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sur 242 notes
Après 30 ans d'absence, Claire revient en Bretagne à l'occasion du mariage d'une cousine. Prise à nouveau dans le tourbillon des émotions que lui inspire cette terre entre ciel et mer, elle décide de s'y réinstaller et redécouvre, entre angoisse et bonheur, les lieux et les personnes autrefois aimés, notamment Madame Ladon son ancien professeur de piano ou encore Simon, son premier et seul véritable amour, aujourd'hui maire du petit village de la CLarté, marié et père de famille. Entre eux, un amour irraisonné mais impossible, qui renaît aussitôt malgré le temps écoulé. Dès lors, Claire se met à arpenter inlassablement la lande, ses pas exclusivement orientés vers la silhouette de l'amant interdit, « errant dans le monde après son amour, regardant de loin son amour », son existence désormais réduite à cette citation du Livre de Ruth en exergue du roman : « Où il ira j'irai. Où il vivra je demeurerai. Où il mourra je serai enterrée. »
Autour de Claire, d'autres voix s'élèvent pour évoquer cette singulière cinquantenaire qui intrigue autant qu'elle subjugue. Paul, son frère, Juliette sa fille délaissée, le prêtre Jean, le Père Calève, Fabienne la postière….éclairent par petites touches la figure furtive et impénétrable De Claire, exprimant tour à tour l'amour impossible d'un homme et d'une femme, l'amour homosexuel de deux hommes, l'amour maternel tissé d'incompréhension et d'abandon entre une mère et sa fille, l'amour fraternel fondé sur une mystérieuse harmonie entre un frère et sa soeur.

« Les solidarités mystérieuses » créent des liens étranges avec le lecteur. le charme d'une écriture limpide, la magie d'un phrasé pur et lumineux ensorcèlent et séduisent. Les mots transparents de Pascal Quignard bercent doucement, impriment une sorte de sérénité, d'apaisement.
On ressort de cette lecture les yeux emplis des paysages sauvages et magnifiques de la Bretagne, les sens vibrant de ses odeurs d'algues et de sel, de ses visions de dunes et de falaises qui nous accompagnent tout le long de notre cheminement littéraire au côté De Claire, sauvageonne fantasque que chacun des personnages va tenter de comprendre, de dévoiler, de démystifier sans y parvenir vraiment tout à fait.

Femme curieuse et intrigante, Claire fait corps avec le paysage côtier. Telle l'anémone avec le bernard lhermite, elle vit en symbiose avec ce coin de nature qu'elle sillonne en tous sens dès les premières lueurs de l'aube et dont elle prend soin avec constance et acharnement. En retour la nature lui offre ses falaises en protection du monde extérieur, lui cède les anfractuosités secrètes de ses parois abruptes, et aussi ses lits de mousse, ses trous d'eau, la chaleur de sa roche ou la douceur venteuse de sa lande. "Un jour, elle expliqua que le paysage, au bout d'un certain temps, soudain s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner."
Sa folie douce contamine son entourage, personnages et lecteurs, les incitant à faire attention à l'environnement, à regarder autour de soi, à observer et contempler les beautés que recèle la nature.

Les êtres qui peuplent le roman de Pascal Quignard servent avant tout à magnifier une côte bretonne que l'auteur nous révèle à la façon d'un peintre, nous la donnant à voir, à sentir, à humer, à ressentir par tous les pores de notre peau et par tous les sens de notre corps.
Claire, Paul, Juliette, Simon, Jean ne semblent exister que par ce coin de lande entre ciel et mer.
La narration de leur existence conserve la couleur un peu délavée des êtres qui passent comme un souffle mais qui, paradoxalement, laissent derrière eux un souvenir fugace et persistant comme une trainée d'écume sur le rivage.
A l'instar de l'évanescente Claire, colonne vertébrale du récit, quelque chose en eux est fortement, irrévocablement ancrée dans cette terre bretonne. Ils la façonnent, la dessinent, l'exécutent dans toute la subtilité de ses nuances et de ses demi-teintes. le roman s'empreint alors de cette attirance, de cet incommensurable amour.
Le vent, les vagues, la lande, les falaises, le lichen, le granit, le petit port de pêche, le village à fleur de falaise, les toits d'ardoise, les goélands, les nuages blancs sur la mer grise…un panorama enchanteur s'anime, se matérialise, s'exprime dans la douce mélancolie d'une vieille carte postale ou dans les teintes pastels et ombrées d'une aquarelle maritime.

