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EAN : 9782818055069
208 pages
P.O.L. (03/03/2022)
4.11/5   9 notes
Résumé :
Marie de Quatrebarbes s'est inspirée, pour ce premier roman, de la vie du célèbre historien d'art Aby Warburg (1866 - 1929), issu d'une riche famille de banquiers juifs. Warburg devint spécialiste de la Renaissance, s'est passionné pour la photographie, les Indiens Hopis, a constitué une invraisemblable bibliothèque de plus de cinquante mille volumes, mais sombra lentement, confronté au désastre du monde, dans l'univers de la folie.
En s'appuyant, entre autre... >Voir plus
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critiques presse (1)
LeMonde
23 août 2022
La poète a choisi un moment de crise dans la vie de l’historien de l’art pour son premier roman – une crise qui met la langue en jeu.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Hambourg, 1918



B/

Un jour, le doute saisit la pensée, il gagne un nouveau bastion de pensée et toute chose ébranlée à nouveau s'ébranle. Puis le château de la réalité vacille et se divise en détail de détails, et chaque détail se transforme en un autre détail de plus en plus petit et isolé. Quelque chose hésite et avance, imperceptible, comme la brume hésite et avance, et dans la terre retournée, les pieds s'enfoncent, les débris, la poussière, les chevilles se heurtent aux rochers et la terre palpite en dessous, battant le rythme d'un monde à peine saisi, flottant sur son manteau de lave. Les contours se distordent autour des choses, car plus rien ne les retient dans cet espace amenuisé d’où l’harmonie a été chassée, et nul ne sait comment ni où, quelque chose tombe, toujours, au même endroit, sans faire de bruit, de si petit, tout se dépose, en outre, dans ce mouvement de chute et s’étend, tiré vers l'horizon réduit à son minimum le plus strict, une ligne pâle à peine esquissée qui disparaît dans ce qui semble à première vue à peine plus grand qu’un trou de terre.
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Nouveau-Mexique, 1893



(...) Dans son journal, le ricordi comme il l'appelle, Aby prend des notes. Il recueille les traces d'un voyage à vive allure, des éclats arrachés à la route aux mille soleils. Plusieurs fois la nuit tombe. Autant de fois le jour se lève. Aby cligne des yeux. Ses pas brillent dans la neige. Nul ne l'attend de l'autre côté du voyage. Il traverse des pans entiers de sa mémoire. Ses souvenirs se mélangent aux paysages dans une lumière folle. Durant le trajet, il entrevoit un passé qui n'est pas celui des peuples autochtones d'Amérique seulement, mais aussi des Italiens de la Renaissance et des dieux, des astres, des pierres. Les rites amérindiens éveillent en lui la même énergie polarisée que celle qui l'avait capturé dans le voile de Vénus, la torsion des corps chez les peintres du Quattrocento, la chevelure d'une nymphe sur un bas-relief. Elle se branche à la même source, charriée depuis les nappes souterraines d'une matrice confinée dans le sombre, et qui fait retour, à intervalles réguliers, rejaillit à la surface comme une eau vive. Depuis qu'il s'est aventuré sur les traces des rites amérindiens, Aby se sent mû par un désir qu'il voudrait constituer en réserves. Il sent planer sur lui une menace dont il ne connaît pas l'origine, sorte de crépuscule, le Nibelung de toutes ses peurs ensemble, enroulées sur elles-mêmes comme un nid de serpents. (...)
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Hambourg, 1918



A/

Et dans cette terreur, Aby pleure. Aby pleure l’espace de contact impossible entre la matière et les signes. Aby pleure les symboles qui filent entre les doigts comme du sable. Aby pleure les portes qui restent toujours closes et la clôture dont jamais ne sortira le parc. (...) Les murs sont des hiatus qui ne se dressent pour personne. Aby pleure la matière arrachée à ses cris. Il pleure l’odeur du rat musqué et le petit bout de fromage. Il pleure le premier indice et le tout dernier. Il pleure la boucle de cheveux de la gouvernante anglaise. Il pleure la forme de l’ongle et le lobe de l’oreille. Parfois même il pleure les lois de Kepler. Il pleure le mouvement pendulaire du temps. Il pleure la manière dont l’étoffe et le bruit se mélangent. Il pleure la victoire oublieuse et la défaite certaine (...)il pleure le ruisseau asséché et le feu se propage. Il pleure la perte du courage. Il faudrait un mot pour chaque début. Et le noisetier sur la berge, Aby le pleure aussi. En tout point du globe pleure, et plus encore il pleure à cet endroit précis.
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Il est persuadé que les inventions qui prétendent rapprocher les êtres humains désamorcent en réalité la possibilité d'un retrait fécond, d'une faille où la pensée peut s'introduire pour irriguer la pierre de la raison.
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Hambourg, 1903


A/

Entre Aby * et Max, il y a un pacte de l’enfance, une résolution précoce par laquelle l’aîné choisit de céder sa place à son cadet. À treize ans, Aby renonce à reprendre les rênes de la banque familiale, en échange de quoi il fait promettre à Max qu’il lui achètera tous les livres qu’il voudra. Max tient parole et Aby bénéficie, tout au long de son existence, d’une source inépuisable de livres, venant d’année en année grossir les rayonnages de son immense bibliothèque.
...


* Aby est le grand historien d’art Aby Warburg.
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Vidéo de Marie de Quatrebarbes
Marie de Quatrebarbes lit (quelques pages de) Aby à l'occasion de la parution de "Aby" aux éditions P.O.L, à Paris le 1er mars 2022 - "Aby", c'est Aby Warburg - Pages 62 à 65 + pages 43 à 45 - "Kreuzlingen, 1921. En 1921, Aby a peur des métaux, des objets en métal, de l'électricité, de l'empoisonnement, du sublimé dans l'eau du bain. Il a peur que sa nourriture soit souillée par du sang menstruel, du sperme ou de la morve, il a peur des pogroms, de l'hypertrophie de la prostate, de faire l'objet d'une erreur judiciaire,de l'hypertension, du diabète, d'un poêle qui fume, d'une chèvre qui avorte, d'une citerne endommagée, de la lettre de crédit, que ses lettres soient volées, ou ses bagages, que sa famille soit torturée et assassinée. Et par-dessus tout Aby a peur d'être emprisonné, exécuté, que les juifs soient éliminés, que son oeuvre soit mise au pilon et du sang humain ajouté à son médicament. Il traite à Bellevue ses affaires avec le plus grand soin, s'inquiète que ses costumes et ses bottes soient volés ou salis, craint qu'on change ses lacets, que le docteur Embden exécute sa famille, le docteur Otto Binswanger II, le frère de Ludwig, l'empoisonne et la femme de ce dernier soit une espionne."
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