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Nathalie Mauriac (Autre)Jean-Yves Tadié (Autre)
EAN : 9782072931710
384 pages
Gallimard (18/03/2021)
4.38/5   21 notes
Résumé :
Graal proustien, les « soixante-quinze feuillets » de très grand format étaient devenus légendaires. La seule trace qui en existait était l’allusion qu’y faisait Bernard de Fallois, en 1954, dans la préface du Contre Sainte-Beuve. En 1962, ils n’avaient pas rejoint la Bibliothèque nationale avec le reste des manuscrits de l’auteur de Swann. Leur réapparition en 2018 à la mort de Bernard de Fallois, après plus d’un demi-siècle de vaines recherches, est un coup de ton... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ces « soixante-quinze feuillets » ont été découverts au domicile de Bernard de Fallois, rangés dans une chemise cartonnée, répartis en cinq ensembles intitulées par ce dernier « Soirées de Combray », « le côté de Villebon », « Les Jeunes Filles », « Noms nobles » et « Venise », titres partiellement conservé pour le livre publié. Rédigés de 1907 à 1908, ils constituent un témoignage étonnant de la genèse d'une oeuvre : celle de « La recherche ». L'original est maintenant à la BNF, après avoir été pieusement conservé par M. de Fallois.
On retrouve bien sûr la musique, les phrases sans fin, les ratures du travailleur des mots qui écrit vite...
C'est une plongée vivifiante, même pour un non spécialiste.
D'autres manuscrits sont adjoints, études de « Jean Santeuil » ou préface au « Contre Sainte-Beuve ». L'intéressant est dans la compréhension du mystère qui entoure la création et l'approche par tâtonnement qui dévoile le cheminement parfois hasardeux de l'auteur. Difficile de retrouver quelle étude correspond à tel passage, malgré l'intimité qu'entretenait M. de Fallois avec l'oeuvre de M. Proust.
J'imagine que les admirateurs de Proust, et aussi de M. de Fallois (je crois en deviner au moins un sur ce site) ne manqueront pas de se procurer ce livre à défaut de l'original.
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Les fameux 75 feuillets disparus -en réalité 86- rassemblés dans un livre de 384 pages dont plus de la moitié consiste en « notices chronologie et notes ». Une préface du grand et merveilleux Jean-Yves Tadié certes, occupant deux petites pages et 1/2… Et un bandeau de l'éditeur: «  Ici commence À la Recherche du Temps Perdu »
Bien. A moins d'être exégète, chercheur thésard ou doctorant, universitaire et éminent spécialiste de la genèse d'une oeuvre, nulle urgence -à mes yeux- à s'embarquer dans ce livre de 21€, il serait même méchant de penser qu'une volonté mercantile ai pu animer le grand éditeur Gallimard lui-même, tant vilipendé pourtant par Louis Ferdinand Céline, il est vrai à l'époque de Gaston. Alors oui ou non?
Pour les lecteurs de la Recherche ils y trouveront avec nostalgie une ébauche, une esquisse, une hésitation, et une grande émotion peut-être devant ce qui préfigure la grande aventure de l'oeuvre finale. Ils y reconnaîtront dans un frisson la petite phrase comme dans la sonate de Vinteuil. Pour les futurs lecteurs de la Recherche, pas de temps perdu -humour- avec un ersatz ou un succédané, il faut attaquer l'oeuvre unique et définitive, l'heure de la recherche -humour bis- viendra ou ne viendra pas!