Saint-Enogat, Saint-Lunaire, l'église de la Clarté, le site des Pierres couchées…autant de lieux qui jalonnent le parcours solitaire De Claire et que l'on suit pas à pas, le long des chemins côtiers, des plages et des escaliers de granit, le nez au vent, promeneurs silencieux, dans l'ombre d'un personnage qui réussit à apposer sa délicate empreinte dans la roche de notre mémoire comme un fossile dans la pierre.
Dans la polyphonie des voix, dans l'harmonie des tonalités qui esquissent ce très beau portrait de femme, «Les solidarités mystérieuses » devient un livre-hommage, un livre-découverte, le livre-célébration d'une Bretagne habitée de romantisme, douce, libre, suave et sensuelle…
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« Pour les bretons, la légende veut que les goules ou les fées aient été des femmes malheureuses. Les fées sont les roches qui pleurent dans les vagues les morts qu'elles démantibulent, qu'elles déchirent. Dès qu'une roche pleure dans sa vague, il faut que l'humain qui a la chance d'être encore de ce monde, s'arrête sur le sentier maritime. Il faut qu'il regarde attentivement la roche qui crie, qu'il la salue, qu'il lui demande son nom. Cela calme peu à peu son cri, ou plutôt sa douleur.
Alors le bruit du ressac se fait moins fort. »

Ce passage bouleversant, tiré du roman de Pascal Quignard " Les solidarités mystérieuses", n'est pas sans rappeler "Les amants de pierre" du barde finistérien Manu Lann Huel.
Cette chanson figure sur le CD « île-elle », un magnifique album sorti en 1998, où l'artiste, accompagné de ses musiciens, exalte la beauté de la Bretagne océane et souligne le côté impénétrable de bon nombre de ses îles (Batz, Groix, Molène, Ouessant, Sein).

Voici les paroles de cette chanson " Les amants de pierre" :

« Porte des chagrins de mer
Je sais des coeurs arrêtés
Entre le rouge et le vert
Jean et Jeanne sont de pierre

Dort l'amour millénaire

Leur chevelure est de roc
Comme j'ai douce colère
Corde de vent poing de terre
Jean et Jeanne sont de pierre

Dort l'amour millénaire

Leurs yeux sont de vagues bleues
Une île bouge au milieu
Comme un adieu de travers
Jean et Jeanne sont de pierre

Dort l'amour millénaire

L'amour une main qui trace
Des noeuds avec l'autre main
Efface le temps qui passe
Jean et Jeanne sont demain »

Alors que cette ébauche de critique dérive avec bonheur sur des vagues porteuses, la voici soudain entraînée dans un puissant tourbillon aquatique puis aspirée avec force vers les profondeurs océanes.
Pauvre critique embryonnaire à jamais disparue dans les grands fonds marins, loin, très loin de son port d'attache Babelio !

Le stade des citations semble parfois indépassable et c'est particulièrement vrai pour « Les solidarités mystérieuses ». Commentaires et critiques alors s'effacent devant la beauté ineffable d'un livre que l'on referme à regret.
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Les solidarités mystérieuses se sont deux êtres, un frère et une soeur, au destin brisé par une tragédie, qui restent liés à tout jamais.
Ce sont de très belles pages sur les êtres, leurs relations, la nature, la mer et la Bretagne.
J'ai été conquise par le style et l'atmosphère crées par Pascal Quignard. Un livre dont je n'arrivais pas à m'extiper.
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Les romans de Pascal Quignard égrènent une musique unique, qui leur est propre, une façon de conter et de dire très originale : le rythme des mots, des phrases, le choix d'alternance des descriptions de la nature avec l'introspection des personnages, souvent tout en questionnement au fond d'eux-mêmes, entrainent l'imagination du lecteur et la font s'envoler...

"Les solidarités mystérieuses" nous donne de rencontrer des personnages qui se doivent de vivre avec comme compagnons, la perte, l'absence, les amours interdites.
Comment évoluer entre la solitude consentie et même désirée, la possibilité d'une main maternelle adoptive et donc délibérée qui se tend, le quotidien aux côtés d'un frère parfois nié et qui finalement se révèle un roc où s'appuyer dans la tempête ?

C'est un récit de liberté, pourtant, et non de repli, un envol vers cette nature sauvage de la lande malouine et de ses environs, un regard bienfaisant posé sur sa faune et sa végétation, un récit des relations entre un frère et une soeur, seuls au monde, et qui se retrouvent, l'un prenant soin de l'autre en lui permettant de vivre sa liberté et l'autre protégeant l'un dans l'acceptation de ses sentiments tourmentés.

Des sonorités fragiles pour une escapade au sein d'une nature sauvage comme le sont les coeurs des personnages de ce roman. Pudeur et silences peuplent ces pages pour évoquer des sentiments trop forts, trop espérés, trop attendus, trop lourds à vivre...


