurs comme se doit de le faire tout amoureux de la langue française - est capable d'étaler une phrase sur une seule page minimum - quand ce n'est pas deux. La chose leur apparaît marquée au coin d'un tempérament résolument insane et aussi, même s'ils ne se risquent pas à le préciser, sournoisement et redoutablement malveillant. Car enfin, qui s'y retrouverait dans une phrase de ce type à moins de n'avoir pour autre but que de faire sombrer le candide lecteur dans une incompréhension qui, s'il s'y entête, finira, c'est immanquable, par déboucher sur les sombres méandres de la folie ? Autre reproche souvent fait - et bien à tort là aussi - à Marcel Proust : son snobisme. "Les gens dont ils parlent", me disait un autre quelqu'un, "qui s'y intéresserait ? Ce ne sont que des mondains, nobles peut-être, grands bourgeois certainement, mais tous oubliés depuis belle lurette et qui, au contraire, je vous l'accorde, de certains de leurs ancêtres, n'ont pas marqué L Histoire. Des inutiles, des coquilles vides, et c'est tout."

Enfin, vous avez ceux - j'en ai tout de même rencontré un ou deux spécimens - qui se refusent à lire Proust parce qu'il était 1) homosexuel et 2) d'origine juive, et par sa mère, détail encore plus accablant. Ceux-là, mieux vaut vous enfuir tout de suite dès qu'ils vous exposent leurs raisons de vouloir continuer à ignorer l'un des plus grands représentants de la littérature française. Inutile de chercher à les convaincre : leur cerveau a la taille d'un pois-chiche et leur coeur est en plus piteux état encore.

Maintenant, reprenons les arguments des détracteurs de l'oeuvre proustienne - à l'exception des deux derniers exemples parce que c'est lundi et que, de toutes façons, les chacals ont beau aboyer dans le désert de leur sottise, rien n'empêchera la caravane de poursuivre son chemin.

1) La longueur du texte, tout d'abord. C'est un argument qui s'effondre de lui-même. Des oeuvres bien plus longues, il en existe bien d'autres, à commencer par celle d'un certain Honoré de Balzac - peut-être le champion toutes catégories en la matière. Certes, les personnes qui ont lu "tout" Balzac sont elles-mêmes assez rares mais cela ne tiendrait-il pas avant tout au fait que beaucoup de romans de ce géant, notamment parmi ses premières oeuvres, si étroitement liées à la politique commerciale du roman-feuilleton, avec les horreurs stylistiques et les monstruosités techniques qu'entraîne cette gênante parenté, se révèlent absolument imbuvables, et ceci quoi que nous puissions penser par ailleurs du "Père Goriot", de "La Rabouilleuse" ou d'"Eugénie Grandet" ?

Chez Proust, cette disparité excessive n'existe pas. Tout est fluide, continu et le fleuve ainsi créé coule majestueusement, dans la certitude d'atteindre tôt ou tard et avec la même sérénité au vaste océan de la Littérature universelle.

2) Les imparfaits du subjonctif. C'est vrai, ils sont là, pratiquement tous au grand complet. C'est-à-dire que Proust ne se contente pas de la troisième et somme toute bien placide personne du singulier : les autres aussi se manifestent, çà et là, nous adressant ce salut légèrement hautain mais non teinté de bienveillance qui vient rappeler aux plus anciens d'entre nous et révéler aux plus jeunes que la langue de Rabelais, la langue de Voltaire, la langue de Zola - notre si belle et si délicate langue française - non seulement descend en droite ligne du Latin et de ses conjugaisons si complexes mais que, de surcroît, elle a tout lieu (et j'ajouterai surtout en notre époque sinistre et vulgaire) d'en être fière.

De là à s'imaginer que "La Recherche ..." ne s'exprime qu'à l'imparfait du subjonctif, il y a un abîme d'ignorance grammaticale rigoltourne : Proust l'eût-il voulu que la chose eût été impossible, n'importe qui ayant un minimum de connaissances en grammaire française vous le dira. Pour Proust, ce mode et ce temps sont des outils précis, qu'il utilise ainsi que nous devrions continuer à les utiliser de nos jours au lieu de, comme par exemple les Editions Hachette, troquer le passé simple au bénéfice du passé composé afin que les chères têtes blondes ne soient pas "traumatisées" ... et fassent par la suite de bons, de doux et de stupides moutons de Panurge - en d'autres termes, d'excellents chômeurs qui, ne sachant ni lire, ni écrire correctement, ne songeront jamais à la révolte.

Mais ceci est un autre débat.

3) Une page pour une seule phrase. Bon, d'accord, c'est vrai : comme Saint-Simon, Proust en est capable. Mais il n'abuse pas du procédé. Et puis, après tout, c'est très bon pour la mémoire. Vous retrouver dans les phrases labyrinthiques de ce type et vous réciter des listes et des listes de vocabulaire (français, anglais, tout ce que vous voudrez ...), faites-le le plus longtemps possible, jusque sur votre lit de mort si vous le pouvez, et vous verrez que la maladie d'Alzheimer vous oubliera.

Et puis d'abord, une phrase entière sur toute une page - ou une page et demie - c'est beau, c'est sublime. Je suis de parti pris, peut-être, mais je suis une littéraire pur-sang et je me dois, sur cette question, d'être de parti pris.

4) le snobisme. Peut-on accuser de snobisme un homme qui, en dépeignant les membres d'une certaine société, les montre tels qu'ils sont, et surtout avec leurs propres petitesses ? Les hasards de la naissance et de la Fortune ont permis à Proust de fréquenter certains milieux à la beauté superficielle desquels il a certainement été sensible - ne l'aurions-nous pas été, nous aussi, à sa place, en tous cas un temps ? - mais dont il n'a pas manqué de repérer les laideurs. Puisque, en écrivain et en créateur-né, il n'a pas tu celles-ci, on ne saurait lui reprocher un quelconque snobisme.

