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A la recherche du temps perdu - ... tome 2 sur 7

Pierre-Louis Rey (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070380510
568 pages
Gallimard (11/05/1988)
  Existe en édition audio
4.36/5   1340 notes
Résumé :
4e de couverture de l'édition Livre de Poche n° 7391 de 1992 ISBN 9782253059103 :

Par l'attribution du prix Goncourt, le grand public va connaître le nom de Marcel Proust [...]. Depuis la fondation de l'Académie, en 1903, nous n'avons pas, à mon avis, couronné un ouvrage aussi vigoureux, aussi neuf, aussi plein de richesses – dont quelques unes entièrement originales – que cet "À l'ombre des jeunes filles en fleurs" [...]. L'auteur n'est ni pressé ni ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (79) Voir plus Ajouter une critique
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Dans ce deuxième opus de la recherche, Marcel est un ado avide de relations avec des jeunes filles. Il est plus amoureux de l'amour que des jeunes personnes en question, à un tel point que quelque soit la demoiselle entrevue, elle devient l'objet exclusif d'un désir envahissant et incontrôlable. Gilberte Swan, la fille de Swann et d'Odette de Crécy est la première à ouvrir le bal. Malgré sa conduite peu amène envers le jeune homme qui est un peu collant dans son insistance à croiser son chemin et à manigancer pour se retrouver en tête à tête avec l'élue de son coeur, Marcel persiste et signe. Et cette passion l'entraîne dans des stratagèmes complexes, y compris fréquenter plus que la convenance ne l'exige les parents de Gilberte. D'autant que ceux-ci connaissent l'écrivain à succès Bergotte, bénéfice secondaire non négligeable pour un aspirant écrivain. Au cours de cette première partie, Marcel assise pour la première fois à une pièce théâtre dans laquelle joue la Berma. Et Proust décrit à merveille le désarroi de Marcel, qui voudrait à l'unisson de ceux qui sont sensé connaître les codes, admirer ce qui ne lui inspire que peu d'émoi. Comment sait-on que ce que l'on voit est admirable ? Quel sont les critères pour décider de la valeur d'une artiste ?

Peu à peu Marcel se désintéresse de Gilberte et le départ vers Balbec signera la fin de cet amour.

Mais Balbec sera le lieu d'autres passions : l'amitié de Saint-loup, les échanges avec le peintre célèbre Elstir, puis la rencontre d'Albertine.

Marcel observe, avec avec finesse, le comportement de ses contemporains afin d'en comprendre les règles qu'il ne manque pas de s'approprier, tout en étant conscient de son inexpérience.

Proust analyse avec une grande acuité le comportement de son narrateur, qui trouve dans la es situations les plus banales l'occasion de décortiquer les processus psychiques en cause.