Et si vivre, c'était se détacher ?
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C'est le dernier livre de Paul Quignard et celui que je trouve le plus beau, empreint de la magie et de la féérie bretonne..Une atmosphère de poésie, de délicatesse dans les sentiments règne dans ce livre.
C'est un récit à multiples voix: la voix du personnage principal, d'abord: Claire. Claire est une femme d'une quarantaine d'années qui mène une brillante carrière de traductrice et de linguiste.
Elle retourne en Bretagne à l'occasion du mariage d'une cousine et décide de se réinstaller dans la terre de son enfance.. Elle retrouve son amour de jeunesse, Simon, le maire-pharmacien, le seul amour de sa vie. Leurs amours sont contrariées car la femme de Simon, jalouse, met le feu à la ferme où vit Claire.
Il y a Paul aussi, le jeune frère. La relation qu'il a avec sa soeur est à l'origine du titre du livre: "Les solidarités mystérieuses" c'est le lien subtil, indissoluble, étrange et immuable qui existe entre eux.
Paul qui comme sa soeur Claire, se remet difficilement de leur enfance difficile d'orphelins pauvres, à la charge d'un oncle..
Paul qui va mener une liaison passionnée et épisodique avec le curé du village, ce qui va leur valoir quelques remontrances de l'évêque..
Il y a Juliette, la fille De Claire, élevée quasiment uniquement par son père et qui ira retrouver sa mère sur cette terre sauvage de Bretagne simplement pour lui dire... qu'elle ne l'aime pas..
Tous ces personnages ont en commun d'avoir une belle sensibilité, une sensibilité de poète écorché.. et aussi un parcours un peu différent du parcours habituel.. d'où leurs difficultés..
Un très beau moment de lecture..
Je me suis trouvée emportée à mon plus grand plaisir sur cette terre sauvage de Bretagne que j'aime tant, entourée de personnages attachants et non conventionnels...
A recommander pour cette fin d'année.. à déguster à la douce lumière d'une bougie...
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Le mariage de Mireille Theruen, fille de son cousin Philippe, voit le retour De Claire dans le village de son enfance et sa jeunesse, là où vit Simon Quelen, qu'elle aime toujours, marié à Gwenaëlle dont il a un fils.
Elle retrouve également madame Ladon sa professeur de piano. Mais c'est surtout le lieu et toutes les réminiscences qu'il fait resurgir qui vont la reprendre, l'enlever à sa vie ancienne qu'elle va définitivement abandonner.
«Sur la falaise, immobile, le corps dans le vent, dans le ciel, elle redevient heureuse.
Elle écoute, en contrebas, la mer.
Elle ferme les yeux.
Alors, peu à peu, très loin, au fond d'elle-même, elle entend la fontaine de porcelaine qui versait l'eau bruyamment dans la cuvette en faïence de la chambre à coucher de sa tante.» p25

Les nuages se déchirent silencieusement les uns après les autres laissant passer de plus en plus de lumière.
Et cette lumière inonde la lande. p 40
(...) Elle aimait ce lieu. Elle aimait cet air si transparent, par lequel tout était plus proche. Elle aimait cet air si vif où tout s'entendait davantage. Elle éprouvait le besoin de reconnaître tout ce qu'elle avait vécu.
.... Elle aimait ce pays. Elle aimait cette grève si violemment escarpée, si noire, tellement raide, tellement à l'aplomb du ciel. Elle aimait cette mer. p 41
Son amour pour Simon la jette sur la lande qu'elle arpente, sur les roches, dans la grotte où elle descend le retrouver. Cet amour va la conduire à se fondre dans ce paysage où elle le guette et le regarde pêcher de loin, où elle le rejoint en l'observant.
«Au bord de la falaise, près d'un bloc de granite gris clair, tout chaud, qui conservait dans le crépuscule la chaleur du jour, couvert de lichen blanc et jaune, il y avait un buisson jaune.
(...) Parfois, il l'y rejoignait le soir.
Mais le plus souvent elle croyait qu'il l'y rejoignait. Et il suffisait qu'elle crût qu'il la rejoignait pour se mettre à lui parler, dans son coeur, sans finir, comme s'il était là, et lui raconter tous les événements du jour.» p 71

Et finalement après la mort de Simon elle va perdre cette fébrilité qui la lançait sur les chemins à sa recherche pour s'épurer de plus en plus. Simon et tout ce qui l'entoure ne font plus qu'un. «Il est devenu la baie»
Claire va d'abandon en abandon. Son regard pénètre au fond des choses qu'elle contemplent, sa vie s'intensifie. Elle atteint une sorte d'incandescence en se fondant dans l'âpreté et la beauté de ce qui l'entoure. En fait, elle-même le dit, ce sont aussi le paysage, les lieux qu'elle arpente jours après jours qui la façonnent, l'absorbent et la font leur une fois qu'elle s'est allégée.