Au demeurant - mais il faut l'avoir lu et bien lu pour le savoir - il a aussi décrit les plus humbles, en usant du même oeil impartial et vif. Et c'est toujours le même régal.

Ajoutons deux qualités qu'on évoque rarement quand on parle de "La Recherche ..." : le naturel inouï des dialogues - et croyez-moi, c'est loin d'être à la portée de tout le monde, fût-ce les plus grands - et ... l'humour. Marcel Proust, qu'on représente trop souvent soit comme un dandy intégral, soit comme un asthmatique éternellement enfoui sous ses couvertures dans sa chambre tapissée de liège, Marcel Proust avait un sens de l'humour qui ne dédaignait ni la férocité, ni l'humour carrément noir.

Avec tout cela, comment encore vous recommander de lire "A La Recherche du Temps Perdu" ?

1) Déjà, ne le prenez pas pour un pensum ou "parce qu'il faut l'avoir lu" : abordez-le sans a priori ridicule mais aussi sans nécessité absolue, soit par curiosité, soit par plaisir.

2) Ne baissez pas les bras à la première phrase un peu plus longue, au premier verbe un peu choisi, au premier imparfait du subjonctif qui passe. Proust est mort l'année même (soit en 1922) où paraissait pour la première fois dans son intégralité - et d'ailleurs à Paris - l'"Ulysse" de Joyce. "La Chambre de Jacob" et la célébrissime "Mrs Dalloway", de Virginia Woolf, datent respectivement de 1922 et de 1925. D'autre part, bien qu'il ait commencé à publier dès 1919, William Faulkner, qui fera lui aussi tellement pour la "déconstruction" du roman et une nouvelle façon de le vivre et de l'écrire, ne publiera son premier roman qu'en 1926 et "Sartoris" en 1929. Remettez donc Proust dans le contexte de son époque, en n'oubliant pas qu'il naquit ... l'année de la Commune, c'est-à-dire en 1871.

3) Et si, contre toute attente, eh ! bien, vous n'accrochez pas : tant pis, ne soyez pas déçu. Rangez soigneusement votre exemplaire - surtout si vous êtes jeune. Et patientez. Recommencez de temps à autre, quand vous vous sentez en phase. Qu'importe que vous ne parveniez à lire "A La Recherche ..." que le jour de vos soixante-dix ans ! Seuls les snobs véritables - les cousins des Verdurin proustiens - affirment d'un ton docte que, si vous n'avez pas lu Proust pour vos vingt ans, vous ne méritez pas le titre de lecteur. Il faut de tout pour faire un monde et chaque livre, chaque oeuvre attend son heure.

Non, ne baissez pas les bras, ne vous découragez pas, attendez votre heure vous aussi : et n'oubliez jamais que, si Proust est digne de vous, vous êtes digne de lui. ;o)
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Le croyant dit "Je crois que..."
Le savant dit "Je sais que..."
Le critique d'une oeuvre littéraire, lui, a une position un peu intermédiaire, pas évidente à tenir, car il possède une conviction invérifiable et imparable relevant de sa propre idiosyncrasie, probablement plus proche de celle d'un croyant que de celle d'un savant. Mais, dans le même temps, un critique doit être capable d'expliquer cette vision personnelle par une suite d'arguments tangibles ou crédibles, plus ou moins vérifiables ou falsifiables et, si possible, admis du plus grand nombre ou disons simplement, du plus grand nombre possible. Aussi, sa position relève-t-elle plus, par cet aspect, du travail d'un scientifique.
En somme, le critique a le droit de tout dire, pour peu qu'il soit en mesure de l'argumenter de façon tant soit peu convaincante.
Le critique dit donc "J'aime parce que" ou "Je n'aime pas parce que".
Certes, certains arguments sont plus frappants que d'autres mais on ne pourra probablement pas taxer d'illuminé de mauvaise foi un critique ayant déroulé un éventail cohérent d'arguments liés au texte et concourant à son amour ou à son désamour de l'oeuvre littéraire qu'il critique.

Si je vous écris que j'aime "Du côté de chez Swann" parce que ma grand-mère s'appelait Madeleine, okay, c'est un argument, mais pas franchement décisif, car non seulement il vient tout seul et que de plus on peut avouer sans honte qu'il est de peu de retentissement parmi les quelques malheureuses âmes qui n'ont jamais connu ma grand-mère.
Par contre (attention je vais essayer de faire une phrase à la Marcel Proust), si vous dites que vous avez été émus par l'habile capture de la sensation sur notre être et de son immense pouvoir à susciter ou à ressusciter les moments révolus qui ont marqués des pans entiers de notre existence, éveillant au passage, par-ci par-là, quelques bouffées de nostalgie, en précisant deux ou trois passages du texte particulièrement significatifs à vos yeux à propos de cette qualité de l'oeuvre, on pourra alors certes ne pas partager votre vision ou votre émotion de lecture, mais on ne pourra certainement pas vous taxer de mauvaise foi, de partialité ni d'être aucunement bonimenteur ni affabulateur.

