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EAN : 9782070417162
128 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.5/5   215 notes
Résumé :
Il y a un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps. On cesse de voir la vie vivre. On voit le temps qui est en train de dévorer la vie toute crue. Alors le cœur serre. On se tient à des morceau de bois pour voir encore un peu le spectacle qui saigne d'un bout à l'autre du monde et pour ne pas y tomber.
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
3,5

sur 215 notes
Ce roman court et complexe à la fois relate l'existence d'un graveur de Bruges, Meaume, amoureux des belles femmes, particulièrement de l'une d'elles, dont le fiancé le défigure en lui lançant de l'acide au visage.

S'ensuit le récit de la vie mutilée du graveur, plutôt des fragments de sa vie, dont il ne jouira jamais vraiment pleinement, amputée qu'elle est de cet amour avorté de sa jeunesse.

Meaume va bouger beaucoup durant sa vie, de Bruges vers l'Italie, Les Pyrénées, la côte atlantique et surtout Rome qui le fascine. Pascal Quignard sait emmener ses lecteurs avec délices le long de la Via Giulia, cette artère paisible de la ville éternelle qui longe un moment l'arrière du palais Farnèse. Meaume réside sur l'Aventin, ses pas le mènent vers l'église Santa Maria in Cosmedin dont l'entrée abrite la Bouche de la Vérité.

Meaume connaît d'autres femmes, une surtout, Marie, mais leur relation ne peut être pleinement aboutie. Elle l'accompagnera néanmoins dans ses errances, le fuyant parfois, mais se trouvant auprès de lui pour ses derniers instants.

Pascal Quignard égrène de très belles pensées sur l'amour, la jalousie, la fuite inexorable du temps. Il produit également de très courtes mais très belles descriptions des crépuscules, de la nuit, des montagnes pyrénéennes.

Son livre se déguste comme une succession de mets, les uns très appétissants et savoureux, d'autres n'étant que nourriture et toujours cette approche de l'art, de l'Italie qui ne peut laisser indifférent. C'est un voyage artistique et humain convaincant.

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Chanel n°5, robe de cocktail sobre et chic, tasse à thé en porcelaine fine, Earl grey et petit doigt en l'air. Oui, j'ai viré mon patchouli, mes jeans et ma cafetière d'un litre. C'est le premier effet Quignard.
Puis, j'ai écouté de la viole de gambe à la place du Velvet et abandonné ma contemplation de grands tableaux aux huiles colorées pour user mon oeil hypermétrope dans l'examen d'estampes. C'est le second effet Quignard.

Avant de lire, je savais pas. J'avais prêté ce bouquin à ma belle-mère qui me l'avait rendu en me disant: "j'y comprends rien". J'avais donc revêtu les nippes réservées aux efforts, genre séjour à Kho Lanta mais en pantalon. Je savais vraiment pas.
Maintenant, je sais. Quignard est un styliste de la langue.

Biographe de Meaume, graveur né à Paris en 1617, il construit un petit livre autour d'eaux-fortes et de manière noire. Noire destinée de Meaume qui a connu l'éblouissante blancheur du corps de Nanni. Défiguré par son rival auquel l'amante était promise, congédié illico pour cause de laideur, Meaume voyage, apprend, grave, grave de tout: des gens humbles, des scènes érotiques et prosaïques, des paysages. Sur cuivre. Et Pascal Quignard tente de transformer chacun des courts chapitres de son ouvrage en une estampe. A partir d'une gravure offerte à notre vue, il déroule son récit. Il déroule son récit et construit une gravure. C'est selon.

Meaume "fait des images qui sortent de la nuit" afin de conserver son amour perdu. Quignard fait des phrases vernies où règne insuffisamment l'ombre pour bien camoufler la posture. Dans la sècheresse voulue, il manque la désinvolture d'un Echenoz. Dans le parti pris littéraire, il manque le velouté de la pointe sèche. J'ai lu avec plaisir car le livre est écrit. Il recèle quelques fulgurances. N'en déplaise à l'écrivain lui-même (et à ma belle-mère), le livre est accessible. On ne va pas se laisser emm… par quelques flash-back.
Mais il y a le côté prout-prout, l'aspect salon parisien où l'on philosophe en creux en se regardant philosopher. La recherche de l'aphorisme au sein de la narration. "Tous les lecteurs des livres vivent dans les angles".