«Un jour elle m'expliqua que le paysage, au bout d'un certain temps, s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner. Son crâne se vidait dans le paysage. Il fallait alors accrocher les mauvaises pensées aux aspérités des roches, aux ronces, aux branches des arbres et elles y étaient retenues. Une fois qu'elle était complètement vide le lieu s'étendait devant elle autant qu'il parvenait à s'étendre en elle. Les feuillages se développaient. Les papillons et les mouches et les abeilles commençaient à voleter sans peur. Un mulot avait surgi et s'était approché de ses genoux. Une chouette s'était posée sur une roche couverte de lichen jaune et ni l'un ni l'autre n'avaient ressenti de crainte ni de menace. C'était comme si elle n'était plus un être humain, comme si elle ne représentait plus, pour les autres êtres, le danger d'un être humain ou d'un prédateur, ou d'un destructeur. Les odeurs s'avançaient jusqu'à elle, toutes reconnaissables, plus opulentes -- de terre, de menthe, de noisetier, de fougère, de mousse.»

Les voix de Paul son frère, de Jean le curé («... je ne veux pas dire que Claire Methuen croyait, comme moi en Dieu. Peut-être aurait-elle préféré dire qu'elle dévisageait ce qui l'écrasait. C'est peut-être cela qu'on peut appeler exister. Puis elle cessa de dévisager ce qui l'écrasait. Peu à peu elle contempla ce qui l'écrasait.») et d'autres qui ont partagé sa vie ou l'ont observée dans ses errances sur la lande se croisent pour dire ce que fut Claire pour eux.

Ce livre est un retour aux origines, à la terre mère, de toute beauté. Je l'ai aimé plus que Villa Amalia. Ann dans villa Amalia me semblait évanescente, plus lointaine alors que Claire je l'ai ressenti profondément, comme une soeur, dans une «solidarité mystérieuse».
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Je suis très triste : j'ai terminé la lecture de ce livre MAGNIFIQUE.
je ne vais pas raconter l'intrigue, ça ne sert à rien, il faut le lire et se laisser emporter par ces personnages, ce climat, ces descriptions sobres mais précises.
Si vous avez aimé Villa Amalia, vous aimerez encore plus les solidarités mystérieuses.
celà dit il se peut que vous n'aimiez pas ce qu'écrit Quignard en général et c'est votre droit, dans ce cas vous pouvez peut être essayer encore une fois, allez une dernière!
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Une femme marche sur la falaise ou dans la lande du côté de Dinard ou de Saint-Lunaire, elle se cache sous les porches gris à la nuit tombée lorsque Simon baisse le store de sa pharmacie. Lui qui la regarde depuis la côte marcher sur les rochers. Ils se connaissent depuis l'enfance ; mais Simon est marié avec une autre.
Marcher par tous les temps une bonne partie de la journée pour contenir la douleur d'un amour impossible. Sur les falaises granitiques, dans les criques, elle marche sous la pluie, les orages ou les tempêtes avec pour seule compagnie quelques mouettes, goélands ou cormorans.
Quelquefois, on la voit sourire, d'autres fois, on la voit pleurer. Elle fait un peu peur, certains la pensent folle.
Qui est vraiment Claire ? Son frère, Paul, ne le sait pas au fond mais entre eux, sans pour autant se parler, règne une certaine harmonie, une connivence, une solidarité mystérieuse.
Lorsqu'elle ne marche pas et qu'elle reste immobile sur la falaise, c'est certainement qu'elle regarde Simon, son amoureux en contrebas.
Sa fille Juliette ne la connaît pas davantage, pas plus que madame Ladon, son ancienne professeure de piano, ou Jean, le curé.
Claire est-elle capable d'aimer quelqu'un d'autre que Simon ? Sa manière de vivre est-elle un repli sur soi contraint par cet amour impossible ou l'expression de sa liberté, le refus d'une vie conventionnelle.

Une ode à la Bretagne, une atmosphère particulière produite par l'alchimie des évènements, du décor et de l'écriture poétique de Pascal Quignard.

