AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,89

sur 239 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Pour les bretons, la légende veut que les goules ou les fées aient été des femmes malheureuses. Les fées sont les roches qui pleurent dans les vagues les morts qu'elles démantibulent, qu'elles déchirent. Dès qu'une roche pleure dans sa vague, il faut que l'humain qui a la chance d'être encore de ce monde, s'arrête sur le sentier maritime. Il faut qu'il regarde attentivement la roche qui crie, qu'il la salue, qu'il lui demande son nom. Cela calme peu à peu son cri, ou plutôt sa douleur.
Alors le bruit du ressac se fait moins fort. »

Ce passage bouleversant, tiré du roman de Pascal Quignard " Les solidarités mystérieuses", n'est pas sans rappeler "Les amants de pierre" du barde finistérien Manu Lann Huel.
Cette chanson figure sur le CD « île-elle », un magnifique album sorti en 1998, où l'artiste, accompagné de ses musiciens, exalte la beauté de la Bretagne océane et souligne le côté impénétrable de bon nombre de ses îles (Batz, Groix, Molène, Ouessant, Sein).

Voici les paroles de cette chanson " Les amants de pierre" :

« Porte des chagrins de mer
Je sais des coeurs arrêtés
Entre le rouge et le vert
Jean et Jeanne sont de pierre

Dort l'amour millénaire

Leur chevelure est de roc
Comme j'ai douce colère
Corde de vent poing de terre
Jean et Jeanne sont de pierre

Dort l'amour millénaire

Leurs yeux sont de vagues bleues
Une île bouge au milieu
Comme un adieu de travers
Jean et Jeanne sont de pierre

Dort l'amour millénaire

L'amour une main qui trace
Des noeuds avec l'autre main
Efface le temps qui passe
Jean et Jeanne sont demain »

Alors que cette ébauche de critique dérive avec bonheur sur des vagues porteuses, la voici soudain entraînée dans un puissant tourbillon aquatique puis aspirée avec force vers les profondeurs océanes.
Pauvre critique embryonnaire à jamais disparue dans les grands fonds marins, loin, très loin de son port d'attache Babelio !

Le stade des citations semble parfois indépassable et c'est particulièrement vrai pour « Les solidarités mystérieuses ». Commentaires et critiques alors s'effacent devant la beauté ineffable d'un livre que l'on referme à regret.
Commenter  J’apprécie          8013
Les solidarités mystérieuses se sont deux êtres, un frère et une soeur, au destin brisé par une tragédie, qui restent liés à tout jamais.
Ce sont de très belles pages sur les êtres, leurs relations, la nature, la mer et la Bretagne.
J'ai été conquise par le style et l'atmosphère crées par Pascal Quignard. Un livre dont je n'arrivais pas à m'extiper.
Commenter  J’apprécie          551
Les romans de Pascal Quignard égrènent une musique unique, qui leur est propre, une façon de conter et de dire très originale : le rythme des mots, des phrases, le choix d'alternance des descriptions de la nature avec l'introspection des personnages, souvent tout en questionnement au fond d'eux-mêmes, entrainent l'imagination du lecteur et la font s'envoler...

"Les solidarités mystérieuses" nous donne de rencontrer des personnages qui se doivent de vivre avec comme compagnons, la perte, l'absence, les amours interdites.
Comment évoluer entre la solitude consentie et même désirée, la possibilité d'une main maternelle adoptive et donc délibérée qui se tend, le quotidien aux côtés d'un frère parfois nié et qui finalement se révèle un roc où s'appuyer dans la tempête ?

C'est un récit de liberté, pourtant, et non de repli, un envol vers cette nature sauvage de la lande malouine et de ses environs, un regard bienfaisant posé sur sa faune et sa végétation, un récit des relations entre un frère et une soeur, seuls au monde, et qui se retrouvent, l'un prenant soin de l'autre en lui permettant de vivre sa liberté et l'autre protégeant l'un dans l'acceptation de ses sentiments tourmentés.

Des sonorités fragiles pour une escapade au sein d'une nature sauvage comme le sont les coeurs des personnages de ce roman. Pudeur et silences peuplent ces pages pour évoquer des sentiments trop forts, trop espérés, trop attendus, trop lourds à vivre...


