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EAN : 9782348067778
160 pages
La Découverte (18/08/2022)
4.4/5   26 notes
Résumé :

Dès l'instant où je suis née, j'ai porté sur moi les marques évidentes du handicap. Ma relégation aux marges de la société s'est alors installée irrémédiablement et il semblait naturel que mon existence se déroule en bas de la hiérarchie des vies humaines. Mais ce destin tragique n'a rien de naturel : il est écrit par une société qui érige des normes à coups de mesures légales et d'examens médicaux et exclut certains corps, certaines vies. Aller à l'école, t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
De chair et de fer est un essai essentiel, à lire et à partager sans modération. Mêlant témoignage et réflexion politique, il est écrit dans une langue fluide et vive, qui le rendent aussi agréable qu'informatif. Les notions clefs de la lutte pour les droits des personnes handicapées y sont soit explicitées, soit rendues évidentes par le récit de ses expériences que fait Charlotte Puiseux.

Cet essai aborde aussi bien d'une part sa vie personnelle voire intime, avec le récit de ses parcours scolaire et professionnel depuis l'enfance, de quelques rencontres amicales et amoureuses et de son accès à la parentalité, et d'autre part sa vie et sa réflexion politiques, avec son engagement militant au sein de partis ou de groupes luttant pour le respect des droits des personnes handicapées. Donner une part égale et parler ensemble du personnel et du politique permet ici de montrer concrètement à quels obstacles fait face une femme handicapée en France aujourd'hui, dans tous les aspects de sa vie. Inaccessibilité des bâtiments et des transports en communs, absence de formation adéquate des professionnel·les de santé, méconnaissance des besoins et problématiques spécifiques y compris dans les milieux luttant pourtant contre d'autres formes de discriminations, sont autant d'obstacles, entre autres, qui sont pointés comme le fruit d'un réel désengagement des institutions politiques. Les personnes handicapées sont encore souvent considérées à l'aune de leurs capacités et renvoyées à leur responsabilité individuelle pour obtenir les aides dont elles peuvent avoir besoin – ce qui place beaucoup d'entre elles dans une situation de grande précarité. Charlotte Puiseux dénonce ainsi l'inaction et les défaillances de l'État français, aussi signalées par un rapport de l'ONU en 2021, et critique aussi la vacuité de grands évènements promotionnels comme le Téléthon.

Tout au long de l'essai, et notamment dans une parenthèse faite sur le traitement des personnes handicapé·es depuis le début de la pandémie de COVID-19, ce qui ressort c'est la nécessité de revoir le regard que l'on pose sur elles. La charge négative qu'on prête à la notion de handicap et le prisme misérabiliste sous lequel on considère les vies des personnes handies sont le résultat d'une société profondément normée et hiérarchisée. Les corps sont jaugés à l'aune de leurs capacités physiques et de leur productivité au travail. Cette vision capitaliste déjà critiquable induit une hiérarchisation des corps, mais aussi des vies.
Là où un système validiste et capacitiste ne voit que des corps diminués et inaptes, de chair et de fer, avec colère et joie féroce, affirme la beauté des corps marginalisés et le droit de toustes à vivre une vie pleine et entière. C'est un essai important, dans lequel on sent toute la vitalité, la force et la légitimité des luttes pour une société plus juste. Insistant sur l'importance d'une approche intersectionnelle, il appelle à considérer les individus dans leur singularité et la singularité de leurs parcours et besoins, et à garantir leur place à toustes.
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Il est des livres et des ouvrages qui se suffisent à eux-mêmes. Qui disent tout d'une réflexion, posent les bonnes questions, énoncent les bonnes réponses, déclinent les bonnes réflexions et ce de façon claire et avec une grande lucidité.
Le livre de Charlotte Puiseux est un de ceux là.
Autobiographique, le récit et le vécu de l'autrice permettent une réflexion globale sur le sujet du handicap en France. Selon les différentes étapes de la vie de Charlotte Puiseux, l'on assiste à des analyses pointues des problématiques rencontrées et des déterminismes qui engendrent un système inepte, validiste, psychophobe, misogyne, patriarcal et mû par un capitalisme destructeur.
Même si l'on sait, même si l'on connaît ces sujets, on apprend ; même si on les vit, on est émus, et nul ne peut être insensible à l'acuité dont fait preuve Charlotte Puiseux dans cet ouvrage.
Il est rare de rencontrer au sein d'un même essai une réussite intellectuelle et émotionnelle sur un sujet grave et, en même temps, de rencontrer une personnalité forte et attachante.
On dit que notre pays manque d'esprits intellectuels et de personnes capables de penser la société, ses problèmes et les solutions possibles. En voici une, dont l'ouvrage devrait être enseigné au lycée, proposé aux militants d'associations et de partis, soumis aux divers gouvernements et élus qui se succèdent. Car ce livre permet une prise de conscience et offre les moyens de changer les choses. Que vous soyez citoyennes ou citoyens, personnes concernées, profs, AESH, association, cadre politique, élu, ou que sais je encore, lisez ce livre car il est une porte qui permet d'interroger profondément le système et ses injustices sous ses multiples formes.
