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Critique de marjojo95


Je crois pouvoir dire sans trop m'avancer que personne n'écrira jamais aussi bien que Proust. C'est complètement fascinant : cette maîtrise du langage, cette haute voltige de la grammaire… L'écriture de Proust, que j'ai lue par ailleurs dans une édition parfaite sans la moindre coquille et sans la moindre faute (un exploit, sur 2400 pages !), me fait souvent penser à la toile d'un très grand peintre, ou à un morceau d'un très grand musicien : extrêmement virtuose. Proust commence en équilibriste des phrases interminables dont on finit, nous lecteur, par oublier le début, et il la conclut un demi-paragraphe plus loin sans la moindre virgule ratée. Tout comme on ne saurait peut-être plus aujourd'hui composer comme Mozart, je doute qu'on sache encore aujourd'hui écrire comme Proust. le lire me laisse toujours ensuite l'impression que le langage s'est incroyablement appauvri depuis lui, que la langue française s'est littéralement vidée de sa substance pour devenir ce parler ultra-fonctionnel et sans la moindre poésie qu'elle est aujourd'hui. Je trouve que Proust est l'anti-Céline : là où Céline magnifie un langage populaire qui charrie des émotions brutes, les mots de Proust sont à l'image de ce qu'il décrit : retenus, maladivement discrets, pleins de circonvolutions et de pudeurs, d'élégance aussi. Une élégance surannée, comme celle de cette aristocratie aveugle qui ne voit pas venir ce déclin qu'il décrit implicitement. J'adore Proust pour la poésie douceâtre, pour l'élégance moribonde de ce monde-là, qui s'accroche à ses us et coutumes centenaires pour ne pas faire face aux changements rapides du monde qui les entoure – ce que symbolise leur approche réductrice, mondaine de l'Affaire : on est dreyfusard ou non pour des raisons de paraître… C'est fascinant. J'adore Proust pour son élitisme et son côté réactionnaire, qui ne sont rien d'autre que pure nostalgie d'un âge élégant, qui n'a d'ailleurs probablement jamais existé, où les noms étaient poésie, où certains êtres vivaient détachés des contingences de l'humanité, dans le monde de l'esprit… Proust montre ça de façon géniale, quand son double-narrateur s'introduit dans les cercles fermés qu'il a tant mythifiés, pour se rendre compte qu'ils abritent les mêmes humains décevants et prosaïques que partout… Personne n'a mieux écrit cette petite musique lancinante d'un monde en déclin, en décomposition, face au modernisme inévitable et si peu élégant… C'est sublime.
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