Et puis allez, je préfère relire du Côté de Chez Swann, Combray, Longtemps je me suis couché de bonne heure… Avec Babelio et mon smartphone, je commence à vivre la nuit, comme lui iiiiiiiiiii!
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Marcel Proust (1871-1922), écrivain français auteur de traductions, d'essais et de récits domine l'histoire du roman français au XXe siècle avec A la recherche du temps perdu.
C'est en 1907 que Marcel Proust commence l'écriture de son grand oeuvre A la recherche du temps perdu dont les sept tomes sont publiés entre 1913 et 1927, c'est-à-dire en partie après sa mort. Les Soixante-quinze feuillets, livre qui parait aujourd'hui issu des archives de l'éditeur Bernard de Fallois (1926-2018) présente la plus ancienne version de la Recherche. Cet ouvrage est pour les admirateurs de l'écrivain ce que les outtakes sont pour les amateurs de rock, ces titres inédits ou en cours d'élaboration qu'on trouvait autrefois sur les disques pirates et maintenant en bonus sur les rééditions des CD des albums mythiques.
Concrètement que contient exactement ce livre ? Grosso modo les cents premières pages correspondent à l'ébauche de la Recherche, puis quatre-vingt-dix pages de textes épars et cent-soixante-quinze pages de notice, chronologie et notes. Ce livre peut être lu de deux manières différentes, si vous êtes calé et très connaisseur de l'oeuvre, vous pourrez comparer les premiers écrits avec la version finale et en savourer les modifications apportées – il y a là beaucoup à dire et à faire ; soit, vous êtes seulement amateur de Proust, comme moi, et vous retrouverez dans ces feuillets ce qui fait son charme, le rythme apaisant de son écriture, les phrases proustiennes typiques (« … arrivé devant le bleu Grand Canal, sur lequel le regard s'appuyait, se reposait, se ravissait, s'enchantait, comme une joue encore amollie du sommeil récent se repose, s'appuie, s'enchante sur un oreiller moelleux, on arrivait à la porte à trois marches de l'hôtel dont les deux premières étaient tour à tour cachées par l'eau ou ruisselantes… »), bref sa petite musique.
Alors que vous dire de ces inédits, si ce n'est que les fans de Proust vont se réjouir, du jamais lu en pagaille ce n'est pas rien ! D'autant qu'on y retrouve nos scènes favorites écrites autrement comme « le baiser du soir à maman » (dans trois versions différentes), l'épisode de « la madeleine » ou les promenades vers Méséglise et Guermantes…
Outre les « feuillets » qui sont une merveille, les autres textes, très courts, reflètent moins bien la musique évoquée plus haut : ici ont été conservés pour l'édition, les ratures de l'écrivain, ou bien des mots manquent… cela reste néanmoins très lisible et d'un grand intérêt littéraire mais avec moins de charme. Enfin, parce qu'il n'est pas interdit de rire même quand on évoque le Grand Ecrivain, je ne peux résister à vous citer cette phrase : « Elles savaient, enfoncé dans leur attention, et leur mémoire par les traits mêmes peut-être du ridicule, ce que je voulais qu'elles sussent. »
Voilà tout ce que je peux vous dire de ce livre. le reste est du domaine de l'analyse comparative et des commentaires détaillés fournis en fin d'ouvrage.
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"Car il est vraiment des choses qui ne doivent point nous être montrées. Et à voir que toute ma vie s'épuise à essayer de voir ces choses, je pense que là est peut-être le secret caché de la Vie." (feuillet 39)

