Les arabesques ambrées d'un bourbon lèchent les bords du verre épais de Mathis Quatrenfeux, ex-cadre fraîchement remercié. Dans le fond d'une boîte de jazz, alors que les notes de la chanson d'Eddy Mitchell n'ont jamais sonné aussi juste, "
il ne rentre pas ce soir". Mais vous connaissez la Loi de Murphy ? Quand vous pensez que tout va mal, alors vous venez d'appuyer sur le bouton qui entraîne la spirale. Mathis va en faire les frais, et ce roman nous propulse dans une machine à remonter dans le temps, pour tenter de comprendre quels facteurs favorables ont pu aboutir à une telle journée catastrophique : en tirant le fil du parcours du cadre, mais également du jeune homme à scooter qu'il vient de percuter, mettant un gros coup d'arrêt à un cheminement juteux. A ses périls, les risques étant totalement consommés.
Ce roman démarre au rythme de Mike Hammer, et dérape façon
Tarantino. Et au milieu ? Un pauvre type qui devient peu à peu super-héros malgré lui, grâce à un flegme implacable.
"Mathis ne rentre pas dans son jeu. L'autre veut attiser sa colere, lui faire perdre ses moyens. Il prend tous les risques pour renverser la situation. Comme dans toute négociation tendue, c'est souvent la plus calme des parties, la plus réfléchie qui l'emporte.
Reste à espérer que ça se passe comme dans une négo commerciale, pense Mathis.
Il arme à nouveau le flingue et lève le percuteur en visant la seconde jambe. Il est en mode automatique.
Quand tu joues avec des chiens enragés, tu ne leur apportes pas des croquettes.
- On va faire comme dans les films. Je questionne, tu réponds. Tu te tais, tu prends une balle. Hoche la tête si tu comprends.
L'autre se marre. Pour un peu, il desserrerait sa jambe pour applaudir. Pas de bol, il a besoin de ses mains.
-Tu penses vraiment avoir les épaules pour la jouer à la Scarface ? dit-il avec un air de défi ? Faut en avoir dans le calbute.
- Je vais répondre à ta question. Ou t'es pas cinéphile et ce n'est pas grave, ou t'es con et ça, c'est dommage pour toi. Permets-moi de te rafraichir la mémoire. À la fin, Pacino, il meurt ! Pour le reste, t'emballe pas, j'apprends vite. Depuis ce soir, j'ai de très bons profs.
Le motard fait la tronche. Celle-ci, il ne l'avait pas vu venir. le mec est devenu barjot ou alors il cachait bien son jeu. - Il n'y a plus que cinq dans le barillet. Crois-moi, on ne va pas perdre de temps. A chaque mauvaise réponse, je balance un pruneau et j'enlève un morceau. T'as quatre chances. La dernière, tu la sentiras passer. Qui est ce Boss ? demande-t-il, surpris par sa propre fermeté."
Ce roman est difficilement classable, tirant autant sur le polar que sur le roman noir. L'humour y est également grinçant, pour notre plus grand plaisir. le regard sur notre société est assez tranché, et les échos des derniers événements dans nos cités enflammées trouvent des reflets entre ces lignes.
L'air de la chanson d'Eddy Mitchell ne m'a pas lâchée une seconde pendant ma lecture, et le style de
Yannick Provost me colle au Jazz. Je note déjà ses autres romans !