LA MÉLANCOLIE
Je rêve ,et la pâle rosée
Dans les plaines perle sans bruit
Sur le duvet des fleurs posée
Par la main fraîche de la nuit.
D'où viennent ces tremblantes gouttes ?
Il ne pleut pas, le temps est clair.
C'est qu'avant de se former toutes,
Elles étaient déjà dans l'air.
D'où viennent mes pleurs?Tout est flamme
au ciel radieux
Rien n'est larme
au plafond des cieux.
C'est que je les avais dans l'âme
Avant de les sentir aux yeux,
Et cette tristesse où j'oublie
La cause et le nom des douleurs
O nuit, c'est la mélancolie
Dont tu sais faire aussi des pleurs.
Dans la langue véritable de l'amour, il n'y a qu'un sujet, la chose aimée, qu'un attribut,le charme de la chose aimée, c'est pourquoi la musique est le véritable et suffisant language du coeur, et nous sentons par la raison qu'en poésie c'est bien plus le mouvement de la phrase que les mots qui fait la sensibilité.
L'espoir donne du prix à la plus misérable vie,et comment perdre tout espoir en plein jour au milieu de ses pareils ?Quel boulet que l'espoir ! Sans lui les suicides abonderaient
L'espoir a la saveur de la chose espérée
Et l'âme a l'avant-goût d'un ciel tant qu'elle y croit.
L'espérance est une anticipation sur le bonheur désiré.
La vie,la mort; et le divin sommeil naquit de ce baiser.
Mardi 28 octobre 1862
Allons ! un peu de courage, il est minuit et demi.... écrivons : j'ai été fatigué toute la journée ; je n'en ai pas toute la responsabilité. J'essayais de ressaisir et d'accorder mes idées, impossible. Cependant la psychologie n'y a pas perdu ; éclair de vérité ; du rôle des instincts.J'ai bien senti qu'il ne faut pas chercher dans l'homme l'absolu liberté ; la volonté et l'instinct se combinent, il manque un mot pour exprimer ce mélange ; la volonté ne peut qu'adhérer à l'essence ; on veut, mais on ne veut que selon son essence (Spinoza, Descartes). Quand on creuse un sujet, on ne voit pas sur le champs toute la conquête qu'on a faite ; il semble qu'on ait rien trouvé de neuf ;mais quand plus tard on y songe,on reconnaît qu'on est allé loin.
Mardi 14 Juillet 1868
Il y a dans la beauté quelque chose d'impersonnel,on sent très bien qu'elle est un masque, qu'elle ne s'identifie pas nécessairement à la personne ; ce qu'on admire c'est elle et non la personne même ; aussi disons-nous que la beauté nous transporte,nous élève, qu'elle est divine. Les courtisanes le savent bien, c'est le plus souvent cette distinction qui fait leur force. Il ne leur est pas permis d'être médiocrement belles, il faut qu'on les oublie elles-mêmes.
Pourquoi payer vous cher un diamant ? Est à cause de son éclat ? Une goutte d'eau brille autant ; est-ce à cause de sa rareté ? 'Une feuille n'a pas sa pareille.
La délicatesse dans l'aumône est la grâce du bienfait.
La grâce a résolu le délicat problème
D'adoucir la misère en sauvant la fierté :
Comme un arceau de fleurs entre les cœurs jeté,
C'est la grâce du don qui fait sentir qu'on aime.
Un bon sens impitoyable effarouché les âmes expansives. Un sens élevé toujours empreint d'une extrême indulgence, voilà ce qui enchaîne le coeur.
Cherchons une pondération parfaite, l'axe d'or de Musset.
L’émission « Poètes oubliés, amis inconnus », par Philippe Soupault, diffusée le 31 janvier 1960 sur Paris Inter.