Même si cela reste une lecture complexe, du fait du style, de ces longues phrases à tiroir, il n'en reste pas moins que la lecture est passionnante.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Marcel, le narrateur, arrive à l'adolescence, période ou les sens s'éveillent aux charmes de la gente féminine et l'occasion pour lui de poursuivre de ses assiduités son ami d'enfance, Gilberte, fille de Swann et d'Odette de Crécy. Celle-ci finit par l'éconduire et lui signifier qu'il n'aura jamais ses faveurs.
Le narrateur part pour les vacances d'été à Balbec, ville balnéaire du bord de la Manche où il résidera les quelques mois estivaux au grand hôtel en compagnie de sa grand-mère. C'est l'occasion pour lui d'apercevoir un groupe de jeunes filles et de s'en faire connaître. Il réussit à se joindre au groupe par l'intermédiaire du peintre Elstir qui a bien connu Mme Swann et dont les jeunes filles servent parfois de modèle. Il fait la connaissance d'Albertine qu'il tentera de séduire. Celle-ci l'invitera dans la chambre qu'elle a louée dans le même hôtel que lui lors de sa dernière nuit à Balbec. Il tentera de l'embrasser mais sera aussitôt repoussé par la jeune fille outrée.
Résumer le deuxième tome de « à la recherche du temps perdu » n'a pas grand intérêt car l'histoire n'est qu'un prétexte pour l'auteur pour décrire non pas les faits mais toute la multitude de détails qui les représente, qui les idéalise. L'auteur s'amuse des péripéties dont il parle, elles ne sont qu'un élément secondaire dans son discours. C'est dans ses phrases sans fin qu'il maîtrise à la perfection, dans la précision des termes employés, la richesse de son vocabulaire et ce nuancier d'impressions qu'il suggère que le talent de Proust exulte, explose, irradie page après page. Ainsi : « Hélas, le vent de mer, une heure plus tard, dans la grande salle à manger – tandis que nous déjeunions et que, de la gourde de cuir d'un citron, nous répandions quelques gouttes d'or sur deux soles qui bientôt laissèrent dans nos assiettes le panache de leurs arêtes, frisé comme une plume et sonore comme une cithare – il parut cruel à ma grand-mère de n'en pas sentir le souffle vivifiant à cause du châssis transparent mais clos qui, comme une vitrine, nous séparait de la plage tout en nous la laissant entièrement voir et dans lequel le ciel entrait si complètement que son azur avait l'air d'être la couleur des fenêtres et ses nuages blancs, un défaut du verre. »
Les couleurs explosent en un gigantesque feu d'artifice, les odeurs exhalent leurs essences variées, les bruits deviennent une symphonie parfaitement orchestrée, on le vit comme on le lit, on est happé par le monde de Proust, ensorcelé par la magie des mots, de ses mots.
Si la lecture du roman de Proust peut paraître ardue, incompréhensible, voir hermétique, c'est parce qu'on pourrait l'aborder comme une méditation, laisser l'esprit voyager librement au fil des phrases, se laisser flotter de page en page, et s'imprégner de cette atmosphère à nulle autre pareille, mais pour cela, prendre son temps, le temps que l'on aurait perdu si l'on ne s'arrêtait pas sur les détails, les impressions, tout comme l'auteur s'y emploie.
Editions le livre de poche, 542 pages.
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Je n'ai pas l'habitude de masquer mon ressenti dans mes avis, par conséquent - et bien que je n'éprouve aucune gloire à cela, bien au contraire -, force m'est d'admettre que je me suis mortellement ennuyée à la lecture de ce second tome de la saga proustienne.

Pour commencer, il s'ouvre sur les personnages que j'ai le moins appréciés dans le tome précédent, à savoir le couple Swann. Est-ce essentiellement pour cette raison que j'ai eu tant de mal à m'accrocher à ses interminables phrases, signature bien connue de l'auteur ? Toujours est-il que les réflexions du narrateur qui m'avaient précédemment charmée ont viré dans mon esprit à des tergiversations sans fin qui m'ont sans cesse agacée.

Oui, je sais bien que lire Proust, c'est avant tout s'armer de patience et "laisser le temps au temps" et c'est dans cet état d'esprit que j'ai tenté de poursuivre ma lecture. Pourtant... rien ne saurait décrire le soulagement que j'ai éprouvé en tournant la dernière page, bien qu'ayant davantage goûté le récit de villégiature à Balbec, dans cette incroyable ambiance infatuée d'elle-même des stations balnéaires de l'époque, à la fois élégantes et pédantes.

L'oeuvre est définitivement trop longue pour se permettre de relire deux ou trois fois la même phrase afin d'en saisir le sens ou la portée, quand entre la majuscule qui l'introduit et le point qui la conclut, vous avez été éjecté loin de son fil, ce qui fut hélas bien souvent mon cas.

Ma vie de lectrice est déjà une incessante recherche de temps, je renonce donc à regret à cette quête du temps perdu.


