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3,6

sur 177 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lorsque l'on fait connaissance avec Jenny, une ado mal dans sa peau (si c'est quasiment un pléonasme, la jeune fille est quand même en grande souffrance, harcelée par ses pairs, et en rupture avec sa famille qu'elle exècre), et parallèlement avec deux personnages illustres de notre paysage politique, que l'on reconnait d'ailleurs malgré des noms d'emprunts, grâce aux portraits que l'auteur en dresse, on ne s'attend pas, du moins au début à l'issue qui les fera se rencontrer.

Une fois le cadre en place, on assiste à la transformation de la jeune fille, prise dans les mailles d'un piège qui lui apparaît comme la seule solution pour pouvoir cracher sa haine, son mépris de tout ce qui a fait d'elle cette paria, moche et sans intérêt. Ils sont adroits deux qui tirent les ficelles, et construisent une image fausse, mais acceptable, utile, reconnue, par des pairs opportunistes. Même si vu de l'extérieur, elle est bien peu crédible cette passionaria d'un islam dont elle ne connait rien, même après avoir assimilé comme un perroquet quelques hadiths marquants. Mais ça marche pour elle. Au grand désespoir de ses parents, bourgeoisie moyenne, traditionnelle, valeurs communes et mouvantes.

On ne parle pas ici de la radicalisation, l'auteur le précise. La jeune fille n'était pas pratiquante ou croyante islamiste, et elle entrée dedans directement par la porte de l'excès. le mécanisme est celui d'une récupération sectaire d'êtres en détresse et en rupture avec les repères qu'on a pu leur inculquer jusqu'alors. Toute autre secte aurait pu faire l'affaire et aboutir aux mêmes résultats délétères de dépersonnalisation.

Certes l'histoire ne prête pas à rire. cependant l'auteur accentue le côté verre à moitié vide et pointe chez les personnages tout ce qui peut être tourné en dérision. Et pas que pour les personnages. Un passage illustre très bien cette volonté de se focaliser sur le négatif : deux paragraphes se suivent, décrivant le cadre de la petite ville où vit la famille Marchand, le premier proposant une illustration de carte postale de candidature pour le plus beau village de France et le deuxième focalisé sur toute la laideur et la platitude de l'endroit.



Récit bien mené, assez convaincant, et bien ancré dans notre paysage social actuel .
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Souvent Les Editions de L'Observatoire, en littérature, me procurent de grands moments de lecture.

Et voilà qu'ils recommencent les bougres !

Une nouvelle fois, je me suis fait embarquer et bousculer.

Un sujet difficile puisque Abel Quentin va évoquer ses adolescentes qui se font « endoctriner » par les théories djihadistes et tout ce qui gravite autour de ce phénomène.

Le livre est habilement construit autour de ses personnages.

Il y a Jenny évidemment, adolescente sur le fil, qui ne supporte pas la vie qu'elle mène entre des parents aimants et une vie en banlieue. Elle traîne une certaine idée du désespoir.

Il y a Chafia, parée au pire. Gonflée de haine, prête à en découdre avec une société qu'elle abhorre.

Et dans les couloirs étouffés du pouvoir, il y a Saint-Maxens, président de la République essoufflé et vieillissant qui s'apprête à terminer son mandat.
SOeUR est un roman terriblement ancré de notre temps. de ces livres qui donnent sans fard le portrait d'une époque qui se délite. Témoignage qui ne juge pas mais égratigne parfois certains « grands » penseurs aux idées courtes que vous reconnaîtrez aisément.

Un livre indispensable qui parle, presque à la façon d'un polar, d'un sujet épineux mais qui ne fait pas que l'effleure et ne s'apparente pas à une forme d'opportunisme. Un livre pensé. Mûri. Et ça se ressent à chaque ligne.
Abel Quentin, dans ce premier roman percutant, va très loin dans la justesse de son analyse, le tout avec une plume véritablement talentueuse, mêlant des mots de notre temps à une prose époustouflante.

SOeUR est un de mes coups de coeur de cette rentrée littéraire.

Les Editions de l'Observatoire ont encore frappé !

Les Editions de l'Observatoire m'ont encore frappé …

Lien : https://labibliothequedejuju..
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L'auteur n'a pas choisi la facilité : sujet explosif, délicat, dans l'air du temps, violent , qui pose question et regarde la réalité en face , sans mâcher ses mots :


L'endoctrinement mortifère d'adolescentes aux théories djihadistes et tout ce qui tourne autour, port du hidjab... conversion, martyr, lecture du Dar Al- Islam , mensuel francophone de l'Etat Islamique, sans y comprendre grand- chose ....