Et si vivre, c'était se détacher ?
Commenter  J’apprécie          408
Le mariage de Mireille Theruen, fille de son cousin Philippe, voit le retour De Claire dans le village de son enfance et sa jeunesse, là où vit Simon Quelen, qu'elle aime toujours, marié à Gwenaëlle dont il a un fils.
Elle retrouve également madame Ladon sa professeur de piano. Mais c'est surtout le lieu et toutes les réminiscences qu'il fait resurgir qui vont la reprendre, l'enlever à sa vie ancienne qu'elle va définitivement abandonner.
«Sur la falaise, immobile, le corps dans le vent, dans le ciel, elle redevient heureuse.
Elle écoute, en contrebas, la mer.
Elle ferme les yeux.
Alors, peu à peu, très loin, au fond d'elle-même, elle entend la fontaine de porcelaine qui versait l'eau bruyamment dans la cuvette en faïence de la chambre à coucher de sa tante.» p25

Les nuages se déchirent silencieusement les uns après les autres laissant passer de plus en plus de lumière.
Et cette lumière inonde la lande. p 40
(...) Elle aimait ce lieu. Elle aimait cet air si transparent, par lequel tout était plus proche. Elle aimait cet air si vif où tout s'entendait davantage. Elle éprouvait le besoin de reconnaître tout ce qu'elle avait vécu.
.... Elle aimait ce pays. Elle aimait cette grève si violemment escarpée, si noire, tellement raide, tellement à l'aplomb du ciel. Elle aimait cette mer. p 41
Son amour pour Simon la jette sur la lande qu'elle arpente, sur les roches, dans la grotte où elle descend le retrouver. Cet amour va la conduire à se fondre dans ce paysage où elle le guette et le regarde pêcher de loin, où elle le rejoint en l'observant.
«Au bord de la falaise, près d'un bloc de granite gris clair, tout chaud, qui conservait dans le crépuscule la chaleur du jour, couvert de lichen blanc et jaune, il y avait un buisson jaune.
(...) Parfois, il l'y rejoignait le soir.
Mais le plus souvent elle croyait qu'il l'y rejoignait. Et il suffisait qu'elle crût qu'il la rejoignait pour se mettre à lui parler, dans son coeur, sans finir, comme s'il était là, et lui raconter tous les événements du jour.» p 71

Et finalement après la mort de Simon elle va perdre cette fébrilité qui la lançait sur les chemins à sa recherche pour s'épurer de plus en plus. Simon et tout ce qui l'entoure ne font plus qu'un. «Il est devenu la baie»
Claire va d'abandon en abandon. Son regard pénètre au fond des choses qu'elle contemplent, sa vie s'intensifie. Elle atteint une sorte d'incandescence en se fondant dans l'âpreté et la beauté de ce qui l'entoure. En fait, elle-même le dit, ce sont aussi le paysage, les lieux qu'elle arpente jours après jours qui la façonnent, l'absorbent et la font leur une fois qu'elle s'est allégée.

«Un jour elle m'expliqua que le paysage, au bout d'un certain temps, s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner. Son crâne se vidait dans le paysage. Il fallait alors accrocher les mauvaises pensées aux aspérités des roches, aux ronces, aux branches des arbres et elles y étaient retenues. Une fois qu'elle était complètement vide le lieu s'étendait devant elle autant qu'il parvenait à s'étendre en elle. Les feuillages se développaient. Les papillons et les mouches et les abeilles commençaient à voleter sans peur. Un mulot avait surgi et s'était approché de ses genoux. Une chouette s'était posée sur une roche couverte de lichen jaune et ni l'un ni l'autre n'avaient ressenti de crainte ni de menace. C'était comme si elle n'était plus un être humain, comme si elle ne représentait plus, pour les autres êtres, le danger d'un être humain ou d'un prédateur, ou d'un destructeur. Les odeurs s'avançaient jusqu'à elle, toutes reconnaissables, plus opulentes -- de terre, de menthe, de noisetier, de fougère, de mousse.»

Les voix de Paul son frère, de Jean le curé («... je ne veux pas dire que Claire Methuen croyait, comme moi en Dieu. Peut-être aurait-elle préféré dire qu'elle dévisageait ce qui l'écrasait. C'est peut-être cela qu'on peut appeler exister. Puis elle cessa de dévisager ce qui l'écrasait. Peu à peu elle contempla ce qui l'écrasait.») et d'autres qui ont partagé sa vie ou l'ont observée dans ses errances sur la lande se croisent pour dire ce que fut Claire pour eux.