Challenge ABC 2016 - 2017
Challenge ATOUT PRIX 2016 - 2017
Challenge PAVES 2016 - 2017
Challenge GONCOURT général
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Grand cru ! Oublions un instant les accortes piquettes garnissant les devantures de nos libraires, ces « formidables romans, ces fabuleux écrivains » du moment qui ne laissent dans nos mémoires, tous comptes faits, que l'empreinte fugitive d'un agréable moment de lecture, d'une intrigue bien construite, d'un personnage attachant ou d'un contexte larmoyant destiné par l'air du temps à nous faire crier au génie. Qu'en restera-t-il dans notre mémoire d'ici deux ou trois automnes ou d'ici deux ou trois décennies dans les choix des nouveaux lecteurs ? Hum…Alors, pour une fois soyons assez audacieux pour délaisser les vins de pays et déboucher comme un flacon rarissime et hors de prix, ce Goncourt 1919. Goûtons-le et tachons de savoir s'il valait sa distinction et vérifions si l'usure de cent ans ne l'aurait pas madérisé.
Ah ! La note florale est indéniable, elle est dans le titre et court dans tout le texte. Sa dominante est, comme vous préférez, lilas, mauve (la toilette de Mme Swann), violette (comme la princesse de Parme ou les fleurs du même nom au corsage de Mme S) et son parfum épouse les senteurs marines, salines et ensoleillées de l'été, en bord de plage au temps de la prime jeunesse. Sa fraîcheur est celle de ces jeunes filles à l'ombre desquelles il était, il est et il sera toujours bien agréable de se réfugier. Non dépourvues de l'acidité de leur jeunesse qui en fait un de leurs nombreux charmes (et qui permet à un grand vin de bien vieillir), elles ne parviennent cependant pas à surpasser le plaisir puissant et capiteux que distille la magnifique Madame Swann. A tel point qu'on finit par se demander si le scénariste du Lauréat (1968 Anne Bancroft & D. Hoffman) n'aurait pas puisé son inspiration dans les fantasmes non exprimés mais, me semble-t-il bien présents, du jeune Marcel qui, charmé par les Jeunes Filles et abrité sous leur ombre, n'en regardait pas moins vers la superbe cocotte dont l'aura ne manquait pas de faire de l'ombre aux jeunes filles, sa fille Gilberte, comprise.
Le style est souvent déroutant avec des phrases qui sont des paragraphes et des verbes placés à l'allemande en fin de phrase de telle sorte que l'étourdi ou le dilettante dont l'attention n'est pas constante puisse être assez rapidement découragé. La qualité supérieure se mérite mais quel régal. Tour à tour léger, voire futile pour devenir sans crier gare d'une profondeur remarquable, le récit ne cesse de proposer des moments d'anthologie, des phrases sublimes, des descriptions picturales dont l'impressionnisme vous donne envie de foncer à Marmottan, des passages dont l'humour et l'ironie, jamais malveillante, enchantent (le directeur de l'hôtel, Françoise la cuisinière, la propre procrastination de l'auteur), des formules parfois lapidaires (oui, on en trouve aussi), des scènes touchantes, d'autres à la limite du vaudeville (finissez ou je sonne) et certaines qui sont de pures et brillantes scènes de cinéma.
La plupart du temps, le récit touche le lecteur, rappelle des sensations, ressuscite des souvenirs ou des rêves, ravive des regrets et quand ce n'est pas le cas, le texte d'une originalité et d'une élégance sans pareilles suffit à son plaisir, comme lorsqu'il décrit la table vide d'une fin de repas au restaurant avec le talent d'un peintre de nature morte ou lorsqu'il fait un sort à cet Oscar dont il assure :«Car il ne pouvait jamais « rester sans rien faire », quoi qu'il ne fît d'ailleurs jamais rien. »
Mais jamais bien loin, présent en filigrane, le thème principal reprend ses droits et nous rappelle que le Temps Perdu ne se rattrapant jamais, il faut profiter de l'instant :
« Comme sur un plant où les fleurs mûrissent à des époques différentes, je les avais vues, en de vieilles dames, sur cette plage de Balbec, ces dures graines, ces mous tubercules, que mes amies seraient un jour. Mais qu'importait ? En ce moment, c'était la saison des fleurs. »