Qu'est ce qui conduit une adolescente de quinze ans , transparente , entourée de parents aimants, de la classe moyenne ——-qu'elle ne comprend pas—-—élevée à Sucy- en Loire, fréquentant le lycée Henri Matisse , à commettre un attentat terroriste ?

Jenny Marchand alias Chafia , revêche, mal dans sa peau, adepte et lectrice assidue de Harry Poter , silencieuse et empruntée, traînant son désespoir, aigrie, souffrant d'une haine tenace contre elle - même et la terre entière , se laisse berner par Dounia l'ensorceleuse, roublarde, illusionniste , petite voleuse aguerrie sans passer par la case prison .....


Par le biais des réseaux sociaux ces apprentis terroristes tel Dounia ont trouvé un outil extrêmement efficace.


Dounia la perverse , l'accoucheuse, la chaperonne, la Lionçonne du Califat , l'initiatrice , la maîtresse de cérémonie , l'ensorceleuse distille à petit feu différents arguments pour convaincre Jenny, alias Chafia, pétrie de haine...


Elle l'assomme de révélations , gagnant à l'usure la psalmodie mahométane , tournant au radotage sacré, variant à l'infini sur la « Grandeur de Dieu »,  les invitations au meurtre jetées de ci de là, un message délivré jusqu'au tournis ...et la prédication de la Mecque .

Jenny avale les versets dans le désordre : l'enfer c'est les autres , il faut à tout prix détruire le SYSTÈME .

Dounia la persuade en jouant sur son orgueil , sur l'orgueil puéril de ne pas avoir flanché ,Chafia la fielleuse récite la Chahada , seule dans sa chambre où son écran d'ordinateur jette un halo bleuté ...

Chafia : c'est l'ombre qui l'intéresse , en s'initiant à la haine absolue , se rêvant martyr , tandis qu'à l'Élysée le Président Saint Maxence , vieux lion épuisé laisse sa place à un autre ( on reconnaît deux anciennes grandes figures politiques au sein du récit , ainsi que Michel Onfray et quelques autres ) ....
C'est un ouvrage très bien construit , grinçant, ironique , sans compromis , politique , entre portrait d'un président vieillissant , à bout de souffle, bassesses et compromissions , et l'engrenage fatal du djihadisme qui tient en haleine jusqu'à la dernière phrase .....
Une violence insoupçonnée déclenchée par les plus petites existences !

A méditer ! A lire !

L'auteur est avocat, Soeur est son premier roman .: aux Éditions de l'Observatoire .

«  Il y a quelque chose d'effroyablement pur dans leur violence , dans leur soif de se transformer. Elles renoncent à leurs racines, elles prennent pour modèles les révolutionnaires dont les convictions sont appliquées le plus impitoyablement . Machines impossibles à enrayer , elles fabriquent la haine qui est le moteur de leur idéalisme d'airain » .
Philippe Roth, Pastorale américaine ...
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Abel Quentin a écrit ici un premier roman impressionnant, même si j'ai trouvé quelques longueurs au milieu du roman.
Il nous raconte comment Jenny, jeune française de classe moyenne, vivant dans une petite ville, aimée de ses parents, va à force de mal être, de non reconnaissance de ses pairs, d'ennui, de solitude se retrouver la cible parfaite pour la radicalisation.
L'auteur nous décrit de façon très convaincante comment Dounia jeune musulmane radicale va lentement mais surement, appuyer sur les bons ressorts pour séduire Jenny et la convertir à un Islam radical qui ira jusqu'au sacrifice et au martyre. La conversion de Jenny tient plus de l'amitié amoureuse envers Dounia, qui lui permet enfin d'être intégrée, reconnue dans un groupe que par l'appel d'Allah, mais elle est finalement profonde : Jenny va accréditer tous les dires de ce groupe et être convaincue que les islamistes sont des victimes,que tous les autres se liguent contre eux, juifs, homosexuels, et autres non croyants et que le seul moyen de se défendre est de les éliminer.
J'ai beaucoup aimé les parties relatives à Jenny et sa famille qui va se mobiliser pour essayer de comprendre et sortir Jenny de cette impasse, sans succès.
En parallèle, l'auteur aborde la politique via deux personnages: un vieux président mis lentement mais surement sur la touche par ceux la même qu'il a jadis hissé vers les responsabilités et la notoriété. et de l'autre ce nouveau candidat, jeune, aux idées extrêmes qui va secouer les monde politique un peu feutré.
" Benevento envoie valdinguer les deux battants d'une poussée énergique et déboule dans l'arène, il a la dalle, il est en chien, sa femme et les autres n'existent plus, relégués dans la nuit des coulisses et il peut enfin être lui-même, c'est-a-dire l'Ogre, la Bête, le Fauve."
Ces deux personnages m'ont moins intéressée mais la description de leurs évolutions donne lieu à de très belles pages, à l'écriture percutante sans compter que leur destin rencontrera celui de Jenny.
Et j'en viens donc à l'autre grand attrait de ce livre, peut-être même le plus grand, cette écriture réaliste, aux images percutantes: certaines scènes se matérialisent en un instant devant nos yeux. Un choix des mots fait avec intelligence, toujours juste.
Le livre lui-même est un bel objet, un beau papier, et une couverture magnifique.
Une lecture qui va surement m'amener à lire le suivant de l'auteur
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Comment Jenny est devenue terroriste