Merci Charlotte Puiseux.
PS : et merci d'avoir écrit cet ouvrage entièrement au féminin. C'est un symbole (mais pas que) fort et loin d'être déplaisant.
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J'ai retrouvé chez Charlotte Puiseux une perception de la personne handicapée très proche de la mienne et je crois que je la dois à une maman d'enfant myopathe que j'ai intégré il y a déjà de lon.........gues années et qui m'avait confié : "surtout considérez le comme les autres enfants"
Je n'ai donc eu aucune peine à comprendre la position de cette autrice qui plaide pour une vraie place dans la société. Cette société qui " érige des normes à coups de mesures légales et d'examens médicaux et exclut certains corps, certaines vies"
Une réflexion intéressante, même si familles et enfants ( et adultes) handicapés ont besoin de soutien , soutien qui n'est ni de l'assistanat ni la mise en place de structures pénalisantes parce que trop marginales.
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Une analyse creusée et engagée sur le validisme, un sujet trop peu abordé dans notre société. Charlotte Puisieux analyse la place assignée aux personnes en situation de handicap, définie en fonction de l'opposition avec les personnes valides. Cette place par défaut est à l'origine de nombreuses injustices, illustrées par des situations vécues.
Charlotte Puisieux a un propos tranché et tranchant. Sur certains aspects, j'aurais aimé en débattre avec elle (j'ai par exemple l'impression que les arguments et exemples s'appliquaient bien aux situations d'handicap moteur mais pas toujours pour des situations d'handicaps psychiques).
Elle participe également à l'épisode "Handicap et féminisme" de la série "Un podcast à soi" d'Arte, qui reprend les thématiques de de Chair et de fer. Là aussi, de très nombreux éclairages sur une thématique trop invisibilisée. J'entends la critiques des institutions médico-sociales autour du handicap mais cela pourrait faire l'objet d'échanges croisés très riches.
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Un témoignage puissante et informatif. Charlotte Puiseux nous raconte son expérience dans un monde impitoyablement validiste et l'histoire de ses engagements. Ce récit déborde de rage mais aussi d'espoir, l'espoir qu'un jour ce monde sera vraiment un endroit où chacun pourra s'épanouir selon ses envies et besoins. J'ai découvert plein de luttes dont j'ignorais l'existence (notamment le mouvement crip), ça m'a donné envie de creuser davantage le sujet.
À mettre dans toutes les mains !
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critiques presse (1)
LesInrocks
15 septembre 2022
Dans son premier essai autobiographique, l’autrice Charlotte Puiseux raconte sa progressive politisation et précise l’enjeu sociopolitique du handicap.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
À un peu plus de dix ans, j’étais encore loin d’avoir saisi les concepts d’inspiration porn ou même de validisme bienveillant (je n’en avais même jamais entendu parler…), mais aujourd’hui je sais que c’était bien de cela dont il était question. Je comprends maintenant qu’il s’agissait de mettre en avant, à travers mon histoire, une certaine image des personnes handicapées qui s’inscrit dans la logique même du validisme. On ne parle pas ici de validisme assumé, de haine ouverte envers les personnes handicapées, mais d’un validisme souterrain bien plus sournois dont les individus qui le véhiculent n’ont pas conscience. L’inspiration porn, théorisée en 2012 par la militante handicapée australienne Stella Young, soutient l’idée selon laquelle les personnes handicapées sont utilisées par les valides comme des sources d’inspiration, y compris dans les plus petits événements de la vie quotidienne. Prêter des qualités extraordinaires aux personnes handicapées uniquement du fait de leur handicap (ces qualités seraient banalisées chez une personne valide) contribue à les déshumaniser. C’est un validisme prétendument bienveillant, au sens où il se présente comme un intérêt à l’égard des personnes handicapées, voire un amour pour ces personnes frappées par un destin tragique. Nous sommes en plein dans la rhétorique caritative qui inonde les esprits lorsqu’on parle de handicap (le Téléthon en est un parfait exemple), et sur laquelle je reviendrai plus tard dans ce livre. Mais quelles sont les conséquences de cette perception ? C’est qu’elle exclut encore et toujours les personnes handicapées du commun des mortelles ; elles ne sont pas considérées à égalité avec les valides, qu’elles soient dénigrées et infériorisées ou présentées comme des super-héroïnes… Ces arguments justifient d’un côté les discriminations qu’elles subissent et, de l’autre, alimentent l’idée qu’il est possible, à force de volonté, de se rapprocher de la validité et d’être moins handicapée. C’est ce message qui circule dans la glorification des exploits réalisés par certaines personnes handicapées (dans les domaines sportif, économique ou social), qui n’est qu’une exaltation des normes validistes et une injonction plus ou moins cachée adressées à toutes les autres personnes handicapées. La logique est que si certaines y sont arrivé, toutes peuvent le faire, et si d’autres n’y arrivent pas, c’est qu’elles ne le veulent pas vraiment. La réussite des personnes handicapées serait ainsi une affaire de volonté et ne serait absolument pas conditionnée par des réalités sociales, l’inaccessibilité des lieux, des discriminations structurelles, un système validiste en somme !