Ce livre est un retour aux origines, à la terre mère, de toute beauté. Je l'ai aimé plus que Villa Amalia. Ann dans villa Amalia me semblait évanescente, plus lointaine alors que Claire je l'ai ressenti profondément, comme une soeur, dans une «solidarité mystérieuse».
Commenter  J’apprécie          340
Je suis très triste : j'ai terminé la lecture de ce livre MAGNIFIQUE.
je ne vais pas raconter l'intrigue, ça ne sert à rien, il faut le lire et se laisser emporter par ces personnages, ce climat, ces descriptions sobres mais précises.
Si vous avez aimé Villa Amalia, vous aimerez encore plus les solidarités mystérieuses.
celà dit il se peut que vous n'aimiez pas ce qu'écrit Quignard en général et c'est votre droit, dans ce cas vous pouvez peut être essayer encore une fois, allez une dernière!
Commenter  J’apprécie          300
Elle s'appelle Claire. Ou Marie-Claire. Ou Chara. Toute sa vie, depuis la mort tragique de ses parents, c'est Simon. Simon l'enfant de la famille d'adoption. Lorsqu'elle veut le retrouver, Simon est marié, père, et maire d'un joli petit village portuaire breton. Ils deviennent amants. Entre eux c'est un lien éternel, puissant. Une fusion-répulsion. Pour lui, le retour à la raison , à sa femme, à sa responsabilité...mais est-ce bien supportable à l'intérieur ? Pour elle, c'est comme une combustion lente, une désincarnation progressive, un ascétisme tout dédié à l'unique amour de sa vie et à la nature sauvage...
Il y a bien son petit frère Paul. Peu de mots entre eux, pudeur et tacites compréhensions...une veille mutuelle. Lui si sensible, qui vivra une longue histoire d'amour avec Jean, l'homme d'église. Et puis Madame Ladon, sorte de mère adoptive rêvée, tour à tour familière et distante.

Entre ces êtres fragilisés par leur vie faite de drames et pourtant fortifiés par ce pays si beau et si rude à la fois existe un lien indéfectible...comme une solidarité mystérieuse.

Claire règne sur ces terres de falaises, de lande, et de grands oiseaux, errant comme un fantôme, marchant et courant pour l'éternité dans le vent de mer, jusqu'à presque se confondre avec ces paysages grandioses.

Ce livre est une pure merveille, injustement peu connu et reconnu. C'est une ode à la beauté lumineuse et étincelante de la Bretagne, à l'amour presque mythique et mystique, plus fort que le temps, non seulement entre deux amoureux mais surtout entre frère et soeur, raconté dans une langue d'une grande élégance.

Commenter  J’apprécie          180
Lire !

Une personne humaine lit.

Elle consacre une partie de son temps de vie éveillé à lire.

A lire un roman, un essai, une revue, une BD, un livre d'art, un tract, l'étiquette d'une boite de petit pois en conserve (private joke pour mon ami Gilles).
C'est un temps de « hors-là ». Que ce temps soit dans le transport en commun, dans un canapé, sur un banc public, une plage, une crique, un bar, un lit, ce temps n'est pas ici, il n'est pas là, il est « hors-là », il est dans des signes écrits.

Et cette personne est un être complexe, possédant un passé joyeux, douloureux, triste, mélancolique, exaltant, conscient ou inconscient ; possédant un présent de vie en un lieu concret animé de désirs, de peurs, de colères, d'envies, de jalousies, de gourmandises, de dégouts, de plaisirs. Pourtant elle lit.
Elle lit, ici, en ce moment plutôt que de se projeter, d'imaginer, de préparer, de calculer son futur, ou, au calme, accueillir son avenir toujours inattendu comme est l'avenir.

Elle lit.

Elle lit pour se distraire, avec tout ce que transporte l'idée de distraction. Elle lit pour provoquer des pensées inattendues, faire venir des questions qu'elle ne pensait pas se poser. Elle lit avec une attente quelle qu'elle soit.