Dans son cabinet d'avocat Abel Quentin a traité des dossiers de jeunes gens radicalisés. Dans son premier roman il dresse le portrait saisissant d'une adolescente qui s'ennuie en province et bascule vers le terrorisme.

Tout commence par une scène de polar. Dans un commissariat de police on interroge Chafia, encore mineure, pour tenter d'obtenir des informations sur Dounia Bousaïd, l'une des filles qui figurent avec elle sur une photo de groupe et qui a disparu sans laisser de traces depuis près d'une semaine.
Puis on passe dans les bureaux lambrissés de la Présidence de la République pour assister à une conversation entre Saint-Maxens, le vieil homme qui dirige le pays et son conseiller Karawicz qui l'encourage à clarifier sa situation, c'est-à-dire à annoncer qu'il ne se représentera plus pour laisser la place à son ministre de l'intérieur.
Nous voici enfin sur le terre de Djihadistes où Dounia vient d'arriver. Prise en charge sommairement, on lui explique qu'elle pourrait soutenir la cause en les aidant à fomenter un attentat contre Saint-Maxens. Trois scènes d'ouverture fortes qui posent les bases de ce roman qui va dès lors se concentrer sur le parcours d'une jeune fille «bien sous tous rapports».
À quinze ans, Jennyfer mène une existence ordinaire dans la Nièvre, entouré de parents tout aussi ordinaires. Il est vrai que les perspectives ne sont guère exaltantes: «Sucy-en-Loire, ses rues étriquées qui tissent leur réseau en damier autour d'une église déserte, ses façades mal entretenues qui cachent des intérieurs confortables, bled impossible où l'on dit tranquillité pour parler d'ennui mortel, où la construction d'un dos-d'âne avait divisé ses cinq mille habitants comme s'il s'était agi de l'affaire Dreyfus.» Mais ce qui pèse encore davantage l'adolescente, c'est son corps qu'elle a de la peine à accepter et le regard des collégiens, les moqueries et le rejet dont elle va être victime. Alors elle se réfugie dans sa chambre. «Le soir, ce sont des séances de lecture solitaire, entre quatre murs saturés de posters. Harry Potter y fraye avec ses amis Ron Weasley et Hermione Granger, sous le chaperonnage inquiet de sir Albus Dumbledore, directeur de l'école de sorcellerie et ennemi juré du sinistre Voldemort. Leurs combats épiques étouffent le bruit de ses sanglots.» Si elle pouvait disposer de pouvoirs magiques…
La première main qui va se tendre, attentive et secourable, sera la bonne. L'amie qui l'écoute est une guerrière avec laquelle elle prend confiance. Une maie rencontrée via internet et qui va lui offrir un nouveau monde. La radicalisation se fait insidieusement, le basculement vers l'islam radical est vécu comme une libération.
La voilà en route pour Paris, laissant derrière elle son enfance et des parents désemparés. La voilà prête à passer à l'action, à se battre contre tous ces médiocres, ces pervers, ces mécréants.
Saluons la construction de ce roman qui gagne en intensité au fil des pages, qui tisse des fils entre une jeune adolescente et un Président de la République, entre Sucy-en-Loire et le Califat, entre Harry Potter et un attentat terroriste, entre fiction et actualité brûlante. Et finit par nous sidérer face à cette logique implacable qui va entraîner Jenny à concevoir son attentat.
Le jury du Prix Goncourt ne s'y est pas trompé en mettant ce roman dans sa première sélection. Soeur est en quelque sorte aussi le frère de Des hommes couleur de ciel d'Anaïs Llobet, publié dans la même maison d'édition, et qui retraçait aussi le parcours de terroristes. Tous deux ont cette vertu cardinale: nous obliger à regarder cette réalité en face, nous faire réfléchir à ces parcours, à ce qui pousse les gens à rejoindre les rangs de Daech, à notre responsabilité collective. Car Abel Quentin, qui en tant qu'avocat s'est occupé de jeunes radicalisés, a compris que si on ne naissait pas terroriste, on le devenait. Avec à chaque fois une histoire particulière: «La «radicalisation» de Jenny aurait supposé une phase transitoire de croyance apaisée qu'elle n'avait jamais traversée. Elle s'était convertie, voilà tout. Sans connaissance préalable de la religion, elle n'avait eu qu'une conscience diffuse d'en rejoindre une section dissidente.» La suite, effrayante, coule presque de source. 

