"Alibiforains et lantiponnages, que tout cela, ravauderies et billevesées, battologies et trivelinades, âneries et calembredaines, radotages et fariboles ! se dit madame Cloche."
Dois-je me contenter de dire la même chose que madame Cloche, et en laisser mes réflexions à propos de "Chiendent" là ? Ou je m'accroche et j'essaie d'expliquer de quoi il en retourne ?
Que peut-on avancer en toute objectivité ?
Que c'est le premier roman de Queneau (1933). Et, comme "Zazie" ou "Les fleurs bleues", c'est une histoire folle et burlesque, qui retourne à son point de départ. Une histoire circulaire, ou presque. Mais le temps de faire le tour de ce manège quenesque déjanté, on s'est bien amusé avec tous ces personnages, présentés d'une façon pour le moins inhabituelle !
Et après, que dire... ?
Je ne sais pas comment Queneau a fait pour que son histoire prenne sens. Qui sont ces nombreux gens qui émergent du néant, ces "êtres plats" qui trouvent peu à peu consistance et volume, prénoms, famille; chacun sa propre vie et ses propres aventures qui commencent à s'entremêler à celles des autres ...?
Mais Queneau nous mène par la main du maître par tous ces méandres tortueux. On lui fait confiance, et on suit son histoire parsemée d'incidents et accidents (et même des morts !) sans souci; tout s'enchaîne à la perfection ! Par contre, de quoi parle vraiment le livre ?
Pourquoi le "chiendent"- cette mauvaise herbe qui prolifére sans effort, sans qu'on lui demande ?
On la voit pousser partout - c'est un peu comme la banalité de l'existence, la vie ordinaire...? Sauf que chez Queneau, encore une fois, la banalité prend les proportions inhabituelles; l'ordinaire se transforme en extraordinaire, et en parodiant le réel, il nous glisse dans le surréel !
Le roman est-il donc une sorte de manuel de philo existentialiste ou de la méthode de Descartes ? Une histoire d'un adolescent qui s'initie au monde des adultes ? Une histoire de la guerre contre les Etrusques, d'un mariage arrangé, ou, en toute simplicité, une histoire d'une mystérieuse et très convoitée porte qui cache un fabuleux hypothétique trèsor ?
Que d'aventures, dans la trivialité de l'existence !
Mais je ne suis pas sûre qu'Etienne (Marcel), Pierre (Le Grand), Dominique Belhôtel derrière le comptoir de sa baraque à frites, ni le père Taupe ont les réponses directes à vous donner.
Tout comme Bébé Toutout le nain, Peter Tom L'Anachorète le prestidigitateur, ni la bête sage-femme Cloche, qui n'est même pas un personnage principal (quoique, à sa façon... à condition que vous arriviez jusque cette fin surprenante...), car il n'y a pas de personnage principal ! Ils sont tous empêtrés dans les racines de chiendent, qui les empêchent de réaliser leurs rêves.
Encore une fois, j'ai bien aimé le texte de Queneau, ses situations où il transforme l'ordinaire en absurde, et son langage réinventé et phonético-poétique. Ce humour dont je ne suis même pas sûre que Queneau voulait que ce soit de l'humour...
Mais, tout comme son Etienne, j'aurais "bien des choses à lui demander. Au sujet de l'existence".
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C'est l'histoire une ombre plate et grise qui prend du volume et de la couleur en découvant que parfois les choses ne sont sont pas toujours ce qu'elles semblent être.
Une initiation à la reflexion philosophique
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Enfin terminé. J'ai du lire ce livre pour la fac et mon dieu que je l'ai détesté. Je n'ai pas du tout accroché à l'histoire qui est sans queue ni tête. Je n'ai pas du tout aimé le style de l'auteur qui retranscrit en plein milieu d'un passages des mots de l'oral. Ce livre aura été un vrai supplice pour moi.
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"Un vin d'honneur a été donné hier soir pour fêter les quarante ans de service de Rude Agricole, facteur à Blanc-Yeux. Le maire improvisa un petit discours empreint d'une charmante bonhomie. La plus charmante cordialité ne cessa de régner dans la charmante assemblée. Une sauterie termina cette charmante soirée. Le lendemain, Rude Agricole a repris son service en disant : En avant pour le cinquantième. Cette charmante parole lui a valu les applaudissements de tout le village accouru sur ces lieux charmants."[...]
" Isaac Poum se présentera à domicile tous les jours de cinq à sept. Il ne néglige rien et demeure expressif. Résultat garanti" [...]
Après avoir attentivement lu ce fragment du "Petit Echo de X...", Narcense en fit usage et le jeta dans le trou. Puis monta se coucher.