Vous avez compris que si j'ai pris la peine d'un si long préambule sur la difficulté d'être critique, c'est que justement, pour le coup, avec Proust je sèche complètement.
Ce que je sais, c'est que j'ai bien aimé. Pas adoré, mais vraiment bien aimé. Or, ceci dit, je me sens totalement incapable de dire pourquoi ou d'en dire plus. Force m'est de reconnaître que bien que ce livre possède un statut très particulier pour moi, qu'il revêt une vraie importance, je suis incapable d'en parler aux autres. Preuve probablement qu'il a touché quelque chose d'intime ou que ma pudeur inconsciente m'interdit d'extérioriser. Telle une toile dans un musée, dont on sait qu'elle nous plait, mais on ne saurait l'expliquer à qui que ce soit. La toile a cependant l'avantage de l'immédiateté ce qui n'est pas le cas d'une oeuvre écrite de l'envergure et de l'ampleur de ce livre. C'est un mystère même pour moi. J'ai bien deux ou trois idées sur la question mais je ne me convaincs pas moi-même. Il est vrai que j'ai lu du Côté de Chez Swann il y a bien trop longtemps maintenant et qu'une relecture s'imposerait très certainement, mais tout de même. J'ai l'impression de ne pas avoir tant oublié que cela et que ce n'est pas un défaut de mémoire qui m'empêche d'en dire plus et mieux sur ce livre. Je ne me l'explique pas, c'est ainsi, il faut accepter parfois de ne pas tout comprendre de son propre fonctionnement ni d'être en mesure de tout expliquer.
Je sais seulement que ce livre a eu un effet sur moi. Après sa lecture, je n'ai jamais plus eu peur d'aucun livre, aussi gros et impénétrables soient-ils. Après la lecture de "Du côté de chez Swann", je me suis dit que je n'étais peut-être pas totalement hermétique aux choses de la littérature, pensée qui était assez solidement ancrée en moi auparavant.
Me voilà donc bien fine, avec au creux des mains un livre pas si petit que ça, que j'ai passé un certain temps à lire, dont je puis affirmer que je l'ai bien aimé et avec tout cela, je suis pourtant incapable d'expliquer pourquoi. C'est bête, n'est-ce pas ? Certes mais c'est mon ressenti, ce qui signifie, plus que jamais, pas grand-chose.
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Imaginez que le paradis existe et que la liste de mes péchés ait été supprimée suite à un problème informatique indépendant de leur volonté. Au terme d'une vie trop courte, des proches quittés trop tôt et une PAL toujours pas achevée, j'arrive à l'accueil du paradis. Une hôtesse en tailleur sombre me remet un dossier et un bic mordillé et me dit : « remplissez le en caractères bien lisibles et SURTOUT, rendez moi le stylo ». Dans la partie 7.3, je dois indiquer les noms des trois personnes que je souhaite revoir. J'inscris : 1/ ma mémé qui était bien gentille, 2/ mon chien Snoopy qui était bien gentil, il ne mordait jamais que les inconnus, et 3/ par curiosité et un peu par hasard, Marcel Proust.

Je remets mon dossier et j'entre dans le saint du saint, un peu surpris par le nombre de barrières couvertes de barbelés qui donnent à l'endroit un aspect de centre pénitentiaire. J'apprendrai peu après que la luxure, l'alcool et les Smartphones sont interdits dans l'enceinte de l'établissement. Ils sont donc nombreux à vouloir s'enfuir.

Mémé n'est pas dispo, elle écosse des haricots. Elle a le sourire Mémé, elle pense à tous ceux qui lui ont fait des misères et qui vont finir comme ses haricots, bouillis dans une marmite. Elle repense à la tête qu'a fait Pépé quand il a appris qu'il serait privé de vin rouge pour l'ETERNITE ! Ptdr. Snoopy, fidèle à moi-même et à lui-même, après une démonstration de joie toute en bonds, reste mutique, la langue pendante. Il n'a visiblement pas grand-chose à me raconter, bravo. Je pars donc à la rencontre de notre écrivain national. Il se tient au fond d'un salon de thé, le visage blême, la gorge cachée par un foulard couleur crème, et manifestement, il me fait la gueule.

Ayant fréquenté de nombreux auteurs grâce aux "soirées rencontres" Babelio, je ne suis pas impressionné. Je lui lance un « coucou Marcel » histoire de rompre la glace en douceur. Il pose sur moi son regard noir et me lance, essoufflé : « je n'étais même pas dans ton top 6 Babelio, livres pour une île déserte ». C'est mal parti. Je m'assois à ses côté, penaud et je lui rétorque « mais Marcel, c'est pas ce que tu crois et en plus ta note moyenne sur Babelio est de 4.27, t'es un caïd Marcel, t'as fumé Guillaume Musso».

Les plus malins d'entre ceux qui auront eu le courage de lire ce texte jusqu'ici (ça doit plus faire beaucoup de monde) auront deviné que je noie le poisson, que je vous parle de tout sauf du roman. Mais j'ai du mal à parler des belles choses. Et je trouve qu'il serait grossier de disséquer un tel chef d'œuvre, de poser à nu sur une table en plastique ses tripes stylistiques. Je ne prendrai pas de faux airs de prof de français. J'avoue n'avoir saisi qu'une partie des intentions de l'auteur mais par contre, à mon modeste niveau, j'ai grave kiffé le flow de Marcel !

J'ai connu deux échecs avant de venir à bout de ce premier tome de « la Recherche ». J'ai quinze ans, je suis fougueux (plus pour longtemps), je débute le livre et m'arrête dix pages plus tard. En clair, je me suis endormi avant le narrateur… Dix ans plus tard, nouvel essai. J'ai lu cent pages, un long voyage au bout de l'ennui, j'abandonne une nouvelle fois. Dix ans plus tard - bis repetita -, je reprends le roman et je découvre qu'avec un peu d'efforts, je parviens à rentrer la tête la première (c'est une image) dans ces longues phrases et cette ponctuation alambiquée.

