- Benedict ?
- Oui, mère ? demanda-t-il d’un ton de vertueuse patience, en faisant une fois de plus volte-face.
- Vous me tiendrez informée du résultat de votre démarche, n’est-ce pas ?
- Promis.
- Vous mentez, répliqua-t-elle avec un sourire, mais je vous pardonne. Je suis si heureuse de vous voir amoureux !
- Je ne suis pas...
- Comme vous voudrez, mon chéri, coupa-t-elle en lui faisant signe de se sauver.
- De lui ou de son frère, je ne sais lequel me tuera le premier, gémit lady Bridgerton.
- Quel frère ?
- Chacun. Tous. Les quatre. Ce ne sont que des voyous.
Des voyous qu’elle semblait adorer.
(Discussion entre Benedict et Eloïse)
- On ne t'a jamais dit que tu étais excessivement indiscrète?
- Si, tout le temps. Où étais-tu?
- Et terriblement obstinée.
- Tout le monde devrait l'être. Où étais-tu?
- T'ai-je dit que j'envisageais d'investir dans une manufacture de muselières pour jeunes filles trop curieuses?
Eloïse lui lança un coussin à la figure.
- Je n’ai pas réfléchi, murmura-t-elle, plus pour elle que pour lui.
- Je m’en suis rendu compte.
Il sourit.
- Je m’en suis rendu compte, et j’ai trouvé que c’était une bonne chose. Lorsque vous réfléchissez cela finit toujours mal pour moi.
Elle était de nouveau ce qu’elle était en réalité : une simple domestique. Il ne restait plus rien de la princesse de conte de fées qu’elle avait incarnée pendant une trop courte soirée.
- Quant à vous, reprit cette dernière à l'adresse de Benedict, attendez-moi en bas. Il faut que nous ayons une petite conversation, vous et moi.
- Je tremble de peur, fit Benedict, feignant l'effroi.
- De lui ou de son frère, je ne sais lequel me tuera le premier, gémit lady Bridgerton.
- Quel frère?
- Chacun. Tous. Les quatre. Ce ne sont que des voyous.
- Ecoute-moi bien, dit-elle d'une voix menaçante. Tu vis peut-être, ici, à Penwood Park, et tu vas peut-être partager les leçons de mes filles, mais tu n'es qu'une bâtarde, et tu ne seras jamais rien d'autre. Ne commets jamais, jamais l'erreur de te croire du même monde que nous.
Sophie laissa échapper un petit gémissement lorsque les ongles de la comtesse s'enfoncèrent dans la chair tendre sous son menton.
- Mon époux, poursuivit celle-ci, se sent lié à toi par je ne sais quelle ridicule obligation. C'est tout à fait noble de sa part de vouloir réparer ses erreurs passées, mais c'est une insulte pour moi de devoir supporter ta présence sous mon toit et de te voir nourrie, vêtue et éduquée comme si tu étais réellement sa fille.
Le plus étonnant était que chacun de ces dessins semblait avoir saisi l'essence de l'instant ; pour un peu, Sophie aurait pu entendre le glouglou de ce ruisseau ou le mugissement du vent dans les feuilles de cet arbre.
- On dit qu'une personne intelligente apprend de ses erreurs, coupa-t-elle en haussant la voix pour couvrir la sienne. Moi, je dis qu'une personne vraiment intelligente apprend aussi des erreurs des autres.
Elle était née pour venir s'abriter entre ses bras. Et il était né pour la serrer contre lui et la protéger.