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Les instituts médico-éducatifs (IME), les maisons d’accueil spécialisées (MAS) et autres foyers de vie sont reconnus d’utilité publique pour accueillir ces enfants dont il semble naturellement admis que leur place n’est certainement pas parmi les autres, les valides, les « normales ». Ces établissements, qui trouvent souvent leur origine dans des fondations caritatives créées par des familles bourgeoises concernées par le handicap, s’inscrivent dans le cadre juridique de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées de 1975. Ils allient soins médicaux, éducation spécialisée, enseignements adaptés, en externat ou internat. Ces enfants se voient alors rejetées du cadre ordinaire prétendument pour leur bien, elles qui n’ont pas les capacités de s’intégrer aux normes de la validité, qui défigurent l’espace commun. Éloignées, mises de côté dans un monde parallèle, ces enfants vivent, étudient, socialisent, travaillent en vase clos. Leur vie est dessinée en fonction de critères validistes. Ces établissements, toujours dirigés par des personnes valides, se présentent comme des lieux protecteurs pour des individus auxquelles on a, en fait, retiré toute possibilité d’émancipation.
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J’écris sur le système d’oppression qui touche l’ensemble des personnes handicapées, qu’elles aient un handicap physique, psychique, sensoriel, cognitif, mental. J’écris sur le fait de ne pas correspondre aux normes médicales et sociales établissant les termes de la validité, sur sa production en tant que décision politique et émanant de rapports de domination. Qui a décidé que marcher, voir, entendre, utiliser le langage oral, percevoir la réalité d’une certaine façon… étaient des conditions pour qu’une vie soit jugée digne d’être vécue ? Et pour quelles raisons ? J’écris sur l’idéologie qui dicte que ces êtres humains classés dans la catégorie « handicapé » ont moins de valeur que les autres et sont considérés comme naturellement inférieurs. J’écris sur l’étendue de cette idéologie qui se déploie dans toutes les sphères de la société, parfois avec une extrême violence, souvent de manière insidieuse à travers les plus infimes gestes et attitudes des personnes valides, des détails qui s’incrustent en nous, personnes handicapées, et que nous intériorisons. J’écris sur les discriminations que nous subissons. J’écris sur le validisme.
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Le capitalisme étant fondé sur l’exploitation de la force de travail, la compétitivité, l’endurance à l’effort de production, la flexibilité, il exclut d’emblée les corps handicapés de ce qui est valorisé et valorisable. Le capitalisme apparaît comme incompatible avec les corps handicapés ; il ne l’est pas avec le corps humain en général. C’est pour cette raison que ce régime politique est considéré comme l’une des principales causes de handicap, notamment dans les populations les plus pauvres, très souvent racisées. Face aux dégâts de l’industrialisation qui a accru considérablement les accidents du travail et du capitalisme, les personnes handicapées révèlent la nécessité criante d’adapter le travail aux individus et non l’inverse. Chaque individu, avec un handicap ou non, devrait ainsi pouvoir définir son rythme de travail et ce qui lui convient. Les personnes handicapées pourraient alors retrouver un véritable statut au sein de la société, que ce soit par un travail salarié ou comme productrices de contenus intellectuels et culturel en tout genre.
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D’où partir, où aller ?
Un livre pour se livrer,
Pour délivrer les mots
Et soigner tous les maux.
Dans mon cœur un séisme,
Celui du validisme,
De sa vague déferlante,
Des rafales incessantes.
Des balles qui trouent ma peau,
Cicatrices en bataille,
Des tirs dont les échos
Résonnent dans mes entrailles.
Ma chair cherche la paix,
Mais je sens que mon sang
Bout sous mon épiderme.
Vous pouvez être inquiets,
J’entends venir le temps
De nos combats qui germent.
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Video de Charlotte Puiseux (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charlotte Puiseux
Les discriminations liées au handicap sont la première cause de saisine du Défenseur des Droits. le handicap concerne environ 12 millions de personnes en France, 20% de la population. Où sont-elles ? Nora Hamadi reçoit Charlotte Puiseux, militante et docteure en philosophie, autrice de "De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste" (La Découverte). Elle entend rendre la lutte pour les droits des personnes handicapées accessible au grand public, qui ignore encore souvent l'étendue des discriminations à leur égard.
#handicap #inclusion #etmaintenant _____________
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