Et maintenant ? Ce livre fait toujours partie de moi. J'en conserve des images au fond de ma mémoire, notamment les clochers de Martinville et les haies d'Aubépine. Des personnages la Recherche ont laissé une trace dans mon esprit : Françoise, la Duchesse de Guermantes, Swann, M. Vinteuil et bien d'autres encore. J'ai parfois l'impression de les avoir rencontrés. Et puis il y a cette géographie qui me parle encore : Méséglise, Combray, la Vivonne, et déjà Paris et Balbec.

Si vous n'avez pas lu ce roman, attendez le bon moment et lancez vous. Si vous en aviez abandonné la lecture, offrez vous une nouvelle chance. C'est plus qu'un roman, c'est un univers parallèle dont l'accès demande de petits efforts de lecture. Vous en sortirez marqué et grandi (déclaration non contractuelle).

P.S.: J'ai été un peu long, Marcel aussi : la Recherche détient le record du plus long roman dans le Livre Guinness des records.
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Plus efficace que les cartes postales anciennes, il y a Proust.
Plus savoureux que les madeleines de Liverdun, il y a Proust.
Plus méticuleux que ma Belle-Maman, il y a Proust.
Plus cérébral que Proust, il y a... euh, personne, en fait.

Alors, voilà, depuis qu'enfant j'ai découvert la littérature, pas moyen d'échapper à Proust et pour des raisons qui échappent à ma mémoire - vite, une madeleine ! - je nourrissais un très vilain a priori négatif sur ce grand auteur. Bref, je pensais détester à l'heure de me lancer à mon tour dans l'aventure proustienne.

Marcel Proust impressionne fortement les lecteurs, qu'il les fascine ou les horripile, c'est ce qui se dit généralement ; en ce qui me concerne, il a fait les deux, alternativement. J'ai d'abord été presque transcendée par la première partie du récit décrivant l'enfance du narrateur à Combray, la villégiature de famille en Normandie, m'extasiant sur la beauté du style et la poésie de la narration. C'est notamment ici que se niche la fameuse madeleine. Je me suis régalée.

Exaspérée, ennuyée et désabusée, je l'ai ensuite été avec "Un amour de Swann", récit dans le récit, et qui constitue la seconde et plus conséquente partie de ce premier tome de "La recherche". L'amour passionnel - et cependant beaucoup trop cérébral à mon goût - de Charles Swann pour Odette de Crécy, une demi-mondaine vulgaire et manipulatrice, se fraye un chemin mouvementé dans le Paris mondain de la "fin de siècle" - période très intéressante pour l'étude des moeurs bourgeoises, soit dit en passant.

Swann, grand intellectuel, célèbre dilettante, mémorable érudit, indécrottable esthète, cultivé, sophistiqué, mondain, rationnel, rigoureux, chic... va connaître l'amour et tomber de son piédestal jusqu'à s'avilir dans le rôle peu glorieux du cocu. Même si "Un amour de Swann" recèle des trésors de psychologie et d'analyse émotionnelle méticuleux, j'avoue que sans le style brillant de l'auteur, j'aurais abandonné ma lecture, mais comme le noyé qui voit au loin surnager la bouée qui lui promet le salut, je me suis accrochée au récit, ce en quoi j'ai bien fait afin de renouer en dernière partie avec notre narrateur de Combray devenu adolescent, revenu à Paris et... amoureux de la fille de Swann !

Ce que je retiens de mon premier contact avec Proust, c'est la nécessité impérieuse de devoir abandonner ma maîtrise du temps, de "laisser le temps au temps", c'est accepter de me laisser bercer par une prose certes ardue mais unique en son genre, et c'est enfin voyager dans un Paris bourgeois plus vrai que nature où les codes sociaux semblent à la fois si étrangers et si familiers.

Au panthéon de toute culture littéraire, c'est indéniable, il y a Proust.


Challenge XXème siècle
Challenge PAVES 2015 - 2016
Challenge MULTI-DEFIS 2016
Challenge 19ème siècle 2016
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De l'art de la réminiscence sensitive…

Grâce à « A la recherche du temps perdu » j'ai retrouvé le temps lent de la lecture, celui qui permet de revenir en arrière, de lire puis de relire plusieurs fois une même phrase pour en retirer la substantifique moelle, de la noter, de la savourer, de la lire à voix haute, de poser le livre en songeant à la structure entière de l'oeuvre qui se dessine peu à peu sous nos yeux. Un temps retrouvé pour soi, salvateur, permettant de suspendre la frénésie livresque qui ne manque pas de nous menacer ici et de nous ensevelir tant nous sommes passionnés. Ce livre n'autorise pas une lecture rapide au risque de passer totalement à côté.

« J'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance ».

Ce qui s'est peu à peu imposé à moi, dessiné devant mes yeux, fut une construction étrange en trois éléments assez distincts, quoique liés. Il me plait d'évoquer une figure géométrique, voire, pourquoi pas, un animal chimérique.
Il y aurait tout d'abord une tête, porte par excellence des sens, multiples dans notre cas, un ensemble vaporeux et onirique, d'une beauté renversante, doté d'un regard qui vient vous vriller le coeur, vous sonder, explorer vos propres sens ; puis un ensemble plus carré, plus descriptif représentant une sorte de corps où bat un coeur envouté, soutenant l'oeuvre, la contextualisant, et enfin une petite queue en panache tel un bouquet final permettant de donner du sens à l'ensemble. le tout recouvert d'une toison liant ces trois parties, un fil conducteur, celui du sentiment amoureux et de la crainte de la perte de l'amour, et des souvenirs associés. Voilà comment je me représente ce premier tome de la recherche, naïvement et instinctivement.