Oui, le grand cru de 1919 a bien vieilli, il est toujours sublime et il faudrait être fou pour ne pas s'essayer à le goûter.
Et pour vous en convaincre, à présent que le nectar m'enivre et juste avant qu'il ne m'égare, osons en extraire un bref passage que vous n'apprécierez que si, alors que la bienséance des moeurs actuelles ne vous autorise en société qu'à lui effleurer les joues, deux fois en une soirée, vous brûlez de tenir la main d'une femme un peu plus, beaucoup plus, que pour une poignée de mains :
« Elle était de ces femmes à qui c'est un si grand plaisir de serrer la main qu'on est reconnaissant à la civilisation d'avoir fait du shake-hand un acte permis entre jeunes gens et jeunes filles qui s'abordent. Si les habitudes arbitraires de la politesse avaient remplacé la poignée de mains par un autre geste, j'eusse tous les jours regardé les mains intangibles d'Albertine avec une curiosité de connaître leur contact aussi ardente qu'était celle de savoir la saveur de ses joues. Mais dans le plaisir de tenir longtemps ses mains entre les miennes, si j'avais été son voisin au furet, je n'envisageais pas que ce plaisir même : que d'aveux, que de déclarations tus jusqu'ici par timidité j'aurais pu confier à certaines pressions de mains… »
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Le deuxième tome de la Recherche, qui amena le succès à Proust, et révèle l'ampleur du projet.

Publié en 1919, et accepté cette fois par Gallimard (à la différence de "Du côté de chez Swann", renvoyé six ans plus tôt au compte d'auteur), couronné la même année du prix Goncourt, le deuxième tome de "À la recherche du temps perdu" est à la fois celui de la consécration pour l'auteur, et celui qui donne à voir au lecteur, le premier, l'ampleur que va prendre l'ensemble de l'édifice, ampleur qui n'était jusque là que suggérée.

Le deuxième tome me semble aussi confirmer, ne serait-ce que par son complexe jeu d'indices et de références, qu'il est largement préférable (si ce n'est essentiel) de lire "La recherche" comme un unique gros roman, plutôt que comme un feuilleton égrené au fil des années et des lectures (trop) échelonnées.

Dans une mécanique complexe de spirales et de faux-semblants narratifs extrêmement maîtrisée, une partie des "bombes à retardement" posées par l'auteur dans le premier tome sont maintenant dévoilées, tandis que de nouvelles, nombreuses, sont enfouies à leur tour, pour servir plus tard.

Tandis que le narrateur, dans les dernières pages du premier tome, connaissait les premiers émois amoureux d'une amitié enfantine qu'il souhaite transformer en tout autre chose, avec Gilberte Swann, c'est maintenant de la conquête de sa mère, Odette, qu'il s'agit, pour des raisons peu claires initialement, dans lesquelles entrent à la fois du dépit, du refus anticipé de la souffrance, une rare forme de sado-masochisme qui ne dirait pas encore son nom, tout en résonnant, déjà, fortement, avec certains symptômes d'obsession et de jalousie semés dans "Un amour de Swann", confirmant le caractère matriciel de cette échappée au sein du premier tome, qui ira s'affirmant au fil des volumes.

Saisissant ce qui pourrait n'être qu'un prétexte (mais on apprendra au fil des volumes, à nouveau, que ce n'est pratiquement jamais le cas dans la "Recherche"), l'analyse de l'évolution de Swann après son mariage, à la fois telle qu'il semble la vivre et telle qu'elle est perçue de l'extérieur, (en particulier par le père du narrateur et par les Verdurin) permet à l'auteur une incursion en profondeur, cette fois, dans la mécanique des barrières sociales évoquée tout au long du premier tome, mais cette fois abordée presque frontalement.

