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EAN : 9782742739301
335 pages
Actes Sud (22/08/2002)
3.67/5   30 notes
Résumé :

Malade le jour où Socrate a bu la ciguë - et malade de ne pas avoir été à ses côtés -, Platon retrouve à Mégare quelques amis et disciples du philosophe.

Il les questionne sur les derniers instants, les ultimes paroles du maître tant admiré. Mais les témoignages divergent, les caractères s'opposent : l'affrontement entre "héritiers" est inévitable.

En compagnie du jeune esclave Mélésias, Platon prend alors le chemin d'une ... >Voir plus
Que lire après Platon était maladeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il y a une tendance : si le personnage de Socrate a souvent été repris dans la culture populaire, ce n'est pas le cas de Platon lui-même, qui ne se mettait jamais en scène dans ses dialogues. Certes, certains exégètes disent qu'il n'est jamais loin - le dialogue du Phèdre se passe à l'ombre d'un arbre dont le nom, le platane, a la même racine que Platon - mais j'étais curieux de voir si la littérature s'était aussi emparé de Platon pour en faire un personnage à part entière.

C'est donc comme cela que je suis tombé sur "Platon était malade". le titre fait allusion à un extrait du "Phédon", le dialogue qui se passe au moment de l'agonie de Socrate, condamné à boire de la cigüe. Tout un groupe de ses amis et disciples assistent à ces derniers échanges, sauf Platon, qui fait dire à un des personnages, au moment de l'énumération des personnes présentes, "Platon, je crois, est malade."

Le récit de Pujade-Renaud commence le lendemain de l'exécution de Socrate. Platon couve sa gueule de bois et ses remords de ne pas avoir été auprès de son maître à Megara, chez un de ses condisciples. Jeune aristocrate à belle gueule qui a renoncé à une grande carrière pour suivre ce va-nu-pieds de Socrate dont il souffre de ne pas avoir été le favori, il rencontre et harcèle tous les présents à la dernière soirée pour tenter de recueillir les dernières perles de sagesse. Mais il n'obtient que des détails morbides sur les étapes de l'empoisonnement à la cigüe, des excuses de ceux qui n'ont pas été attentifs, ou des anecdotes sans intérêt.

Alternant récit et monologue intérieur, le livre retrace le cheminement intérieur de Platon dans cette quête vouée à l'échec de reconstituer les derniers propos de Socrate. Toujours pris de remords, Platon finit par se retirer dans une caverne (tiens donc) avec un jeune esclave, et lentement prendre la décision d'utiliser l'écrit et la forme dialoguée pour transmettre ce qu'il retient de la parole de Socrate.

En tant que roman, le livre est agréable : le soleil de plomb, les cigales, le sable brûlant, la mer sont omniprésents, et malgré quelques passages introspectifs un peu lourds, le récit est plutôt enlevé. Mais c'est surtout les références qui en font tout le sel : référence aux personnages, d'abord, avec un name-dropping fourni utilisant tout le ghota de l'Athènes contemporaine - Antisthène, le père du Cynisme, Euclide de Megara, Aristippe de Cyrène, Alcibiade, Critias, ... - et les personnages des dialogues : le jeune esclave avec qui Platon s'isole est celui qui apparaît dans le Ménon.

Ce travail de mise en scène se retrouve aussi dans le soin à resituer une version crédible de Platon en tant que personnage historique : ancien athlète, neveu d'un dirigeant athénien qui voyait en lui son successeur, un temps auteur dramatique et musicien, hériter d'un domaine viticole en Attique - toutes choses auxquelles il aurait renoncé en choisissant la philosophie.

C'est cependant surtout aux thèmes platoniciens que le livre fait le plus allusion, comme si cet isolement servait à Platon à poser les bases de toute sa pensée : réminiscence, immortalité de l'âme, le Beau, le Juste, le Vrai, morale et politique.

Enfin, c'est au Platon littéraire, à ses images et métaphores, que le livre adresse nombre de clins d'oeil : le char aux deux coursiers, l'éclat éblouissant du soleil, l'incessant chant des cigales, l'accouchement des êtres et des idées (un des personnages est une jeune mère sur le point d'accoucher)...

Ainsi, le désespoir de n'avoir pas assisté Socrate dans ses derniers moments aurait fait vivre à Platon une mort et une renaissance (en sortant de la caverne comme d'une matrice utérine), expérience si bouleversante que son souvenir traversera tous ses futurs textes.