Elle lit et continue d'appartenir à son milieu social, populaire, classe moyenne, petite bourgeoisie, bourgeoisie, aristocratie. Elle lit alors qu'elle est dans une vie, la sienne, dont elle ne connait pas la fin, pourtant elle lit et le livre qu'elle lit possède une dernière page, un dernier mot, un point final. Une fois refermé, il reste juste…

Que reste-t-il finalement ?

Un bon moment ?
Un oubli de soi momentanée ?
Des questions ?
Des milliers de questions peut-être ?
Et peut-être même une révélation, une transformation, une expérience inoubliable.

Eh, pourquoi ce préambule interminable pour parler des « solidarités mystérieuses par Pascal Guignard ». Pour écrire sur une histoire simple raconté à cinq voix. Une bête histoire d'amour chronologique et pourtant « dyschronique » ou chaque instant semble éternel.
Ce roman arrive dans ma vie, en synchronie avec une transformation physique (je vieilli), psychique (plus de souvenirs que de projets) et spirituel (le saut quantique de la foi vers Agapé).

Et je me demande si le roman que je viens de terminer est le même pour chaque lecteur, malgré le même enchainement de mots.
Le roman est inattendue, ou sourd l'avenir comme source sans cesse renouvelé et où le futur est enfin jugulé, tout cela dans le présent en étant PRÉSENT.
Évidement ce n'est pas un critique, mais juste un compte rendu d'expérience de lecture.

Posez vous un instant la question : pourquoi un tel compte rendu pour ce roman ?

Alors tentez l'expérience de cette même lecture et racontez-moi.

Bien à vous,

Tous.
Lien : https://tsuvadra.blog/2020/1..
Commenter  J’apprécie          162
Revenue par hasard à Dinar, la ville de son enfance, Claire, sur un coup de tête, abandonne sa vie actuelle et s'installe dans la maison de Mme Ladon, son vieux professeur de piano.
Les souvenirs et les émotions la submergent. Elle guette Simon, son amour d'enfance, devenu pharmacien et maire de la ville. Mais cette passion peut-elle renaître? Simon est marié il a un enfant, et la tragédie rôde.
Le personnage principal, dont on ne sait si elle se nomme Claire ou Clara, Marie-Claire ou encore Chara, a toujours été différente de tous ceux qui l'entourent. Traductrice, elle parle au moins quinze langues et pourrait gagner des fortunes. Mais ce qui est matériel ne l'intéresse pas. Perdue dans sa solitude, elle arpente la lande avec un vieux sac à dos dans lequel elle enfouit les déchets abandonnés par les promeneurs indélicats et qui défigurent ce paysage dans lequel elle finit par se fondre.
L'auteur nous la présente dans le premier chapitre en vision interne, puis, il nous donne l'avis de Paul, son frère, Juliette, sa fille, qu'elle a abandonnée petite, avec sa soeur et leur père, Simon, l'homme qu'elle aime. Il termine par un chapitre choral intitulé « voix sur la lande » où il donne la parole tour à tour à Jean, Juliette, Paul, le cousin Philippe Méthuen, Noëlle la serveuse, Andrée la femme de ménage, Catherine la masseuse, Fabienne la factrice, Julie la conductrice du car, Louise, le Père Calève. Tous ont leur perception personnelle De Claire et c'est au lecteur de se l'imaginer à travers les différents points de vue.
L'écriture, sublime, nous plonge dans la lande, nous fait arpenter les falaises, nous mène au bord de la mer aux côtés De Claire. Comme pour elle, tous nos sens sont en éveil: la vue des plantes et des mille couleurs chatoyantes, l'ouïe dans le bruit des vagues, l'odorat et le goût sont sollicités par le sel de la mer, le toucher vient de la caresse du vent, des gifles de la pluie, de la morsure de l'eau saline.
J'ai adoré! Ce livre est un coup de coeur
Commenter  J’apprécie          130
D'une écriture empreinte de nostalgie, Pascal Quignard nous propose une belle promenade en Bretagne où Claire, vagabondant dans son passé y revoit tous les siens.

Son frère Paul qu'elle ne croît pas aimer vraiment mais à qui elle se sent liée par « une solidarité mystérieuse ».
Jean, le prêtre, amant de Paul…
La vieille Madame Ladon que Claire choisit pour mère.
Juliette, sa fille qu'elle a abandonnée.
Simon l'homme qu'elle a aimé, qu'elle aime encore et qu'elle aimera toujours même au-delà de la mort.
Et le père Calève, le fermier voisin.
Andrée la femme de ménage …
Et tous ces personnages revenant à sa mémoire qui deviennent témoins de sa folie.

