La 4ème de couv' de "
Demain est une autre nuit" a, dès sa lecture, suscité un certain intérêt, un peu comme agit une crêpe au sucre sur mon estomac ; c'est attirant, certes, mais faut pas déconner, c'est que du sucre, pas du caramel au beurre salé ! Idem, cette histoire de deux frères qui, après que l'un des deux a envoyé à l'autre "on va m'opérer, c'est grave, viens me voir", se retrouvent dans une chambre d'hopital après 39 ans de silence radio avait beaucoup de choses pour me plaire mais...
... mais c'était
Yann Queffélec et c'était un récit, donc ça éliminait déjà l'option règlement de compte avec éventration ou grosse révélation du type "je suis ton oncle, pas ton frère : tu comprends, Papi Ganaël a engrossé la bonne un soir de Fest Noz à Pleucadeuc, et la gourgandine est morte en couche alors c'est môman qui a accepté de... ". Bref, j'allais entrer dans une autobio, ce n'est pas mon genre favori, mais je supporte quand même mieux la lecture d'un récit de vie que la vue d'un plateau de fruits de mer.
Point positif, je suis allé au bout de l'ouvrage.
Et ce, malgré des dialogues, un peu trop artificiels, parfois décousus où l'overdose de points de suspension vous donne comme une envie de vomir par-dessus le bastingage ou au moins de gifler le capitaine du bateau. On y passe souvent du coq à l'âne, ou, pour faire local, du fou de bassan à la raie fleurie (évidemment, il est question ici du poisson, je ne connais pas assez de Bretons pour oser une généralité sur leur anatomie) pour évoquer souvenirs et blessures du passé.
Car c'est de cela qu'il est question : une joute de souvenirs entre deux frères qui bien qu'ayant vécu un passé commun en gardent au mieux des images précises, qui, telles des huîtres trop longtemps oubliées au fond de leur parc finistérien renferment quelques perles de bonheurs enfantins ternis par des reflets de rancoeurs tenaces, ou au pire des réminiscences dont la trace, trop vague pour être honnête, blessera forcément l'autre.
Les frangins s'affrontent donc à coups de mémoire, plus ou moins contondantes durant toute cette nuit de 190 pages, essayant de réparer cet amour fraternel malmené par la vie. Cette fraternité née sous le regard d'une mère aimante, fragilisée par la mort d'une mère "au ciel" puis maintenue par une mer aimée et enfin évaporée par l'amer écoulement du temps telle l'eau d'un marais salant dont on sait de toute façon, qu'elle est toujours là, présente, quelque part, sur cette planète.
Il y a du touchant dans ce récit, du sentiment, du dit et du non-dit, il y a de l'attachant mais il y a ces mais...
Alors, voilà, mon avis est à l'image de la météo de cette région de Bretagne si chère à l'auteur : il est mitigé. Et je sens déjà une cascade de bigoudens s'abattre sur mes épaules.