Dans mon angle, je me suis rhabillée confortable. Quignard est un peu trop engoncé dans son costume. Il lui manque la décontraction du dandy.
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Nous sommes à Bruges en 1639. Meaume exerce le métier d'aquafortiste, il réalise des gravures à l'eau-forte et aime clandestinement la belle Nanni.
Leur bonheur cesse le jour où le fiancé de la belle entreprend de se venger en lançant sur le visage de l'amant un flacon d'acide.
Dès lors, l'amour ne survivant pas à la mutilation, Meaume se voit abandonné. Inconsolable, il part en Italie cacher son visage hideux. Arrivé à Rome, il poursuit désespéré son oeuvre de graveur.
L'écriture de Pascal Quignard est somptueuse bien qu'il m'ait fallu quelques pages pour en apprécier toute la beauté et la musicalité.
Terrasse à Rome est un magnifique roman sur la disparition de l'amour et la solitude de l'artiste.

Challenge "Petits plaisirs 2014/2015"

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Terrasse à Rome fait assurément partie de ces livres qu'il serait présomptueux de prétendre pouvoir saisir. Certes, une ligne narrative s'en dégage, qui nous fait suivre les tribulations de Meaume, un jeune graveur du XVIIème siècle voué à l'errance après s'être retrouvé défiguré par l'eau-forte que le promis de Nanni, cette jeune femme auquel tous deux désiraient vouer leur vie, lui a par jalousie jetée en le surprenant dans les bras de sa bien-aimée, s'unissant à elle. Mais un jeu de clair-obscur s'établit vite, tandis que le récit tait autant qu'il dit : « Il gagna la servante. Ou ce fut au contraire la servante qui vint à lui. Ce point est important mais on l'ignore. ». Nous ne saurons de fait que peu de choses de cet homme, si ce n'est le chaos d'une vie qui ne peut plus se dire que par fragments dès lors qu'elle s'inscrit sous le régime de la perte : il n'en demeure qu'une silhouette qui ne se saisit que de dos, un visage marqué par des brûlures sévères et qui se cache sous un chapeau de paille, quelques dates, de mort et de naissance, un cheminement à travers une série de villes. La lumière ne se fait pas, ne se fera jamais, elle s'entrevoit seulement, ainsi que, dans la gravure, « le blanc ressort du noir » sans le supplanter totalement. de petites scènes fugaces se succèdent, dont l'on ne peut toujours définir avec certitude le statut, moment de narration, ou instant de description des scènes que Meaume s'évertue à créer au fil de sa vie. Plus exactement, tout cela s'entremêle pour dire la vie d'un homme qui ne voit son existence que par le biais d'images, que « les images attaquent », dont les extases sont des visions, et dont la vie même elle-même finit par devenir image. Celui pour qui « l'amour consiste en des images qui obsèdent l'esprit » sera ainsi celui qui verra son fils, qu'il ne connaît pas, se pencher pour l'égorger, comme dans une répétition de cette « gravure sur bois de Jean Heemkers », où « Hildebrand se trouve devant Hadubrand qui lève son arme. le père voit son fils qui s'apprête à le tuer. Il voit que son fils ne le reconnaît pas. ». La vie répète l'art, ou peut-être même que l'art crée la vie, tandis que le « berceau » devient son instrument : « On appelle berceau la masse qui graine toute la planche pour la manière noire. Par la manière noire chaque forme sur la page semble sortir de l'ombre comme un enfant du sexe de sa mère. ». Avec des personnages du nom de Marie ou d'Abraham, avec une allusion à peine voilée au mythe d'Oedipe, il est même tentant de considérer que l'art, dans l'espace de ce récit, rejoue la création, ou du moins reprend la vie à ses origines pour interroger son essence même, à travers l'illustration de plusieurs rapports au monde. Cette interrogation se place immédiatement sous le signe du contraste et de l'opposition, opposition sexuelle bien sûr, en premier lieu, mais rapidement subsumée par une opposition du noir et blanc et de la couleur, de la gravure et de la peinture, de Meaume et de Claude le Lorrain :

