Sur l'une des sculptures, une bouche s'empare d'un sexe. Doris se sent au bord de la nausée, se peut-il que l'amour ait à voir avec la dévoration ?
En écoutant Louise [Brooks] raconter quelques histoires de tournage, Doris comprend qu'elle n'aurait pu supporter d'être actrice : être ainsi piégée, dérobée par l'œil-caméra du metteur en scène. Elle a tellement lutté pour détenir la maîtrise, sur scène elle seule était responsable d'elle-même.
Au loin ronronne la rumeur du Pacifique, respiration d'un immense corps maternel qu'elle aurait perdu et que cette danse secrète lui donne l'illusion de pouvoir rejoindre.
Des volutes de mouvement giclent puis se disloquent, une houle terrifiante menace de la broyer, un tourbillon de vertige l'aspire vers elle ne sait quel gouffre. Si elle en avait la force, elle se lèverait et danserait au lieu de se laisser ainsi submerger. L'impulsion s'estompe et Doris reprend son ressassement : la maladie, se dit-elle, tout en condamnant à l'impuissance, permet d'atteindre ces zones d'ombre d'où pourrait jaillir une création plus intense.
Quand vous dansez je vous souhaite une vague de la mer
Qu'à jamais vous puissiez ne faire que cela. SHAKESPEARE
Tout d'un coup, elle se souvient d'une phrase de Martha : il faut se détruire pour créer.
"Je crois, enfin j'espère, qu'il commence enfin à m'aimer. Mais il ne peut se passer de moi et je sais à présent qu'il peut arriver de ce fait même à me haïr. Comme vous l'avez fait, Charles et toi.."
Humphrey ne comprend rien à ces bêtises de grandes personnes. On aime ou on n'aime pas. Et il a toujours remarqué qu'oncle José aimait bien Pumba et ses desserts.
La danse est le seul art qui ne laisse pas de trace inscrite.
Bientôt il va s'endormir, elle le portera dans son lit, émue par cette crudité absolue du besoin d'amour chez Pussy : donne-moi à manger, bouffe-moi et laisse-moi te bouffer, sois là, toujours, quand je m'endors, quand je me réveille, sois-là, nourris-moi au moment précis où j'en ai envie, où je te veux. Pauline peut comprendre que Doris souhaite échapper à cette captation sans pitié. Pourtant cette violence sauvage, si vivace sous les manières gracieuses de Pussy, la change agréablement de la fadeur de son partenaire actuel. José, se demande-t-elle, saurait-il avoir dans l'amour cette exigence fougueuse ? Sans doute étaient-ils trop fatigués et angoissés lors de cette nuit où ils basculèrent l'un vers l'autre.
Entrer en contact avec autrui constitue toujours pour elle une dépense d'énergie coûteuse. Aux conversations elle préfère la musique qui tourne dans sa tête. Son inappétence à la sociabilité s'étend aux objets. En toute bonne foi, Doris n'entend pas le téléphone, ne perçoit pas l'odeur du lait qui déborde, ne voit ni ce collant traînant par terre depuis deux jours ni le plat des saturés de crottes, de désespoir Dusty et Monahan ont élu le panier à linge sale.