Grâce à la longue description de la genèse et de la vie du salon de Mme Swann, la deuxième tranche, patiente, du mûrissement littéraire du jeune Marcel, autour de l'analyse de ce qui « fit » l'écrivain Bergotte, en son temps, nous est dévoilée : de l'art du détournement de l'objet apparent d'une narration pour servir un but ultérieur bien différent…

Au bout de ces 160 premières pages, l'une des ellipses en forme de coup de théâtre, par lesquelles l'auteur aime clore ou débuter une nouvelle partie, et nous masquer ainsi la structure de son patient échafaudage, et auxquelles nous allons nous habituer au fil des volumes, survient, semblant tourner la "page" Gilberte / Odette, et nous renvoyer maintenant l'écho comparatif de la dernière partie du premier tome : si "Du côté de chez Swann" s'achevait par les images associées a priori au nom de Balbec, il s'agit maintenant d'y aller voir : « J'étais arrivé à une presque complète indifférence à l'égard de Gilberte, quand deux ans plus tard je partis avec ma grand-mère pour Balbec. ».

Avec au passage, l'une des plus jolies auto-justifications de la procrastination que j'aie pu lire : « Si j'avais été moins décidé à me mettre définitivement au travail j'aurais peut-être fait un effort pour commencer tout de suite. Mais puisque ma résolution était formelle, et qu'avant vingt-quatre heures, dans les cadres vides de la journée du lendemain où tout se plaçait si bien parce que je n'y étais pas encore, mes bonnes dispositions se réaliseraient aisément, il valait mieux ne pas choisir un soir où j ‘étais mal disposé pour un début auquel les jours suivants, hélas ! ne devaient pas se montrer plus propices. Mais j'étais raisonnable. de la part de qui avait attendu des années il eût été puéril de ne pas supporter un retard de trois jours. »

Séjour déterminant s'il en est, en soi et pour la suite des événements, ce premier contact avec Balbec (et ses 234 pages) permet d'introduire ou de réintroduire plusieurs personnages essentiels de la Recherche, parfois déjà évoqués, mais dont on commence à deviner l'importance (tout en gardant une certaine méfiance vis-à-vis du narrateur, qui à ce stade nous a déjà plusieurs fois démontré son manque de fiabilité, et de l'auteur, dont le machiavélisme devient toujours plus enchanteur au fil des pages) : la marquise de Villeparisis, Saint-Loup, mais aussi Charlus, avec une deuxième apparition marquante, moins fugitive et (peut-être) moins mal interprétée (par le petit Marcel "du texte") que celle de Combray dans le jardin des Swann.

Mais les deux entrées les plus fortes sont ici, me semble-t-il, celle d'Elstir, avec laquelle l'auteur exécute l'un de ses plus beaux tours de passe-passe ("changement de lieu, changement de personne" entre le salon des Verdurin du premier tome et la résidence à Balbec du deuxième tome) - avant de l'utiliser pour fomenter l'une des parties les plus analytiques de toute la Recherche, déjà, en étudiant avec lui dans quelle mesure l'art peut, sans cesse, transmuter le quotidien - et celle d'Albertine, bien entendu, au milieu du "groupe des fillettes", qui ne sont pas encore tout à fait ces fameuses "jeunes filles en fleur", offrant à l'auteur l'occasion de l'un des plus extrêmes "flash-forwards" au sein des 7 tomes : « Mon hésitation entre les diverses jeunes filles de la petite bande, lesquelles gardaient toutes un peu du charme collectif qui m'avait d'abord troublé, s'ajouta-t-elle aussi à ces causes pour me laisser plus tard, même au temps de mon plus grand – de mon second – amour pour Albertine, une sorte de liberté intermittente, et bien brève, de ne l'aimer pas ? Pour avoir erré entre toutes ses amies avant de se porter définitivement sur elle, mon amour garda parfois entre lui et l'image d'Albertine un certain « jeu » qui lui permettait comme un éclairage mal adapté de se poser sur d'autres avant de revenir s'appliquer à elle ; le rapport entre le mal que je ressentais au coeur et le souvenir d'Albertine ne me semblait pas nécessaire, j'aurais peut-être pu le coordonner avec l'image d'une autre personne. »

