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Critique de lebelier


« J'aurai passé ma vie à chercher des mots qui me faisaient défaut. Qu'est-ce qu'un littéraire ? Celui pour qui les mots défaillent, bondissent, fuient, perdent sens. »

Ainsi commence le sixième tome de « Dernier royaume », un recueil qui, selon l'auteur récemment entendu, n'est pas près de finir.
Or c'est de finitude dont nous parlons ici. de la mort et de ces derniers instants, de l'altérité du temps et aussi de ces moments où l'on éprouve ce qu'il est convenu d'appeler des instants de bonheur car la mort peut aussi être un plaisir, le dernier plaisir sexuel.

«Le trait de l'orgasme est temporel : c'est la perte de conscience de la durée.
Ce trait est aussi celui de la lecture. »

Pascal Quignard me semble un des dernier humanistes et nous fait partager son érudition tant littéraire qu'historique, philologique, poétique, mythologique et même philosophique (et j'arrête, je n'ai plus mots en « -ique » !) ainsi que sont évoquées les traditions et superstitions qui entourent la mort
Dans la barque allégorique, on passe d'un temps à l'autre, d'une célébrité à l'autre, ainsi de Louise Brulé à Mallarmé aux philosophes latins, grecs ou chinois jusqu'à Henriette d'Angleterre dont la mort si bien mise en mots par Bossuet, confiant à madame De La Fayette, au seuil du trépas : « Mon nez s'est déjà retiré. » et ignorant qu'elle se référait à une superstition inuit.
Chaque chapitre est un monde clos sur lui-même, de même la solitude du lecteur (« in angulo cum libro ») et celle du mourant. La mort apparaît ici comme à un retour à l'état d'avant la naissance, enfermé dans un cocon rassurant :

« Nous avons besoin de narrations parce que chaque naissant fut un héros complétement perdu. »

Au début du chapitre, on est au début d'une histoire, d'un trait poétique ou d'une méditation nouvelle parce que les livres et la lecture régénèrent le héros que nous sommes de traverser la vie. Ainsi on se place, dans ce livre, du côté des athées : athées déçus et constatant comme Nietzsche : « Dieu est mort, nous l'avons tué. » ou athées presque militants comme Stevenson qui signait toujours ses lettres par « l'Athée ». On va même jusqu'à suggérer que Jésus s'est suicidé puis qu'il dit dans l'évangile de Saint Jean qu'il se « dessaisit de sa vie. »

« C'est Gentillet qui posa à la fin du XVIe siècle qu'être athée et être littéraire étaient synonymes.
Les athées sont des lettrés. »

À l'instar De Voltaire, les athées veulent par leur lucidité « ecr l'inf », « écraser l'infâme », le fanatisme, bien sûr. Et nous voilà en résonnance avec note actualité.
Alors pourquoi une étoile en moins que d'habitude ? Moins de surprise peut-être, moins d'émerveillement aussi mais toujours autant de plaisir à lire cet auteur et impatience de retrouver le tome suivant.

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