A lire, voire vivre, comme une ballade dans la lande Bretonne au gré du vent et de la pluie qui comme nulle part ailleurs vous fouette le visage.
Un roman qui séjournera longtemps dans ma mémoire.

Commenter  J’apprécie          130
====
Claire revient au pays, vers Dinard, pour le mariage de sa cousine, Mireille Methuen, fille de la tante qui l'a élevée. Sur le marché, elle rencontre Madame Ladon, Fabienne qui lui donnent des nouvelles. Et puis, il y a Simon, l'amour, l'adoré, le jamais oublié. En le rencontrant, elle retrouve sa passion intacte, voire exacerbée par les années d'absence. Pourtant, rien ne se fera comme elle aurait tant voulu. Simon est marié, père d'un garçon handicapé et… Il ne les quittera jamais, jusqu'à ce que la mort le prenne un beau matin sur son bateau. Elle a tout vu et sait… ou imagine.
La mort ne les a pas séparés. « A partir de la mort de Simon ce fut la paix. Une paix étrange, totale, vint sur Claire. Une paix inentamable atteignit Claire. Il en est allé ainsi de tous les jours qu'elle vécut à partir de là. Tout était accompli et elle survivait simplement à cet accomplissement. » Elle vit avec Simon. Il est dans les herbes et les ajoncs qu'elle foule de ses pas tranquilles ou nerveux. Il est dans les nuages, la tempête. Bref, il est avec, en elle. « Chaque soir c'est le même rêve : elle rêve qu'elle vit avec lui, elle lui raconte sa journée. Elle lui fait part des évènements du jour et lui demande ce qu'il en pense. »
C'est décidé, elle reste. Son frère vient vivre avec elle. A la mort de leurs parents, ils ont été séparés. Elle chez les parents de Mireille, lui en pension. « Il y avait entre eux une harmonie qui était étonnante à voir… c'était magique… »
La vie De Claire, ce sont les autres qui en parlent. Son frère Paul, « Je pense que ma soeur était un chemin perdu au-dessus de la mer ». Juliette sa fille, le prêtre Jean… Un livre polyphonique difficile à résumer ; un livre où le non-dit est érigé en maître mot. Ce qui frappe est de voir que personne n'a la clé De Claire, personne ne la comprend entièrement. Pourtant, l'impression qu'elle manque à tous. Les descriptions sont superbes. Je marche dans la lande bretonne au rythme des pas De Claire et des mots de Pascal Quignard. Claire aime sa lande, aime sa Bretagne. La nature la soigne la guérit, lui permet de rester debout. Elle est la roche sur laquelle elle se pose, le goéland qu'elle regarde voler, l'herbe et les fleurs où elle se couche. C'est bien simple « Elle s'était mise à sentir, en vieillissant, une odeur douce de sueur, de foin, de sel, d'iode, de mer, de granite, de lichen.»
J'aime ce titre « le solidarités mystérieuses ». Voici la définition qu'en donne Pascal Quignard : « Ce n'était pas de l'amour, le sentiment qui régnait entre eux deux. Ce n'était pas non plus une espèce de pardon automatique. C'était une solidarité mystérieuse. C'était un lien sans origine dans la mesure où aucun prétexte, aucun événement, à aucun moment, ne l'avait décidé. Bien sûr ils avaient partagé des scènes cruelles, partagé des deuils, quand ils étaient enfants, ils avaient pleuré l'un à côté de l'autre, mais jamais un pacte n'avait été prémédité et conclu entre elle et lui. »
L'écriture de Pascal Quignard m'enchante toujours autant. Quelle élégance, quelle belle façon de nous parler de la complexité des rapports humains. Je suis encore sous le charme de ma lecture.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
Commenter  J’apprécie          110




Lecteurs (564) Voir plus



Quiz Voir plus

Tous les matins du monde

En qu'elle année Pascal Quignard a-t-il écrit Tous les matins du monde?

1816
1917
1991
1899

10 questions
283 lecteurs ont répondu
Thème : Tous les matins du monde de Pascal QuignardCréer un quiz sur ce livre

{* *}