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Critique de Patsales


L'histoire commence de la façon la plus romanesque qui soit: une femme observe au milieu d'un laurier l'homme qu'elle aime en embrasser une autre pendant qu'un passant la reconnaît pour son amie d'enfance. Puis Quignard se prend -Qui l'eût cru?- pour Alexandre Dumas et son héroïne se venge de l'infidèle avec plus de cruauté encore que Monte-Christo n'a fait rendre gorge à ceux qui l'ont trahi.
Avec plus de cruauté car cette vengeance est trop excessive pour n'être pas suspecte. La répudiation du compagnon volage vise à effacer toute leur vie commune; Ann fait disparaître le lieu où ils ont vécu et gomme par là-même sa propre vie: telle Médée qui, pour faire souffrir l'amant infidèle, s'arrache à elle-même ce qu'elle avait de plus précieux.
(Bon, bien sûr, le compagnon, on s'en doutait quelque peu, paie aussi pour papa qui des années auparavant a abandonné et l'épouse et la petite fille).
Ann disparaît, parcourt l'Europe et, un jour, atteint le paradis où elle s'installe.
Ann a cru à sa propre renaissance, elle a pensé pouvoir tout gagner puisqu'elle s'était dépouillée de tout. Mais cette fuite intransigeante est permise grâce à l'amitié et à un confortable compte en banque. En fait, tu n'es qu'une enfant gâtée, semble dire Quignard à son héroïne. Contrairement à ce que tu crois, tu n'as encore rien perdu. Mais cela va venir.
Et cela vient effectivement. le malheur et la solitude. le renoncement. Et au bout du bout la réconciliation avec le père. Et la musique, la création qui est possible, non pas parce que la souffrance nourrirait l'art et qu'il faudrait l'appeler de ses voeux en bon romantique masochiste, mais parce que le deuil rend humble et humain et que l'art vient plus naturellement aux humbles qu'aux orgueilleux.
Bref, c'est Quignard tel qu'on l'aime, qui nous fait la leçon en bon janséniste contemporain.
Mais je préfère tout de même ses essais à ses romans.
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