« Un jour Claude dit le Lorrain dit à Meaume le graveur : « Comment pouvez-vous savoir ce qui est sous l'apparence de toutes les choses ? Moi je n'y parviens pas. de toute ma vie je n'ai jamais su deviner les corps féminins que je désirais à travers les étoffes qui me séparaient de ces formes. Je ne voyais que les couleurs et leurs chatoiements. Chaque fois j'ai été surpris de mes erreurs. » Meaume lui répondit : « Vous êtes un peintre. Vous n'êtes pas un graveur voué au noir et au blanc c'est-à-dire à la concupiscence. »

L'échange artistique permet ainsi une réflexion que l'on pourrait qualifier de phénoménologique, qui s'intéresse à la question de l'apparaître : existe-t-il un « apparaître qui est propre à ce monde », que peut-on saisir de la vie, peut-on même saisir ce qu'est la vie ? le graveur, voué à la « concupiscence » n'en doute pas, qui fait de son art l'occasion de s'emparer de diverses scènes du quotidien dont toutes lui semblent dignes d'être représentées, sans exception, qu'il s'agisse de petites scènes de genre mettant en scène quelques pêcheurs, de natures mortes, ou encore de scènes érotiques ou d'accouplement dont on sait pourtant qu'elles seront par la suite qualifiées d'obscènes et brûlées. le noir dont il fait usage devient lui-même à ses yeux un symbole qui dit quelque chose de ce qui est, et qu'il permet d'explorer :

« Tous les malheureux sont nés d'une colère de leur géniteur que le plaisir qui suit n'a pas assouvie. […] Aux yeux des Anciens la colère qui est dans la mélancolie, c'est le noir qui est dans la nuit. Il n'y a jamais assez de noir pour exprimer le violent contraste qui déchire ce monde entre naissance et mort. »

Paradoxalement, la lumière tend alors à devenir ombre, une ombre qui masque, une ombre qui brûle, ainsi que l'exprime Claude dit le Lorrain, plus dubitatif : « S'il n'y a pas d'apparences de ce monde, on ne peut pas peindre des images de lui. On ne peut que peindre la lumière qui brûle ses formes. ». de fait, le Sexe et l'effroi le révélait déjà, pour Pascal Quignard seul le noir et blanc peut dire l'être tandis que la couleur « habille ».

Mais il s'agit moins ici d'illustrer cette seule perspective que d'explorer l'interstice qui s'ouvre avec la confrontation du peintre et du graveur, tandis que chaque passage devient une occasion d'en explorer davantage les enjeux, en multipliant les perspectives, les récits de rêve – en noir ou en couleurs, simultanément – prenant alors légitimement place parmi les scènes de vie, ou de descriptions d'extase, pour retirer à leur façon « la toile sur le lit et montrer », montrer non seulement « les corps qui s'aiment », mais ce qu'ils sont.
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Meaume est né l'année 1617 à Paris. Il a été apprenti chez Follin à Paris. Chez Rhuys le Réformé dans la cité de Toulouse. Chez Heemkers à Bruges. Après Bruges, il a vécu seul. A Bruges, il aimait une femme et son visage fut entièrement brûlé.
Ainsi se présente le héros dans le premier chapitre du roman. Défiguré par le fiancé de Nanni Veet Jakobsz pour avoir été l'amant de cette dernière, le graveur parcourt l'Europe du XVIIème siècle et s'établit à Rome. Il nous raconte ses rêves, ses gravures, ses voyages et ses rencontres.

De ce roman, je n'en dirai pas plus.
Je l'ai choisi par hasard, au milieu du rayon Q de ma librairie car je n'avais aucune idée pour valider cette lettre au Challenge ABC, sans doute à cause de son titre et de mon amour pour l'Italie. Je n'avais jamais entendu parler de Pascal Quignard et de ses oeuvres. le hasard fut heureux : le style est superbe ! Les phrases, dont parfois in ne saisit pas le sens, sont envoutantes.
Ce roman a été un voyage au sein de l'écriture de Quignard. Je pense sincèrement investir très bientôt dans un autre de ses livres.