D'autres moment de la vie de Platon, peut-être plus romanesques, aurait pu servir d'assise à un roman (je pense à ses tentatives de fonder une Cité juste en Sicile), mais il s'agit ici d'une trame initiatique, d'une étape du voyage du Héros et le pari de l'auteur - donner chair à Platon, voix désincarnée dans ses dialogues - est réussi.

Comme toutes les oeuvres fortement référencées, le livre plaira à hauteur des souvenirs - des réminiscences ! - des lectures de philo et sur la Grèce classique que chacun a. Si je l'avais lu il y a seulement 6 mois, je n'en aurais trouvé qu'une poignée. Là, je les voyais à chaque page, dans les bouts de dialogue, les descriptions, les situations, les noms...

Lien : https://hu-mu.blogspot.com/2..
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Ce livre est incroyable, à la fois extrêmement bien écrit, ancré dans une Grèce antique plus vraie que nature, érudit sans en avoir l'air (de nombreuses références à l'oeuvre de Platon) et agréable à lire !
Une perle rare, de mon point de vue. Je l'ai lu lentement, j'ai pris le temps de profiter des détails, moi qui ai tendance à lire vite.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Tout à l'heure je jouais et je l'ai vu osciller légèrement, paupières closes. Ses mains, telles celles d'un homme atteint de cécité, ont commencé à explorer l'espace autour de lui, un espace qui semblait se métamorphoser et son corps, dans le sillage de ses mains, entrait dans un univers étranger, ou familier ?, se glissait, couleuvre prudente, par des passages étroits, pénétrait très lentement - ah, que cette lenteur était belle ! -, dans ce que j'ai imaginé être un labyrinthe où se dissimuleraient aussi bien des monstres qu'une vérité aveuglante. Il échappé aux deux puisqu'il a ouvert les yeux, a paru étonné de ma présence, de celle de la musique, et s'en est allé puiser de l'eau à la source, chantonnant.
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Troublé, il songe combien il s'est enferré lui-même : il a cru devoir abandonner musique et poésie dès ses premières rencontres avec Socrate. Lequel, bien entendu, n'avait formulé aucune interdiction de cet ordre. Et voilà qu'à travers Apollodore se profile un Socrate inattendu. Un Socrate qui sur le point de disparaître aurait été pris de remords à l'égard de la création... Une montée de colère confuse, Platon se serait-il floué, n'est-il pas trop tard pour comprendre ? Comprendre quoi, à présent : la philosophie serait la véritable création et il faudrait parvenir à la métamorphoser en une poétique ?
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Pourtant la senteur de la menthe flotte, la lumière disséminée vibre, les cigales taraudent le calme. Par quelle bouche d'ombre les femmes hideuses ont-elles réussi à se glisser afin de pénétrer dans les méandres du songe ? Quelle merveille si l'existence après la mort se révélait être un sommeil d'où le rêve serait absent...
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Platon s'interrompt. Étonné, presque, par ce qu'il vient de rédiger. Au moins, se dit-il, il est tranquile : ni Antisthène, ni Phédon ou Eschine de Sphettos ne traiteront de la sorte l'entrevue du sage et de l'ambitieux ! Quand même, ne serait-il pas trop audacieux, ou ridicule, de débuter par un aveu amoureux ? Mais si l'on veut que naissent le soin et le souci de soi, l'appétit de se connaître, il est nécessaire de passer pae l'autre, par l'ébranlement érotique, puis de poursuivre - vers quoi, il l'ignore encore.
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Scandale d'une lumière qu'il ne voit plus. Mon ombre à mes pieds se résorbe et l'ombre de Socrate en moi vacille. Elle secrète encore, par moments, un murmure rafraîchissant. De plus en plus ténu. S'il se perd définitivement, je tombe sur le sable, je tombe et m'effrite, sable moi-même. Ciel d'airain, mer et pensées figées. Loi, de l'autre côté du golfe, ma cité meurtrière, son Acropole radieuse, ternie par la noirceur de l'injustice.
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Vidéo de Claude Pujade-Renaud
Le 7 mars 2013, François Busnel reçoit :
Benoîte Groult, Ainsi soit Olympe de Gouges Alix de Saint-André, Garde tes larmes pour plus tard, à propos de Françoise Giroud, Histoire d'une femme libre : un manuscrit retrouvé par Alix de Saint-André à l'IMEC et publié par cet écrivaine à titre posthume. Andreï Makine, Une femme aimée Claude Pujade-Renaud, Dans l'ombre de la lumière
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