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C'est peu dire que Jenny est mal dans sa peau...

Harcelée au bahut, couleur muraille dehors, mutique et revêche chez elle, rien ne lui va, rien ne l'amadoue, rien ne l'apprivoise. Elle a tellement besoin qu'on la remarque, qu'on la choisisse, qu'on l'aime...

Elle est la proie rêvée pour l'emprise, la manipulation, l'endoctrinement.

Quand elle tombe sur Dounia, c'est moins le djihad ou un Islam mal compris qui soudain la passionnent que cette sororité providentielle qui comble aussitôt tous les manques, met en branle toutes les docilités, et quand sa "soeur" vient à lui manquer, actionne tous les leviers de son désespoir et de sa haine.

Le lecteur, prévenu, suit, subjugué et effaré, ce chemin de Damas d'une petite terroriste française qui a seulement manqué d'attention et d'amour.

Sujet hélas rebattu-on n'évite pas quelques caricatures ni quelques clichés-mais Abel Quentin, d'une plume efficace sait faire monter le suspense et donner chair et pensée à sa triste héroïne.

Tout compte fait, j'ai préféré ce polar kamikaze et percutant au plus ambitieux Voyant d'Etampes...
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Comment une jeune fille de 15 ans, menant une vie jusque là tranquille dans la banlieue de Nevers (Nièvre) va se laisser embrigader, endoctriner et basculer dans l'Islam radical et le terrorisme.

Issue de la classe moyenne, rêvant de Daniel Radcliffe et de Harry Potter, Jenny Marchand est une adolescente introvertie, mal dans sa peau, esseulée ; elle traîne son ennui et sa solitude dans sa cité pavillonnaire et les rues étriquées de Sucy-en-Loire. Se sentant incomprise de ses parents, pourtant aimants mais maladroits, rejetée par les autres collégiens, humiliée sur les réseaux sociaux, elle va tomber dans la déprime, le ressentiment et exprimer son désespoir sur Internet. C'est là que Dounia alias Petitegadji58 va lui tendre la main, lui faisant miroiter un monde nouveau, idyllique et solidaire. Jenny va se convertir à l'Islam radical et devenir Chafia Al-Faransi une redoutable combattante, enfin valorisée et reconnue par un groupe. Jusqu'où ira-t-elle dans la violence ? Parviendra-t-elle à mener à bien l'acte fort, la mission terroriste dans laquelle elle s'est investie ?

Abel Quentin signe un livre choc sur un sujet d'actualité gravissime qu'il connaît bien puisqu'il est avocat pénaliste et traite régulièrement les dossiers de jeunes radicalisés. Conçue sous forme de thriller politique, sa démonstration est convaincante. le roman commence lentement, avec d'abord une présentation des différents personnages, puis des scènes et situations mêlant passé et présent tels des morceaux de puzzle qui s'enchevêtrent progressivement. La tension monte au fur et à mesure du récit et le lecteur ne peut plus s'en détacher jusqu'à la dernière page.

Constat d'un pouvoir politique vieillissant et apparemment dépassé, d'une société dans laquelle la jeunesse ne trouve ni ses repères ni une raison de vivre, ce roman est puissant et dérangeant. J'en conseille la lecture, même si j'ai trouvé quelques longueurs dans les chapitres relatifs au Président de la République et ses acolytes.

