Citations sur La fille du bourreau (29)
"Que veux-tu que je fasse ? rétorqua la vieille femme en soufflant bruyamment. Je fais mes bagages. Je pars chez ma belle-fille à Peißenberg. Si cette série de meurtres continue, je préfère ne pas être dans les parages. Les gaillards du village vont mettre le feu à ma bicoque, peut-être qu'ils n'attendront même pas la Sainte-Walburge pour ça. S'il y a vraiment une sorcière qui sévit dans les environs, je ne voudrais pas qu'on croie que c'est moi. Et s'il n'y en a pas, il leur faudra bien trouver une coupable."
Elle regarda Magdalena en haussant les épaules.
"Et maintenant, sors d'ici en vitesse. Tu ferais mieux de t'éclipser toi aussi. En tant que fille de bourreau, tu es à leurs yeux aussi redoutable qu'une sorcière."
La charité doit s’arrêter quand les intérêts de la ville sont menacés.
Vous ne manquez pas d'air, vous les docteurs, si vous croyez que c'est dans vos universités glaciales qu'on se rapproche le mieux de la vérité. Mais on n'y trouve rien !
Comme toujours, Simon fut impressionné par le calme du bourreau. Comme tous les Kuisl, celui-ci parlait peu. Mais ce qu’il disait avait du poids.
Chapitre 2
Le bourreau se rendit à la prison fortifiée, en face,et se fit ouvrir par les gardes municipaux. Martha Stechlin était étendue sur la paille humide et ses propres excréments, endormie. Sa respiration était régulière, la bosse sur son front avait presque entièrement désenflé. Jakob Kuisl se pencha sur elle et lui caressa la joue. Un sourire passa sur son visage. Il se rappelait l'aide que cette femme lui avait apportée à la naissance de ses enfants. Il se souvenait du sang, des cris et des pleurs.
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En ce moment, tous ceux qui sentaient que leur fin était proche et qui voulaient s'assurer un repos éternel, juste à côté des remparts, léguaient au moins une partie de leur fortune à l'Eglise. On voyait par ailleurs des donations de crucifix précieux, d'images de saints, de porcs et de bovins, et aussi de terrains.
La recherche de marques était une méthode fréquente de la chasse aux sorcières. Si des grains de beauté ou des taches de vin d'une forme étrange étaient trouvés sur le corps de la suspecte, cela était interprété comme un signe du diable. Souvent, le bourreau procédait alors à l'épreuve de l'aiguille, au cours de laquelle il piquait la supposée sorcière dans la tache suspecte. Si le sang ne perlait pas, la preuve de sa sorcellerie était faite. Kuisl savait que son grand-père avait connu des moyens pour empêcher les saignements lors de la piqûre. De cette façon, le procès se terminait plus vite, et le bourreau encaissait son salaire plus tôt. ..
Martha Stechlin était la première sage-femme officiellement employée par la ville. Depuis toujours, ces femmes, proches des mystères féminins, étaient suspectes aux yeux des hommes . Elles connaissaient des potions et des herbes, elles touchaient les femmes à des endroits indécents et elles savaient aussi comment faire disparaître le fruit du ventre, ce cadeau de Dieu. Beaucoup de sages-femmes avaient déjà fini comme sorcières sur les bûchers allumés par des hommes.
C’était une femme à l’esprit pratique, qui pensait et agissait avec rectitude. Elle n’avait pas beaucoup d’empathie pour les rêveries de sa fille. Elle trouvait d’ailleurs inutile que le père ait appris à lire à sa fille. Une femme qui fourrait son nez dans les livres était regardée de travers par les hommes. Si, par-dessus le marché, il s’agissait de la fille du bourreau, il n’y avait qu’un pas pour la conduire au masque d’infamie et au pilori.
Et puis, il y avait les livres. Sur la table, à côté de la loupe, se trouvait justement un exemplaire déjà bien usé de l’ouvrage du jésuite Athanase Kircher qui traitait des minuscules vers dans le sang. Ce moine avait travaillé avec un objet appelé « microscope » qui permettait sans doute d’agrandir nettement plus que la loupe de Jakob Kuisl.
Chapitre 4