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Critique de nadejda


Le mariage de Mireille Theruen, fille de son cousin Philippe, voit le retour De Claire dans le village de son enfance et sa jeunesse, là où vit Simon Quelen, qu'elle aime toujours, marié à Gwenaëlle dont il a un fils.
Elle retrouve également madame Ladon sa professeur de piano. Mais c'est surtout le lieu et toutes les réminiscences qu'il fait resurgir qui vont la reprendre, l'enlever à sa vie ancienne qu'elle va définitivement abandonner.
«Sur la falaise, immobile, le corps dans le vent, dans le ciel, elle redevient heureuse.
Elle écoute, en contrebas, la mer.
Elle ferme les yeux.
Alors, peu à peu, très loin, au fond d'elle-même, elle entend la fontaine de porcelaine qui versait l'eau bruyamment dans la cuvette en faïence de la chambre à coucher de sa tante.» p25

Les nuages se déchirent silencieusement les uns après les autres laissant passer de plus en plus de lumière.
Et cette lumière inonde la lande. p 40
(...) Elle aimait ce lieu. Elle aimait cet air si transparent, par lequel tout était plus proche. Elle aimait cet air si vif où tout s'entendait davantage. Elle éprouvait le besoin de reconnaître tout ce qu'elle avait vécu.
.... Elle aimait ce pays. Elle aimait cette grève si violemment escarpée, si noire, tellement raide, tellement à l'aplomb du ciel. Elle aimait cette mer. p 41
Son amour pour Simon la jette sur la lande qu'elle arpente, sur les roches, dans la grotte où elle descend le retrouver. Cet amour va la conduire à se fondre dans ce paysage où elle le guette et le regarde pêcher de loin, où elle le rejoint en l'observant.
«Au bord de la falaise, près d'un bloc de granite gris clair, tout chaud, qui conservait dans le crépuscule la chaleur du jour, couvert de lichen blanc et jaune, il y avait un buisson jaune.
(...) Parfois, il l'y rejoignait le soir.
Mais le plus souvent elle croyait qu'il l'y rejoignait. Et il suffisait qu'elle crût qu'il la rejoignait pour se mettre à lui parler, dans son coeur, sans finir, comme s'il était là, et lui raconter tous les événements du jour.» p 71

Et finalement après la mort de Simon elle va perdre cette fébrilité qui la lançait sur les chemins à sa recherche pour s'épurer de plus en plus. Simon et tout ce qui l'entoure ne font plus qu'un. «Il est devenu la baie»
Claire va d'abandon en abandon. Son regard pénètre au fond des choses qu'elle contemplent, sa vie s'intensifie. Elle atteint une sorte d'incandescence en se fondant dans l'âpreté et la beauté de ce qui l'entoure. En fait, elle-même le dit, ce sont aussi le paysage, les lieux qu'elle arpente jours après jours qui la façonnent, l'absorbent et la font leur une fois qu'elle s'est allégée.

«Un jour elle m'expliqua que le paysage, au bout d'un certain temps, s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner. Son crâne se vidait dans le paysage. Il fallait alors accrocher les mauvaises pensées aux aspérités des roches, aux ronces, aux branches des arbres et elles y étaient retenues. Une fois qu'elle était complètement vide le lieu s'étendait devant elle autant qu'il parvenait à s'étendre en elle. Les feuillages se développaient. Les papillons et les mouches et les abeilles commençaient à voleter sans peur. Un mulot avait surgi et s'était approché de ses genoux. Une chouette s'était posée sur une roche couverte de lichen jaune et ni l'un ni l'autre n'avaient ressenti de crainte ni de menace. C'était comme si elle n'était plus un être humain, comme si elle ne représentait plus, pour les autres êtres, le danger d'un être humain ou d'un prédateur, ou d'un destructeur. Les odeurs s'avançaient jusqu'à elle, toutes reconnaissables, plus opulentes -- de terre, de menthe, de noisetier, de fougère, de mousse.»

Les voix de Paul son frère, de Jean le curé («... je ne veux pas dire que Claire Methuen croyait, comme moi en Dieu. Peut-être aurait-elle préféré dire qu'elle dévisageait ce qui l'écrasait. C'est peut-être cela qu'on peut appeler exister. Puis elle cessa de dévisager ce qui l'écrasait. Peu à peu elle contempla ce qui l'écrasait.») et d'autres qui ont partagé sa vie ou l'ont observée dans ses errances sur la lande se croisent pour dire ce que fut Claire pour eux.

Ce livre est un retour aux origines, à la terre mère, de toute beauté. Je l'ai aimé plus que Villa Amalia. Ann dans villa Amalia me semblait évanescente, plus lointaine alors que Claire je l'ai ressenti profondément, comme une soeur, dans une «solidarité mystérieuse».
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