+++ Lu en VO +++
Crampton Hodnet est le premier roman écrit par
Barbara Pym, il a eu un destin un peu particulier puisqu'elle l'a terminé pendant la dernière guerre en 1940, elle a ensuite eu de multiple occupations. Puis la guerre finie, le monde avait changé et l'air du temps avait changé ce qui explique peut-être que le manuscrit soit resté dans un tiroir. Plus tard
Barbara Pym a-t-elle peut-être considéré que cette première oeuvre n'était pas assez aboutie ce qui explique sa parution tardive en 1985 après la mort de l'autrice.
Mais dans ce premier roman figurait déjà tout le microcosme de
Barbara Pym : une petite bourgeoisie provinciale distinguée qui a connu des jours meilleurs et qui conserve un sentiment de supériorité inoxydable, des vieilles filles effacées et rêveuses ou alors ayant les pieds bien ancrés dans la réalité, et toujours des hommes d'église de confession anglicane, pasteurs ou vicaires par conviction ou par opportunisme. C'est un petit monde où souvent les rumeurs et les bavardages vont bon train et où tout scandale est le bienvenu car c'est une forme de distraction.
Crampton Hodnet dont le récit se situe à Oxford, n'y échappe pas, nous y trouvons la vieille fille en la personne de Miss Morrow, la dame de compagnie de Miss Doggett. Miss Morrow est effacée et résignée à son sort, c'est probablement elle qui a l'esprit le plus lucide et le plus pénétrant. Quand à Miss Doggett, un paragon moralisateur de ‘bien-pensance', elle s'imagine être un personnage important d'Oxford en invitant chez elle de jeunes étudiants prometteurs pour le thé tous les dimanches. Son neveu Francis Cleveland, professeur de littérature à l'université est marié à une femme un peu indifférente et s'imagine vivre une passion, pourquoi pas charnelle, avec une de ses étudiantes. Puis arrive l'homme d'église, Mr Latimer, plutôt bien de sa personne qui attire les attentions prévenantes de toutes ses paroissiennes. Il prendra pension chez Miss Doggett et ne sera pas indifférent au charme discret de Miss Morrow. Un petit monde qui a l'air bien tranquille, mais qui cependant ne tourne pas rond du tout, où l'on frôle le drame, où les passions couvent et où les chagrins passent comme tout le reste.
Un très bon moment de lecture, avec toujours ce regard à la fois acéré et doux-amer de
Barbara Pym sur ses personnages. Un humour qu'elle dispense au goutte à goutte et qui réside souvent dans l'écart qu'il y a entre ce qu'ils s'imaginent être et ce qu'ils sont vraiment. C'est fin, c'est acidulé, et on se laisse vraiment prendre à leurs minuscules préoccupations et tribulations.