Le garçon qui rêvait de voler en Cadillac

La réalité n'a plus eu aucune consistance pour lui, il s'est senti invincible.
La magie était entrée dans sa vie et il s'est mis à croire que désormais tous ses désirs seraient toujours réalisés.
Pas une minute il ne pensa qu'exaucer le désir d'un ado en lui donnant un vrai revolver n'était pas le meilleur service à rendre à un rêveur révolté.

C’est une page tragique de plus qui s’écrit sur l’Histoire de la police. Le président de la République se rendra sur les lieux cet après-midi afin de soutenir la veuve. Le tueur a réussi à prendre la fuite dans une automobile marron. Appel à témoins est lancé. La police recherche un individu seul de sexe masculin entre trente et quarante ans, de taille moyenne, avec des cheveux plutôt brun, mais peut-être poivre et sel, portant moustache, conduisant une voiture d’un modèle courant de couleur marron… Des barrages ont été établis... »

Il fallait qu'il quitte cet endroit. Il avait échafaudé tout un plan et il était en train de le peaufiner dans sa tête, allongé dans son lit, le regard rivé sur l'enseigne lumineuse de la veilleuse : « Sortie de Secours ».

La Réunion, c'était le pays le plus beau du monde pour Ranko. Il y avait des cocotiers, des bananiers, des plages de sable chaud et une mer bleu turquoise avec des barrières de corail rose. Pour Ranko, les barrières de la Réunion ne sont pas là pour séparer, mais pour protéger !

Depuis que sa mère était en prison, ils avaient tout essayé avec lui. Des centres, des familles d'accueil, chaque fois il fuguait. C’est plutôt bon signe. C’est signe de vitalité. Signe qu’il ne renonce pas. Qu’il ne se résigne pas.
Quand il pleuvait, il aimait bien mettre sa tête contre une vitre et s'imaginer des choses. Il s'imaginait à l'île de la Réunion, avec son père, qui serait pirate là-bas.
Et pour y aller, à la réunion, il se voyait volant à travers les nuages.
Il faisait souvent, la nuit, un rêve récurrent : il s'envolait à bord d’une merveilleuse voiture rose. Une immense voiture. Un paquebot.
À l’intérieur de cette fabuleuse automobile, tout était brillant. Il y avait des paillettes et des petites étoiles qui illuminaient tout l’habitacle. C’était comme s’il était au paradis.

Ce qui le reposait, chez cette fille, c’était qu’elle ne parlait pas français. Russe, tchétchène ou ukrainienne. Il n’avait jamais cherché à comprendre. Il l’avait choisie parce que malgré son maquillage, on voyait bien qu’elle n’avait pas plus de seize ans. Fraîchement débarquée. Pas curieuse. Elle était tellement préoccupée par son propre misérable sort que pour elle tous les clients se ressemblaient.