Il serait présomptueux de ma part d'avancer que j'ai goûté à sa juste mesure cet ouvrage sorti des limbes : il s'adresse avant tout aux exégètes de ce texte sacré (La Recherche) et autres proustologues avisés. Cependant, sa lecture en est exaltante malgré l'état d'ébauche et le sentiment d'incomplétude inhérents à ces fragments rassemblés, malgré l'aridité d'un appareil critique particulièrement minutieux.

Déchiffrer ces incunables proustiens c'est assister à l'exploration radiographique d'une toile de maître, en ôter les repeints, y retrouver les épures liminaires du génie ; c'est retrouver sur une robe de Fortuny, le piquetage d'une craie de tailleur, en défroisser le séculaire patron en papier de soie ; c'est découvrir sous les fondations d'une cathédrale, les reliques d'un culte oublié...

En 1908, Proust ébauche dans ces précieux feuillets l'oeuvre d'une vie. Il ne s'est pas encore affranchi d'éléments biographiques par trop patents aussi y affleurent encore les ombres des bien-aimés : Jeanne sa mère vénérée, Robert le jeune frère jalousé, une grand-mère excentrique, un oncle libertin... Tout est déjà là, en place, le romancier en démiurge méticuleux ne fait que rassembler les pièces éparses de son titanique poème. La mémoire involontaire, les arbres d'Hudimesnil, les aubépines, le baiser vespéral, les jeunes filles en fleur, Balbec, Venise, les esquisses d'Albertine, de Swann ou des Guermantes, la rousseur de Gilberte... tout ou presque vous dis-je.

Dans le chapitre "Séjour au bord de la mer", nous entrons de plain-pied dans le laboratoire de l'écrivain avec ses expansions, ses remords, ses redites. D'une version à l'autre, les reprises d'une même expression permettent des phrases dilatées, d'autres réfractées, le vocabulaire se diapre d'ombres ou de lumières, les mots sont sacrifiés pour mieux être adoubés. le lecteur est bouleversé par l'inaltérable constance d'un Proust bâtisseur.

Retrouver à différents stades de développement la poétique proustienne à travers l'épisode des carafes de la Vivonne -dont l'étude de Philippe Lejeune m'avait durablement marqué*- est particulièrement émouvant. On passe, dans le merveilleux chapitre intitulé "Le côté de Villebon et le côté de Méséglise" d'une simple mémoration visuelle ("c'était un filet d'eau dormante (...) où un gamin était toujours en train de plonger une carafe qui se remplissait au soleil de têtards et de vairons, entre les nénuphars et les boutons d'or de la rive."), à une amnésie consentie ("parfois des gamins mettaient des carafes dans la rivière pour (...) prendre (les têtards)") puis à une ampliation allégorique ("à l'endroit où des gamins plaçaient toujours des carafes dans la rivière, plus fraîches à voir ainsi étinceler entre l'eau qui les emplissait et l'eau qui les entourait que sur une table servie, et où se prendraient beaucoup de ces vairons et têtards que çà et là dans la rivière, nous nous amusions à voir brusquement s'agglomérer comme si l'eau enfin sursaturée les avait contenus jusque-là en dissolution, puis se disperses tout d'un coup."). du souvenir larvaire à la nymphe lumineuse du texte définitif**, une mue géniale s'accomplit sous nos yeux.

Un recueil séminal.

"Enfin s'éleva un jet d'opale, par élans successifs [...]."


* Recherche de Proust, Editions du Seuil, 1980.

** "Je m'amusais à regarder les carafes que les gamins mettaient dans la Vivonne pour prendre les petits poissons, et qui, remplies par la rivière, où elles sont à leur tour encloses, à la fois « contenant » aux flancs transparents comme une eau durcie, et « contenu » plongé dans un plus grand contenant de cristal liquide et courant, évoquaient l'image de la fraîcheur d'une façon plus délicieuse et plus irritante qu'elles n'eussent fait sur une table servie, en ne la montrant qu'en fuite dans cette allitération perpétuelle entre l'eau sans consistance où les mains ne pouvaient la capter et le verre sans fluidité où le palais ne pourrait en jouir." (Du côté de chez Swann, 1913)



Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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« Les soixante-quinze feuillets » constitue ce qu'on pourrait appeler le chaînon manquant de « À la recherche du temps perdu ».

Entre 1899, date de l'abandon définitif du roman « Jean Santeuil », et fin 1907, début 1908, date de la rédaction de ces feuillets, Marcel Proust a produit des traductions de Ruskin, des critiques littéraires ou artistiques et des chroniques mondaines dans Le Figaro, ainsi que des articles plus consistants, mais rien qui relève à proprement parler du roman.

« Les soixante-quinze feuillets » nous sont préparés et présentés par Nathalie Mauriac Dyer de façon à en rendre la lecture plus fluide et plus accessible.

