« Je quitte la maison sans attendre le coq. À cinq heures quinze, je claque le portail après une dernière caresse au chien et monte dans la voiture aux côtés de ma femme. À cette heure indue, j'aurais pu aussi me tromper et claquer ma femme, caresser le portail et partir avec mon chien. Heureusement, il n'en est rien.
Ma femme, courageuse et aimante, me laisse à l'arrêt de bus puis s'en retourne se coucher. J'attends la navette pour l'aéroport. Malgré juin, il fait froid, mais je ne houspille pas le soleil d'être resté dans ses draps. J'aime commencer les voyages magnanime. Le bus est bondé, ce qui me surprend mais me confirme l'existence de mondes parallèles. Il se passe décidément des choses dans mon dos, me dis-je, en observant la tête de ces passagers qui semblent pour la plupart des habitués. J'abandonne ces braves au Terminal 1 et me déleste de ma valise au comptoir d'enregistrement où comme souvent je recueille le sourire parfait de l'hôtesse à mes blagues légères. Je reste un homme du peuple ; je passe la douane le cœur pincé et me précipite au Duty free pour admirer les merveilles de l'internationalisation. Comme j'ai cessé de fumer, je flâne dans les rayons parfumerie et accessoires de voyage. J'achète de l'eau de toilette pour exhiber fièrement ma carte d'embarquement. La vendeuse lit "Londres", mais je lui précise que je me rends à New York. Tout de même ! Elle me répond que cela ne change pas le prix de parfum. Sa répartie me blesse un peu. Comment ose-t-elle parler de TVA alors que je lui offre mon émerveillement à traverser deux mers puis un océan ?