La première partie, « Combray », se déroule quinze ans après sa deuxième partie « Un amour de Swann ». Nous y découvrons le narrateur, Proust lui-même, qui évoque ses souvenirs d'enfance en Province, à Combray notamment, dans une dilatation, une confusion, une rétractation, parfois une ronde donnant le tournis, de l'écoulement de la temporalité.
La chronologie linéaire est éclatée, seules les sensations, décortiquées de façon étonnante, sont des repères dans ce passé, sensations ayant le don de ralentir ou d'accélérer le temps subjectif et psychologique. Les sensations sont d'une précision à la fois chirurgicale, décortiquées au scalpel, tout en étant étonnement poétique tandis que la temporalité est, elle, confuse et imprécise, aucune date n'étant donnée. L'âge du narrateur qui attend avec douleur le baiser maternel le soir et qui trempe sa madeleine dans la tasse de thé donnée par la tante Léonie, est juste supposé, une dizaine d'années peut-être mais ayant gardé cette habitude enfantine du baiser du soir, habitude qui a le don d'agacer profondément son père…Quel âge a-t-il d'ailleurs lorsqu'il se souvient ensuite de ces scènes ?
Entremêlement vaporeux du temps, loin de la linéarité du temps calendaire, et étincellement des sensations comme seuls points fixes et brillants telles des pépites dans ce temps proustien, voilà comment se caractérise cette première partie qui m'a totalement subjuguée et captivée. Sans oublier les repères géographiques qui eux aussi sont particuliers comme ils peuvent l'être à hauteur d'enfant pour qui les distances sont déformées, l'espace ayant lui aussi une action sur le temps et les sensations…
Il y a tout d'abord cette confusion des chambres à son réveil, le temps de se réveiller, de se glisser de nouveau dans la temporalité, de reconstituer l'intégralité de son corps, de remettre les meubles à leur place, les fenêtres aux bons endroits, trouble merveilleusement dépeint par Proust. Est-il dans sa propre chambre, dans celle de la maison de tante Léonie, dans une autre encore ?
Alors que la nuit abolit le temps et donc les lieux, le réveil nous remet progressivement sur les rails du temps linéaire et restitue par là même le lieu de notre présence.
« Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l'ordre des années et des mondes ».
A cela s'ajoute les frontières du domaine de l'enfant, autour de sa maison à Combray, il n'y a que deux chemins de balade ayant chacun des durées différentes, l'un étant plus long que l'autre, le plus court étant du côté de chez Swann et le plus long, du côté de Guermantes. le premier permet des rencontres dans le village, le second autorise la famille à aller s'aventurer en pleine campagne. le premier est idéal en cas de temps incertain, le second est toujours rempli de soleil.

Dans cette première partie, très nostalgique, nous découvrons un enfant particulièrement sensible et d'une belle et incroyable imagination. Nous faisons la connaissance par ailleurs de Swann, ami de la famille dont on évite les abords de la propriété de peur d'y rencontrer sa femme, nous faisons également connaissance de sa tante Léonie, malade gardant toujours la chambre mais qui occupe une grande place dans la vie de la famille, de sa grand-mère qui aime se promener sous la pluie, de Françoise la fidèle cuisinière, de certains habitants du village. Sont évoquées également les longues promenades avec ses parents, mais aussi son goût très important pour la lecture et l'écriture. le baiser du soir tant attendu et la fameuse Madeleine y sont des moments forts et très connus de cette partie, nous pourrions y ajouter la description absolument magnifique des nymphéas le long de la Vivonne, lors d'une balade du côté de Guermantes, ou encore la découverte par hasard de l'homosexualité féminine lors d'une promenade solitaire. Dans toutes ces scènes, c'est à partir d'un goût, d'une odeur, ou d'une silhouette, par les cinq sens et le corps enfin, que le narrateur se souvient, qu'une foule d'éléments du passé revient à son esprit.

Swann est le fil conducteur qui va relier la première et la seconde partie. Ami de la famille à la fois aimé et un peu méprisé du fait de sa condition sociale que la famille pense, à tort, modeste et de son mauvais mariage, sa présence dans les souvenirs du narrateur est associée à l'obstacle, celui par qui, du fait de sa présence auprès des parents en soirée, bouscule le sacro-saint baiser maternel du soir qui est alors retardé, voire refusé, écourté au mieux au grand dam de l'enfant qui attend ce moment, inlassablement, toute la journée.

La deuxième partie se focalise ainsi sur Swann faisant disparaitre le narrateur, ce qui n'a pas manqué de m'étonner. C'est une partie indépendante, qui a même fait l'objet d'un livre à part. Même si j'imagine que nous pouvons le lire de façon indépendante, certains personnages seront ensuite présents dans la Recherche comme, par exemple, la fameuse Odette.
Charles Swann, jeune homme, vit alors dans la capitale. Riche collectionneur d'objets d'art, il fréquente les cercles bien fermés bourgeois. Au sein de celui des Verdurin, riches bourgeois mécènes qui aiment réunir tous les soirs chez eux des artistes, fidèle parmi les fidèles, nous le voyons tomber fou amoureux d'une cocotte, d'une mondaine, Odette de Crécy, véritable passion le consumant à petit feu lorsque cette femme va peu à peu, après avoir su habilement l'embraser, se servir de lui, de son argent notamment. Elle va beaucoup faire souffrir Swann avec ses infidélités, lui, se consumant de jalousie de façon passive de peur de la perdre. Puis enfin, lassé par les nombreuses infidélités d'Odette, Swann va recouvrer sa liberté, s'étonnant d'avoir été ainsi amoureux de façon obsessionnelle d'une femme qu'il n'a jamais vraiment aimée constate-t-il avec le recul et qui ne lui plaisait même pas.