Challenge ABC 2014/2015
Challenge Petits plaisirs 2014/2015
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Citations et extraits (71) Voir plus Ajouter une citation
Meaume leur dit : "Je suis né l'année 1617 à Paris. J'ai été apprenti chez Follin à Paris. Chez Rhuys le Réformé dans la cité de Toulouse. Chez Heemkers à Bruges. Après Bruges, j'ai vécu seul. A Bruges j'aimais une femme et mon visage fut entièrement brûlé. Pendant deux ans j'ai caché un visage hideux dans la falaise qui est au-dessus de Ravello en Italie. Les hommes désespérés vivent dans des angles. Tous les hommes amoureux vivent dans des angles. Tous les lecteurs des livres vivent dans des angles. Les hommes désespérés vivent accrochés dans l'espace à la manière des figures qui sont peintes sur les murs, ne respirant pas, sans parler, n'écoutant personne. La falaise qui domine le golfe de Salerne était un mur qui donnait sur la mer. Je n'ai jamais plus trouvé de joie auprès d'autres femmes qu'elle. Ce n'est pas cette joie qui me manque. C'est elle. Aussi ai-je dessiné toute ma vie un même corps dans les gestes d'étreinte dont je rêvais toujours. Les cartiers sous la protection desquels j'ai travaillé à Toulouse appelaient cartes romanesques les jeux de cartes où les honneurs figuraient des héros de roman. Cartes antiques celles qui représentaient les prophètes de la Bible ou les généraux de l'Histoire romaine. Cartes érotiques celles qui montraient les scènes qui nous font. Maintenant je vis à Rome où je grave ces scènes religieuses et ces cartes choquantes. Elles sont en vente chez le marchand d'estampes à l'enseigne de la Croix noire via Giulia."
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L'amour consiste en des images qui obsèdent l'esprit. S'ajoute à ces visions irrésistibles une conversation inépuisable qui s'adresse à un seul être auquel tout ce qu'on vit est dédié. Cet être peut être vivant ou mort. Son signalement est donné dans les rêves car dans les rêves ni la volonté ni l'intérêt ne règnent. Or, les rêves, ce sont des images. Même, d'une façon plus précise, les rêves sont à la fois les pères et les maîtres des images. Je suis un homme que les images attaquent. Je fais des images qui sortent de la nuit. J'étais voué à un amour ancien dont la chair ne s'est pas évanouie dans la réalité mais dont la vision n'a plus été possible parce que l'usage en a été accordé à un plus bel échantillon. Il n'y a pas lieu d'épiloguer davantage.
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Les absentes sont toujours là. Les grandes absentes sont de jour en jour plus hautes et l'ombres qu'elles portent plus opaque.
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Un jour sur la falaise il posa sa main sur son épaule. Aussitôt elle repoussa sa main. Meaume s'approcha de l'abîme ; il regarda les rouleaux en contrebas de la falaise. À Meaume le Graveur Marie dit alors : " Il faut me pardonner. On ne peut effleurer mes seins sans que je souffre sur le champ d'être une femme. Toutes les femmes qui sont ici sont ainsi faites.
–Même Trognon ?
–Même Trognon."
Elle ajouta plus bas, presque aussitôt : ”Vous ne le savez sans doute pas mais souvent les femmes qui vivent dans ce monde ont un mauvais souvenir."
Elle se tut.
"Mais parlez-moi, dit-elle. Parlez-moi. Dites quelque chose."
Elle pleurait.
Il prit sa main. Elle retira aussitôt sa main.
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Je pense que les lieux naturels sont des animaux comme nous. Le torrent qui dévale ou la berge qu’il creuse sont pareils à l’oiseau qui plane en attendant dans l’air ou à l’âne qui grimpe en hésitant. Les voûtes des cavernes obscures sont pleines des figures que composent les constellations. Les ourses des Pyrénées qui se dressent sur leurs pattes arrière sont d’immenses caravelles qui versent dans les typhons.
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Vidéo de Pascal Quignard
L'auteur Pascal Quignard a bâti une oeuvre érudite et sensible. Avec "Compléments à la théorie sexuelle et sur l'amour", il poursuit sa réflexion sur la sexualité et la relation amoureuse et nous parle d'art, de masochisme, ou encore de sirènes... Il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : Les Amants / René Magritte
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