La puissance du réseau tissé par Proust entre ces dizaines de personnages sur lesquels varie la lumière, l'intensité scrutative ou même le "moment" auquel le narrateur, changeant lui-même d'âge et d'expérience, les décrit, commence à pleinement apparaître à partir de ce deuxième tome, qui encourage plus que jamais à, frénétiquement, poursuivre l'aventure, d'autant plus que les thèmes apparemment encore relativement disjoints du premier tome commencent, doucement, à se rassembler pour fusionner plus tard : mémoire, expérience sensorielle, sentiment amoureux, jouissance esthétique apparaissent de plus en plus comme les composantes réelles d'un art encore en gestation, mais qui se dévoile peu à peu...
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critiques presse (1)
LeFigaro
22 avril 2022
Si La Recherche demeure cent ans après universelle, c'est que son auteur a eu le génie de parler de soi sans parler de lui.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (376) Voir plus Ajouter une citation
Au milieu d'elles, on voyait ça et là un pommier, privé il est vrai de ses fleurs et ne portant plus qu'un bouquet de pistils, mais qui suffisait à m'enchanter parce que je reconnaissais ces feuilles inimitables dont la large étendue, comme le tapis d'estrade d'une fête nuptiale maintenant terminée, avait été tout récemment foulée par la traîne de satin blanc des fleurs rougissantes.
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Il paraît qu'on ne peut se figurer comme il donnait le ton, comme il faisait la loi à toute la société dans sa jeunesse. Pour lui en toute circonstance il faisait ce qui lui paraissait le plus agréable, le plus commode, mais aussitót c'était imité par les snobs. S'il avait eu soif au théâtre et s'était fait apporter à boire dans le fond de sa loge, les petits salons qu' il y avait derrière chacune se remplissaient, la semaine suivante, de rafraichissements. Un été très pluvieux oû il avait un peu de rhumatisme, il s'était commandé un pardessus d'une vigogne souple mais chaude qui ne sert guère que pour faire des couvertures de voyage et dont il avait respecté les raies bleues et orange. Les grands tailleurs se virent commander aussitôt par leurs clients des pardessus bleus et frangés, à longs poils. Si pour une raison quelconque il désirait ôter tout caractère de solennité à un diner dans un château où il passait une journée, et pour marquer cette nuance n'avait pas apporté d'habit et s'était mis à table avec le veston de l'après-midi, la mode devenait de diner à la campagne en veston. Que pour manger un gâteau il se servît, au lieu de sa cuiller, d'une fourchette ou d'un couvert de son invention commandé par lui à un orfèvre, ou de ses doigts, il n'était plus permis de faire autrement. Il avait eu envie de réentendre certains quatuors de Beethoven (car avec toutes ses idées saugrenues il est loin d'être bête, et est fort doué) et avait fait venir des artistes pour les jouer chaque semaine, pour lui et quelques amis. La grande élégance fut cette année-là de donner des réunions peu nombreuses où on entendait de la musique de chambre.
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Pour quelques feux d'artifice agréablement tirés par un écrivain, on crie tout de suite au chef-d'œuvre. Les chefs-d'œuvre ne sont pas si fréquents que cela ! Bergotte n'a pas à son actif, dans son bagage si je puis dire, un roman d'une envolée un peu haute, un de ces livres qu'on place dans le bon coin de sa bibliothèque. Je n'en vois pas un seul dans son œuvre. Il n'empêche que chez lui l'œuvre est infiniment supérieure à l'auteur.