Cette partie, au-delà d'observer avec une minutie incroyable le processus de construction puis de déconstruction amoureux, est riche d'enseignement sur le milieu bourgeois parisien du début du XXème siècle. Marcel Proust dresse le portrait des salons mondains de son époque tout en se moquant, à travers notamment le personnage de Madame Verdurin qui est pathétique et absurde. Etude vivante à la fois sociologique et anthropologique, les sens ne seront pas écartés de l'analyse, même s'ils ne sont pas aussi centraux, comme le prouve l'effet lancinant et hypnotique de la musique dans la construction du sentiment amoureux, la sonate de Vinteuil revenant tel un leitmotiv, cimentant la complicité du couple qui l'a écouté pour la première fois ensemble.
Alors que la première partie est extrêmement sensorielle et ne porte que sur les souvenirs du narrateur enfant, souvenirs guidés par tous les sens, dans cette partie, les mondanités le disputent aux réflexions philosophiques, l'analyse sociologique à l'histoire d'amour, le tragique à l'humour, la gravité à la légèreté.

Dans la troisième et dernière partie, Nom de Pays, nous retrouvons le narrateur alors âgé d'une douzaine d'années. Malade car de constitution très fragile, il a dû renoncer à un voyage à Venise auquel il rêvait depuis longtemps. Au cours de ses promenades aux Champs-Elysées avec Françoise, il rencontre Gilberte , la fille de Charles et d'Odette Swann (Charles et Odette ont fini par se marier en effet), qu'il revoit régulièrement, nouant un amour qui ne semble pas vraiment partagé. Là encore, indirectement, Swann est présent en filigrane dans cette troisième partie. C'est en effet ici au narrateur de vivre à son tour un amour compliqué, impossible, ce qui fait de cet enfant un double de Swann, un alter ego. Nous comprenons alors pourquoi Swann occupe une place si importante dans ce premier tome de la recherche.

« On n'aime plus personne dès qu'on aime ».

L'écriture, constituée de longues phrases, comportant le plus souvent une imbrication de propositions, est certes exigeante et nécessite parfois plusieurs lectures, soit pour bien comprendre soit pour déguster le style de Proust, mais permet, de par sa précision, ses étonnantes métaphores, ses circonvolutions, de faire surgir des images tout bonnement stupéfiantes et marquantes.

« Un petit coup au carreau, comme si quelque chose l'avait heurté, suivi d'une ample chute légère comme de grains de sable qu'on eût laissés tomber d'une fenêtre au-dessus, puis la chute s'étendant, se réglant, adoptant un rythme, devenant fluide, sonore, musicale, innombrable, universelle : c'était la pluie »

« Comme dans ce petit jeu japonais où l'on trempe de ténus bouts de papiers qui, aussitôt plongés dans le bol, s'étirent, se contournent, deviennent des fleurs, des personnages, toutes les fleurs de son jardin, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église, et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardin, de sa tasse de thé ».


Du côté de chez Swann, publié en 1913, est donc le premier roman du cycle A la recherche du temps perdu. Ensemble autobiographique dans lequel Marcel Proust se met en scène, les milieux mondains de la Belle Epoque sont mis à l'honneur et moqués, prétexte pour, en réalité, mettre en lumière la mémoire et la manière de retrouver son passé, notamment grâce aux sens. Si la première et la troisième partie, les deux ensembles dans lesquels le narrateur se met en scène, m'ont épatée tant par leur écriture que par leur manière de convoquer les sens, la seconde partie, de nature plus sociologique et anthropologique, m'a un peu moins séduite du fait de quelques longueurs, même si l'analyse de la passion amoureuse, de sa naissance, en passant par son acmé et sa fin, est fascinante.
Ce livre est la recherche d'un temps perdu, celui d'un temps non linéaire, pas assassin et éternellement présent. Celui des souvenirs resurgissant sans cesse grâce à l'activation des sens au point de constituer un présent éternel, quasi mythologique. Celui de l'amour que l'on voudrait éternel, qu'il soit maternel ou amoureux.

Un roman nostalgique, à l'image de Swann, rempli de loisir, parfumé par l'odeur du grand marronnier, des paniers de framboises et d'un brin d'estragon…Un roman inoubliable.