C'est parfaitement réussi et toute l'érudition de NMD sert à merveille le plaisir de l'amateur éclairé mais non spécialiste ; et l'émotion est d'autant plus vive à la lecture de la profonde tristesse d'un petit Marcel à Neuilly, que sa maman ne vient pas embrasser au moment de son coucher, que l'on sait comment ce petit garçon deviendra le narrateur sans âge du monument littéraire qu'est « À la recherche du temps perdu ».

Comment la narration d'une expérience personnelle douloureuse dépasse le stade de la complaisance, de la confession ou de la compassion, et devient roman, c'est ce que permet de comprendre l'ouvrage de NMD.

Comme le dit Jean-Yves Tadié dans la préface de ce livre « Un petit enfant pleure à Auteuil. Cette blessure à vif, la littérature la masquera progressivement(.....) Un petit enfant pleure à Combray, et il en sort un chef-d'oeuvre ».
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critiques presse (1)
NonFiction
18 octobre 2021
La publication d'inédits conservés par Bernard de Fallois est l'occasion de revenir sur les origines du chef-d'œuvre de Proust et la transposition fictionnelle de son entourage.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
On avait rentré les précieux fauteuils d'osier sous la vérandah (sic) car il commençait à tomber quelques gouttes de pluie et mes parents après avoir lutté une seconde sur les chaises de fer étaient revenus s'asseoir à l'abri. Mais ma grand-mère, ses cheveux grisonnants au vent, continuait sa promenade rapide et solitaire dans les allées parce qu'elle trouvait qu'on est à la campagne pour être à l'air et que c'est une pitié de ne pas en profiter. La tête levée, la bouche aspirant le vent qui soufflait et qui lui faisait dire qu'« enfin on respirait », elle accélérait sa marche, et paraissait ne pas sentir la pluie qui commençait à la transpercer ni les railleries de mon grand-oncle qui de la vérandah criait : « C'est agréable la pluie Adèle; c'est bon n'est-ce pas.
Ça fait du bien à ta robe neuve (ceci était pour tâcher de s'attirer lâchement l'alliance de mon grand-père qui se contenta de hocher la tête). C'est drôle tout de même qu'elle ne soit jamais comme tout le monde. » Il le disait parce qu'il le pensait. Mais il le disait aussi parce que comme elle n'était jamais comme lui, et que peut-être dans un fond de sa conscience qu'il ne s'avouait pas il n'était pas absolument sûr d'avoir toujours raison, il n'était pas fâché de mettre avec lui « tout le monde ». Comme le jardin n'était pas très grand, ma grand-mère n'était jamais très longtemps sans repasser près de nous. Dès que je la voyais déboucher de l'allée de traverse je commençais à trembler…
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Il est devenu normand comme ces beaux hortensias roses qu’on aperçoit d’Honfleur à Valognes et de Pont-l’Évêque à Saint-Vaast , comme un fard rapporté mais qui caractérise maintenant la campagne qu’il embellit, et qui mettent dans un manoir normand la couleur délicieuse, ancienne et fraîche d’une faïence chinoise, apportée de Pékin mais par Jacques Cartier .
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«  Le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant » ..
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Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages , mais à avoir de nouveaux yeux » .
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Aujourd’hui encore quand je pense qu’il y a des chemins où il y a de l’aubépine rose ils me paraissent faits d’une substance particulière analogue au rêve, il me semble si ma triste infirmité ne m’empêchait de m’y promener que j’y pénétrerais dans ma douzième année et que bien des choses qui me semblent de la couleur insignifiante de l’expérience redeviendraient pour moi belles, mystérieuses, analogues à cette réalité divine que nous touchions partout alors et que ne l’ayant jamais trouvée dans la vie nous essayons si péniblement plus tard, quand nous sommes artistes, de découvrir et d’élucider dans notre cerveau.
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