Ah ! voilà quelqu'un qui donne raison à l'homme d'esprit qui prétendait qu'on ne doit connaître les écrivains que par leurs livres. Impossible de voir un individu qui réponde moins aux siens, plus prétentieux, plus solennel, moins homme de bonne compagnie. Vulgaire par moments, parlant à d'autres comme un livre, et même pas comme un livre de lui, mais comme un livre ennuyeux, ce qu'au moins ne sont pas les siens, tel est ce Bergotte. C'est un esprit des plus confus, alambiqué, ce que nos pères appelaient un diseur de phébus et qui rend encore plus déplaisantes, par sa façon de les énoncer, les choses qu'il dit.

Je ne sais si c'est Loménie ou Sainte-Beuve qui raconte que Vigny rebutait par le même travers. Mais Bergotte n’a jamais écrit Cinq-Mars, ni Le Cachet rouge, où certaines pages sont de véritables morceaux d'anthologie.
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« II n'y a pas d'homme si sage qu'il soit, me dit-il, qui n'ait à telle époque de sa jeunesse prononcé des paroles, ou même mené une vie, dont le souvenir ne lui soit désagréable et qu'il souhaiterait être aboli. Mais il ne doit pas absolument le regretter, parce qu'il ne peut être assuré d'être devenu un sage, dans la mesure où cela est possible, que s'il a passé par toutes les incarnations ndicules ou odieuses qui doivent précéder cette dernière incarnation-là. Je sais qu'il y a des jeunes gens, fils et petit-fils d'hommes distingués, à qui leurs précepteurs ont enseigné la noblesse de l'esprit et l'élégance morale dès le collège. Ils n'ont peut-être rien à retrancher de leur vie, ils pourraient publier et signer tout ce qu'ils ont dit, mais ce sont de pauvres esprits, descendants sans force de doctrmaires, et de qui la sagesse est négative et stérile. On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner, car elle est un point de vue sur les choses. Les vies que vous admirez, les attitudes que vous trouvez nobles n'ont pas été disposées par le père de famille ou par le précepteur, elles ont été précédées de débuts bien différents, ayant été influencées par ce qui régnait autour d'elles de mal ou de banalité. Elles représentent un combat et une victoire. Je comprends que l'image de ce que nous avons été dans une période première ne soit plus reconnaissable et soit en tous cas déplaisante. Elle ne doit pas être reniée pourtant, car elle est un témoignage que nous avons vraiment vécu, que c'est selon les lois de la vie et de l’esprit que nous avons, des éléments communs de la vie, de la vie des ateliers, des coteries artistiques s'il s'agit d'un peintre, extrait quelque chose qui les dépasse. »
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Il était le fils d'un très riche industriel qui devait jouer un rôle assez important dans l’organisation de la prochaine Exposition universelle. Je fus frappé à quel point chez ce jeune homme et les autres très rares amis masculins de ces jeunes filles, la connaissance de tout ce qui était vêtements, manière de les porter, cigares, boissons anglaises, chevaux - et qu'il possédait jusque dans ses moindres détails avec une infaillibilité orgueilleuse qui atteignait à la silencieuse modestie du savant - s'était développée isolément sans être accompagnée de la moindre culture intellectuelle. II n'avait aucune hesitation sur l’opportunité du smoking ou du pyjama, mais ne se doutait pas du cas où on peut ou non employer tel mot, même des règles les plus simples du français. Cette disparité entre les deux cultures devait être la même chez son père, président du Syndicat des propriétaires de Balbec, car dans une lettre ouverte aux électeurs qu'il venait de faire afficher sur tous les murs il disait : « J’ai voulu voir le maire pour lui en causer, il n’a pas voulu écouter mes justes griefs. »
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Si je vous dit : « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust ? Oui, je sais, ça intimide… on se dit : « Oh, pas pour moi ». Sauf si on frappe à la bonne porte… Par où commencer ?
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