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Longtemps je m'étais dit que le bonheur ressemblait à cela.
Je ne savais pas que lire du côté de chez Swann me ferait cet effet-là. Je ne savais pas qu'une phrase comme celle-là, innocente et déliée comme une vague, entrerait en moi pour ne plus me quitter.
Mais quelle phrase ? Toutes, elles sont toutes aussi belles l'une que l'autre.
Tout d'abord, je m'étais préparé comme on se prépare à rencontrer quelqu'un qui s'appelle Marcel Proust. C'est étrange les représentations qu'on a, je m'étais dit si un jour je devais rencontrer Marcel Proust, ce serait dans un jardin public. Je m'étais dit qu'il préfèrerait me rejoindre au jardin du Luxembourg, alors que moi je l'aurais plutôt invité au parc Montsouris. Vous voyez la différence ?
En abordant cette lecture, je me suis demandé : comment pourrais-je passer ici après Louis-Ferdinand Céline, après Victor Hugo, après les P'tites poules ? Quelle crédibilité avais-je finalement de produire ce qui serait la deux-cent soixante-deuxième critique... ? Amateur d'ésotérisme, je suis allé voir un peu à droite et à gauche, - plutôt à gauche vous commencez à me connaître, ce que ce chiffre représentait, est-ce que ce chiffre était un rendez-vous ? Était-ce LE bon moment ? Pour moi ? Pour vous ? Pour la postérité ? Bon, il y avait plein de calculs à faire et cela m'a barbé, quoique les mathématiques ne me barbent jamais, nullement. Au contraire d'ailleurs... Un jour j'y reviendrai, mais seulement par amour, par amour des mathématiques, mais voilà que je digresse...
L'avantage est qu'ici je ne risque pas de divulgâcher quoique ce soit, ce roman ne raconte rien et c'est ça qui est génial. Je fais le malin bien sûr, ce roman raconte des choses, évoque des situations, des personnages, les met en scène. Ne serait-ce que le narrateur...
Mais le bonheur qui vient après cette lecture est à un autre endroit.
Longtemps j'ai presque eu honte d'avoir aimé ce livre. Et je me demandais pourquoi...
Longtemps je m'étais dit que je ne lirai pas cet auteur.
Puis vint le temps où je l'ai lu. Il y a longtemps. Je l'avais tenté par trois fois et comme un surfeur, la troisième vague fut la bonne. L'écriture de Proust est une vague et c'est à force de regarder la mer presque tous les jours que j'ai compris cela. Je ne surfe pas, mais je les observe depuis le bord du rivage.
Et donc, je l'ai relu. Mais quel plaisir !
Aïe ! Je pense à la fameuse vague et aux pauvres terriens, les vrais terriens retirés au fin fond des villes et des campagnes, mais ce n'est pas grave, il suffit de fermer les yeux et d'entendre la phrase de Marcel Proust, lu par quelqu'un d'autre. Pour moi cette phrase fut celle lue par Daniel Mesguich.
J'ai aimé ce que j'ai lu, ce que j'ai entendu, ce que j'ai ressenti. Profondément. Éperdument.
Je reviens au livre. J'ai tout d'abord regardé cette manière de dire le texte. Je me suis demandé si cela se limitait à la façon de dire les mots. Et peu à peu, la phrase s'enroule, emporte et délivre ce qu'elle porte en elle. Porte autre chose forcément, mais quoi ?
J'ai aimé ici toucher du doigt l'enfance, le désir, les relations amoureuses, la jalousie, la tristesse, puis le temps si fragile à nos yeux et que nous voyons s'effriter aussi parfois entre nos doigts et à cause de nous.
Ce temps qui file, est-il inutile ?
J'ai une petite idée sur la question...
Aussi, je ressens une difficulté infinie à vous parler de mon ressenti. Cette lecture reste en moi, voilà je fais un temps d'introspection, je respire longuement, je pense au livre, j'y reviens mentalement, c'est comme un voyage intérieur...
Ce livre va forcément m'aider à grandir et ne me demandez pas comment, pourquoi, ni quand... Je n'en sais strictement rien. Je sais seulement que je vais grandir et rien que pour cela, cette chronique m'est indispensable, comme une consolation... Sans doute aussi parce que ce livre ne parle de rien d'autre que de nous et de notre immense et inconsolable besoin d'amour...
Je pense brusquement que la forme du texte m'a entraîné de manière sublime vers son vertige, mais à vrai dire je n'en sais rien...
Ce livre est un très grand roman.
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On dit de ce roman que c'est un monument de la littérature française qu'il faut avoir lu une fois dans sa vie et j'avoue m'être lancée à corps perdu dans ce défi que j'ai abandonné maintes fois par le passé car c'est vrai qu'il y a des longueurs et des lenteurs emblématiques chez Proust, des phrases qui s'étirent comme un chat au soleil d'été, une ponctuation utilisée avec parcimonie qui compromet fortement la notion spatio-temporelle - c'est bavard, certes, la prose est ardue, les digressions foisonnent et l'emploi du subjonctif rebute notre déformation de lecteur 2.0 habitués à ce qu'une information arrive rapidement pour qu'on puisse vite la synthétiser et vite la transmettre et vite l'analyser - , sauf qu'ici chez Proust cette prouesse n'est pas possible car tout se passe très lentement et il place son décor dans le Paris bourgeois avec une notion de castes plus que de classes sociales, où la vie coule comme un fleuve tranquille et où l' on prend le temps de vivre, le temps de voir passer le temps, il y ajoute quelques études psychologiques des personnages et des sentiments tel l'amour teinté de vénération d'un enfant pour sa mère, même si cette histoire prend trente-deux pages et demi, épuisant ainsi notre quota de bonne volonté car vraiment il faut l'admettre c'est une lecture difficile, laborieuse, digne des marathoniens qui aiment l'effort, qui ne se découragent pas face à la difficulté et à la douleur ; mais il y tout de même de belles descriptions et notions, surtout celle de la force des souvenirs qui restent, qui résistent à tout.

Ouf, je reprends mon souffle après l'écriture du paragraphe le plus long de ma vie. Proust eût été fier de moi ;)

Et voilà, c'est fait ! Je promets que dorénavant j'aurai plus de patience avec ma vieille tante qui débite 25 mots à la seconde ! Et en plus les madeleines auront désormais une autre saveur !