Challenge Multi-Défis 2023.
Challenge ABC 2022-2023.
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Elle s'appelle Claire. Ou Marie-Claire. Ou Chara. Toute sa vie, depuis la mort tragique de ses parents, c'est Simon. Simon l'enfant de la famille d'adoption. Lorsqu'elle veut le retrouver, Simon est marié, père, et maire d'un joli petit village portuaire breton. Ils deviennent amants. Entre eux c'est un lien éternel, puissant. Une fusion-répulsion. Pour lui, le retour à la raison , à sa femme, à sa responsabilité...mais est-ce bien supportable à l'intérieur ? Pour elle, c'est comme une combustion lente, une désincarnation progressive, un ascétisme tout dédié à l'unique amour de sa vie et à la nature sauvage...
Il y a bien son petit frère Paul. Peu de mots entre eux, pudeur et tacites compréhensions...une veille mutuelle. Lui si sensible, qui vivra une longue histoire d'amour avec Jean, l'homme d'église. Et puis Madame Ladon, sorte de mère adoptive rêvée, tour à tour familière et distante.

Entre ces êtres fragilisés par leur vie faite de drames et pourtant fortifiés par ce pays si beau et si rude à la fois existe un lien indéfectible...comme une solidarité mystérieuse.

Claire règne sur ces terres de falaises, de lande, et de grands oiseaux, errant comme un fantôme, marchant et courant pour l'éternité dans le vent de mer, jusqu'à presque se confondre avec ces paysages grandioses.

Ce livre est une pure merveille, injustement peu connu et reconnu. C'est une ode à la beauté lumineuse et étincelante de la Bretagne, à l'amour presque mythique et mystique, plus fort que le temps, non seulement entre deux amoureux mais surtout entre frère et soeur, raconté dans une langue d'une grande élégance.

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Lire !

Une personne humaine lit.

Elle consacre une partie de son temps de vie éveillé à lire.

A lire un roman, un essai, une revue, une BD, un livre d'art, un tract, l'étiquette d'une boite de petit pois en conserve (private joke pour mon ami Gilles).
C'est un temps de « hors-là ». Que ce temps soit dans le transport en commun, dans un canapé, sur un banc public, une plage, une crique, un bar, un lit, ce temps n'est pas ici, il n'est pas là, il est « hors-là », il est dans des signes écrits.

Et cette personne est un être complexe, possédant un passé joyeux, douloureux, triste, mélancolique, exaltant, conscient ou inconscient ; possédant un présent de vie en un lieu concret animé de désirs, de peurs, de colères, d'envies, de jalousies, de gourmandises, de dégouts, de plaisirs. Pourtant elle lit.
Elle lit, ici, en ce moment plutôt que de se projeter, d'imaginer, de préparer, de calculer son futur, ou, au calme, accueillir son avenir toujours inattendu comme est l'avenir.

Elle lit.

Elle lit pour se distraire, avec tout ce que transporte l'idée de distraction. Elle lit pour provoquer des pensées inattendues, faire venir des questions qu'elle ne pensait pas se poser. Elle lit avec une attente quelle qu'elle soit.

Elle lit et continue d'appartenir à son milieu social, populaire, classe moyenne, petite bourgeoisie, bourgeoisie, aristocratie. Elle lit alors qu'elle est dans une vie, la sienne, dont elle ne connait pas la fin, pourtant elle lit et le livre qu'elle lit possède une dernière page, un dernier mot, un point final. Une fois refermé, il reste juste…

Que reste-t-il finalement ?

Un bon moment ?
Un oubli de soi momentanée ?
Des questions ?
Des milliers de questions peut-être ?
Et peut-être même une révélation, une transformation, une expérience inoubliable.

Eh, pourquoi ce préambule interminable pour parler des « solidarités mystérieuses par Pascal Guignard ». Pour écrire sur une histoire simple raconté à cinq voix. Une bête histoire d'amour chronologique et pourtant « dyschronique » ou chaque instant semble éternel.
Ce roman arrive dans ma vie, en synchronie avec une transformation physique (je vieilli), psychique (plus de souvenirs que de projets) et spirituel (le saut quantique de la foi vers Agapé).

Et je me demande si le roman que je viens de terminer est le même pour chaque lecteur, malgré le même enchainement de mots.
Le roman est inattendue, ou sourd l'avenir comme source sans cesse renouvelé et où le futur est enfin jugulé, tout cela dans le présent en étant PRÉSENT.
Évidement ce n'est pas un critique, mais juste un compte rendu d'expérience de lecture.

Posez vous un instant la question : pourquoi un tel compte rendu pour ce roman ?

Alors tentez l'expérience de cette même lecture et racontez-moi.

Bien à vous,

Tous.
Lien : https://tsuvadra.blog/2020/1..
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