#Challenge illimité des départements français en lectures (58 - Nièvre)
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Jenny est une adolescent de quinze ans mal dans sa peau, très mal même.
En décalage avec ses parents, transparente pour les autres, humiliée par un garçon, elle se réfugie sur les réseaux sociaux dans le silence de sa chambre.
Et là, une personne enfin la comprend, c'est Dounia, une jeune radicalisée.
Une soeur, une vraie.
Les échanges se multiplient et Jenny franchit le pas à son tour.
Voilà une histoire bien actuelle.
Alors que dire ?
Le processus de décrochage social puis d'enrôlement est bien cerné.
On comprend bien comment ça se passe pour tous ces jeunes paumés qui n'ont plus de références.
Il y a une quarantaine d'année, il entraient dans des sectes.
Maintenant, c'est l'Islam qui les guette.
Certaines phrases sont très longues, certains passages aussi.
On sent l'avocat là-dessous.
Les passages Harry Potter m'ont semblé un peu superflus, mais bon, il s'agit d'une adolescente.
Les clins d''oeil à des gens publics existants sont un peu gros.
Ceci dit, j'ai lu tout ça avec intérêt et plaisir, c'est globalement un bon livre.
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Il ne faut absolument pas lire Soeur après le voyant d'Etampes et Anéantir.
Il y a une curieuse parenté entre Soeur et le dernier Houellebecq mais Soeur a été publié en 2019. Difficile d'y retrouver la virtuosité, l'élégance et l'humour du Voyant paru à la rentrée 2020 , ni bien sûr la maestria d'anéantir.
Je fais une toute petite supposition : le manuscrit de Soeur serait bien antérieur, une sorte de roman d'apprentissage.
Cette histoire terrible de radicalisation ( Jenny, l'héroïne parle de conversion) se situe à la veille d'une élection présidentielle (!) Malheureusement les protagonistes sont très caricaturaux et l'histoire elle-même est paradoxalement un peu convenue.
Et là point d'ironie, de bons mots ou de causticité. Juste une démonstration implacable sur les origines possibles de la radicalité.
C'est là où l'on devine le futur auteur du Voyant d'Etampes, que j'ai énormément aimé. C'est aussi à travers certaines hypothèses que l'on devine l'élève de Maître H: la perte des grands récits comme origine du Mal , la banalité du mal en sommes, le nihilisme généralisé.
La seconde partie du livre ( la dérive inéducable, les échanges entre apprentis djihadistes , la sororité etc…) est édifiante.
Et fout vraiment les pétoches..
Bon Soeur està mettre entre les mains de vos ados en perte de sens. Et de leurs parents bien sur.
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Un roman percutant, tant par le style de grande qualité que par le récit glaçant d'un processus de radicalisation. Finement décrit, minutieusement analysé, le parcours de Jenny Marchand – petite adolescente paumée de banlieue – illustre parfaitement comment, lentement mais sûrement, le poison est distillé, le cerveau retourné et le drame programmé.
Jenny est une adolescente douloureuse, qui se réfugie dans le monde de Poudlard pour éviter la dure réalité d'un collège où s'exerce la loi du plus fort, du plus beau, du plus swag. Les petites violences du quotidien, la difficulté à trouver sa place dans le groupe de pairs, la médiocrité des adultes qui l'entourent – c'est en tout cas ainsi qu'elle juge ses parents, plutôt gentils, attentifs et aimants, maladroits cependant – la conduisent à s'isoler. Son unique et dernière tentative pour s'intégrer est si gauche qu'elle se solde par une scène d'humiliation très douloureuse qui sonnera le début de la fin…
Elle se répand sur les réseaux sociaux et est ainsi harponnée par une autre adolescente qui va profiter de sa fragilité pour faire du prosélytisme. Tout y est : galimatias idéologique, croyances simplistes, préceptes religieux vides de substance, éloge de la violence, … Les arguments de Dounia sont d'une bêtise sidérante mais ils viennent panser les plaies de Jenny, redonner une forme de sens à ce qu'elle vit, donner un cadre à ses journées vides de sens. le mal-être, la souffrance de l'adolescente trouvent là un exutoire ; la radicalisation suscite un sentiment d'appartenance qui jusqu'ici faisait défaut.
Pauvres parents : la mère tente le dialogue, le père se rigidifie, terrorisé par le repli de sa fille. L'apparition du hijab sur sa tête annonce la catastrophe et, malgré leurs appels à l'aide, ils sont seuls et désemparés.
Outre le cheminement de Jenny très bien construit, on croise aussi des personnages comme des clins d'oeil qui donnent une couleur au contexte de la radicalisation : un président vieillissant, qui perd la vue, détrôné par un de ses ministres au discours agressif et populiste ; un Miguel Anfroy plus vrai que nature, détestable de suffisance, pas à une énormité près pour faire du buzz. Un monde inconsistant dans lequel tous s'emploient à simplifier une réalité complexe.
On souffre pour Jenny car on connait les affres de l'adolescence, on sait combien il est douloureux de se sentir nulle part à sa place, on voudrait lui dire de patienter, que tout cela n'a qu'un temps…mais on la voit s'avancer inexorablement au fil des pages vers le pire.
Pour un premier roman, c'est assez époustouflant.

Challenge ABC 2019/2020
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