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Demain, cela fera 100 ans que Marcel Proust est mort.
Je voudrais par mes quelques lignes rendre un hommage vibrant à son oeuvre: A la recherche du temps perdu, source inépuisable des sentiments humains, une écriture fascinante, empreinte de poésie et de cette nostalgie du temps qui passe.
Cela fait bien des années que j'ai commencé à arpenter "les lieux proustiens", de la rue d'Auteuil à la rue Hamelin sans oublier le Grand hôtel de Cabourg et naturellement : Illiers-Combray avec la maison de la tante Léonie.
Que d'émotions j'ai ressenti en 'faisant tinter la petite cloche qui annonçait les visiteurs tant redoutés par Marcel Proust, puisque ces " étrangers" à son cocon familial lui volaient le baiser du soir donné par sa mère et sans lequel, il ne pouvait s' endormir.
La première partie de la Recherche se situe à Combray, le pays des vacances, le paradis de l'enfance.
Que de magnifiques pages pour nous faire découvrir ces après-midi de lecture ou ces promenades du côté de Méséglisse ou du côté de Guermantes, nom enchanteur pour le narrateur qui tombe amoureux de ce nom, de cette duchesse jamais vue.
Quelle analogie subtile est faite entre le baiser volé du narrateur et celui si difficile à obtenir pour Swann, ce voisin qui vient le rendre régulièrement visite d'Odette de Crécy.
Marcel Proust, avec une plume très sensible va nous décrire les tourments amoureux qu'il s'agisse de l'amour filial du narrateur pour sa mère ou celui de Swannn " qui a gâché des années de sa vie pour une femme qui n'était pas son genre".
La passion, la jalousie, la peur de ne plus être aimé sont admirablement traités et dépeints.
La première partie de la Recherche porte en germe tous les personnages et les passions qui se développeront tout au long de ces 15 tomes, chez Gallimard.
Quel plaisir de relire cette oeuvre dans ce papier jauni par le temps car il y a bien longtemps que ces volumes vivent avec moi.
Marcel Proust est mon meilleur ami littéraire, j'y ai tout trouvé, c'est un bonheur de relire aujourd'hui son oeuvre.
J'espère que beaucoup de lecteurs auront à coeur de découvrir cette Recherche. .
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Critiquer : désolée mais pas cette fois !

" A La Recherche du Temps Perdu " , c'est cent vingt six billets sur notre site préféré .
Le net , les bibliothèques , les librairies regorgent d'études, de thèses , de biographies, d'analyses etc...
Je me sens petite fourmi , minuscule face à ce monument.
Alors, mon billet sera un témoignage car je veux juste partager quelques miettes de ...bonheur !

" du Côté de chez Swann " , premier tome .
Je l'ai lu et étudié pendant mes études mais par morceaux choisis .
Proust depuis ce moment , je dirais quelques décennies , est toujours resté dans un petit coin de ma tête , jusqu'à devenir un rêve : celui de lire toute " La Recherche ...".
Et puis, le tourbillon de la vie , les rares moments à soi , l'actualité littéraire etc... toujours est-il que j'ai dû attendre de nombreuses années avant de trouver LE moment propice pour m'isoler avec Marcel .

Alors voilà , j'ai enfin pu goûter aux délices de Combray , revoir les Swann et me laisser porter par la magnificence de style proustien .
Je serais quand même de mauvaise foi en oubliant de mentionner l'effort qu'il faut parfois fournir face à la densité de certains passages , mais ça , tout le monde le sait .
En revanche , que dire de l'émotion suscitée par l'intensité poétique et je m'en voudrais d'oublier de parler de la finesse d'un humour pince sans rire ponctuant le récit . Que d'esprit !

D'autre part , j'ai eu la curiosité de lire quelques articles biographiques sur l'auteur ; le texte étant écrit à la première personne j'ai eu besoin d'éclaircissements pour mieux situer les personnages , le cadre familial ou social , ou encore les noms de lieux .
Fiction et réalité étant mêlées , ça donne en quelque sorte une biographie tronquée et c'est parfois déroutant.
Ainsi , le narrateur , jeune , se place en fils unique au coeur de sa famille or, Marcel Proust avait un frère de deux ans son cadet . Il l'a complètement occulté il n'apparaît nulle part . En revanche , de ce fait , il nous livre peut-être là , en filigrane , une des clefs de sa construction mentale liée à une certaine souffrance . Troublant .
Emouvante aussi cette relation mère-enfant illustrée ici par le si célèbre " baiser du soir " ...

J'ai choisi de lire " La Recherche ..." dans l'ordre , pourtant , certains proustiens émérites n'en font pas une nécessité .
Jusqu'à présent , arrivée au milieu du deuxième volume, je reste persuadée que c'est plus aisé pour appréhender l'évolution de l'oeuvre et surtout l'impressionnante et foisonnante galerie des personnages de cette gigantesque comédie humaine .

Ainsi , je suis en immersion dans un autre siècle , dans une oeuvre étonnante de modernité , goûtant une pensée philosophique profonde , tellement percutante , qu'il est aussi bien doux de se laisser bercer par une prose qui parfois tutoie les étoiles .
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Un challenge organisé par le forum de lecture que je fréquente a été pour moi l'occasion de m'attaquer à un monument de la littérature: A la recherche du temps perdu de Marcel PROUST. Ou du moins à son premier tome: du côté de chez Swann. Mes premiers pas dans l'oeuvre ont été difficiles, je l'avoue. Les phrases longues, très très longues, partent dans tous les sens et souvent j'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour en comprendre le sens. Mais PROUST est ainsi. Il faut savoir prendre son temps pour savourer son écriture subtile et sublime. Oui, il a su me conquérir. Sa prose sensible et délicate croque à merveille la société qui l'entoure, les petits travers de ses contemporains et les rapports sociaux si strictement réglementés. On lit PROUST tous les sens en éveil. Avec lui, on sent les douces fragrances des jasmins du jardin de Swann, on découvre Combray, son églises, ses ruelles, ses prés comme si on y était, on entend les conversations de salon et bien sûr, on a sur la langue le goût de la fameuse madeleine trempée dans le thé de tante Léonie. Quand au détour d'une page, on tombe sur cette anecdote cultissime, on sait que l'on touche à l'essence même de cet écrivain incomparable.
Il faut lire PROUST! Une fois dans sa vie de lecteur, il faut se promener tranquillement avec lui, à Combray ou sur les Champs-Elysées, et tout doucement se laisser bercer par ses petites histoires sur le temps, l'amour, les gens.
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