Des corps sans nombre jonchaient la plage qui de jaune d'or en devenait noir-de-mouche; il y en avait des tout-petits qui pleuraient sans cesse, et des tout-grands qui dormaient tout l'temps. Il y en avait des qui avaient des seins et il y en avait des qui n'en avaient pas; il y en avait des en costume de bain et des plus habillés; il y en avait des difformes, et il y en avait des formes; il y en avait des épais, et il y en avait des transparents. L'ensemble n'était pas brillant. Assis sur une pierre plate et large qu'il avait choisie avec soin, Etienne suivait d'un oeil distrait l'activité amoindrie de ses collèques en balnéation.
Depuis qu'elle avait vu un homme écrasé, vers les cinq heures de l'après-midi, devant la gare du Nord, Mme Cloche était enchantée. Naturellement elle disait qu'elle n'avait jamais vu une chose plus horrible que ça ; et il devait en être ainsi, car le pauvre Potice avait été soigneusement laminé par un autobus. Par une série de hasards soigneusement préparés, elle se trouva assise, vers la même heure, en face du même endroit, à la terrasse d'un café qu'une bienheureuse coïncidence avait justement placé là. Elle commanda-t-une camomille, et patiemment, attendit que la chose se renouvelât.
-Alors comme ça, l'temps c'est rien du tout? Pus d'histoire demanda la reine.
- Qu'est-ce que ça fout? lui répondit-on.
Elle haussa les épaules.
Alors, ils quittèrent la clairière qui se trouve devant Carentan et franchissant les fausses couches temporelles de l'éternité, parvinrent un soir de juin aux portes de la ville. Ils se séparèrent sans rien dire, car ils ne se connaissaient plus, ne s'étant jamais connus. Un concierge prit loge, une sage-femme ouvrit boutique. Un homme s'aplatit contre les grilles d'une villa de banlieue dans laquelle, attendant avec patience la choupe vespérale, un enfant louchait vers une obscène photo. La porte grinça, l'homme s'aplatit.
Un masque traversa l'air, escamotant des personnages aux vies multiples et complexes, et prit forme humaine à la terrasse d'un café. La silhouette d'un homme se profila ; simultanément, des milliers. Il y en avait bien des milliers.
Le chien du notaire est un caniche blanc, répondant au nom de Jupiter. L'intelligence de Jupiter est grande; si son maître avait eu le temps, il lui aurait appris l'arithmétique, peut-être même les éléments de la logique formelle, sophisme compris. mais ses occupations l'ont obligé à négliger l'instruction de Jupiter qui ne sait que dire ouah ouah de temps à autre et s'asseoir sur le derrière pour obtenir un bout de sucre. Cependant, si l'on peut douter de l'étendue de ses connaissances, on ne peut qu'admirer le soin qu'il prend de sa personne. Car pour le chic, il ne se refuse rien. Tondu à la lion, il fait la belle patte dans un rayon de quinze mètres autour de la maison notariale. Plus loin, d'énormes bêtes, jalouses de son élégance, le menacent de leurs crocs vulgaires et mal élevés.
« J'avais été amené quand j'avais seize ans, par un ami un peu plus vieux que moi, comme j'étais un peu littéraire, au cocktail Gallimard qui avait lieu dans le jardin Gallimard et qui rassemblait en juin, le Tout-Paris et, pour la première fois, un garçon littéraire comme je l'étais, mais quand même très jeune, voyait tous les auteurs qu'il lisait. Il y avait Simone de Beauvoir, il y avait, je me souviens, Malraux et il y avait Queneau, bien sûr. Et vraiment, il y avait quelque chose de magique et j'étais enchanté. Il faisait beau, je voyais mes héros. Et je me suis dit que c'était là qu'il fallait vivre et mourir. »
***
Résumé : Dans le second volet de ses mémoires, “Une étrange obstination”, l'historien Pierre Nora revient sur son parcours foisonnant. Il y mêle détails sur ses travaux, anecdotes et évocations des figures marquantes de la vie intellectuelle française qu'il a pu côtoyer.
Les mots de l'auteur : « Cinquante-sept ans chez Gallimard et trente-cinq ans d'enseignement et de recherche, plus de mille livres édités, sept volumes des “Lieux de mémoire”, quarante ans à la tête du “Débat”, en faut-il davantage pour justifier mon titre ?Je me suis souvent défini comme marginal central. Marginal, parce que je n'ai pas été un universitaire classique, ni un éditeur professionnel, ni un historien typique, ni un écrivain authentique. Encore qu'un peu tout cela.Central cependant, parce que beaucoup des auteurs, beaucoup des idées d'une des époques les plus effervescentes et créatrices de la France contemporaine sont passés par mon petit bureau du premier étage de la rue Sébastien-Bottin, devenue Gaston-Gallimard.C'est ce vu et vécu dont, avant de disparaître, j'ai voulu laisser la trace. Les auteurs, les idées, l'époque. En mémorialiste et en historien. »
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