Parfois cruel le regard d'un gamin sur ses parents. Tellement rapide et simple de les juger quand on ignore tout de leur passé.
Notre narrateur lui a un père instit. Bon jusque là pas de problème, pas de quoi fouetter un chat ni fesser une vache.
Oui mais à ses heures perdues, notre instit aime bien se grimer en clown. Et là, moins drôle pour le fiston. Autant ça amuse les petits comme les grands du village, autant lui se carapaterait bien à l'autre bout du monde pour échapper à cette mascarade et cette honte familiale. Un marginal guignolesque dans la famille ça fait désordre, et faut que ça lui tombe dessus.
Jusqu'au jour où le tonton Gaston révèle l'origine des clowneries paternelles.
De ce père-clown à l'image pathétique et pitoyable, dès lors plus question. Fierté et humilité s'imposent devant mon père ce héros.
Roman court à lire d'une traite. Pas de fioritures à l'horizon : comme toujours on va à l'essentiel avec Michel Quint.
Et en si peu de pages, l'auteur réussit un tour de force en parvenant à dépeindre ses quelques personnages en profondeur. Il retrace toute la douceur d'âme dont l'homme est capable, mème dans les périodes les plus sombres de son histoire. Chacun à sa manière est ici un modèle de bravoure, de courage et de grande humanité.
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Pour moi, ce titre évoquait un film avec Jacques Villeret. Un film dont j'avais adoré la fin et tout ce que cela impliquait.
Le livre, tout petit livre de 60 pages, est parfait. Une prise de conscience de la valeur des personnes, ce qui peut se cacher derrière une attitude, un regard ; le bien et le mal n'est pas toujours où on le croit ; la guerre est souvent inhumaine, mais dévoile aussi des comportements admirables et qui forcent le respect dans la plus grande discrétion.
Merci pour ce petit livre qui fait réfléchir à ce que l'humanité peut être...
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Les jardins sont effroyables, les grenades sont touchantes, comme le dit Guillaume Apollinaire dans « Les grenadines repentantes ». La grenade « fruit » et la grenade « arme », les jardins douceurs devenus effroyables jardins, quand ils se transforment en fosses et en tranchées. Douceur et douleur cohabitent car « La vie est une grenade ».
Le récit de l’enfance du narrateur, qui ressemble à une fable, est inséré dans une histoire plus grande ; l’évocation du procès de M. Papon. La petite histoire s’insère dans la grande. Une histoire de héros ordinaires et modestes qui ont lutté contre la barbarie.
Une fable avec ce soldat allemand ; Wicki, n’ayant trouvé comme arme, contre la haine et la violence de ses supérieurs, que la dérision. Avec son personnage de clown il proteste et clame sa différence. Il se déclare homme car il fait rire, et le rire est le propre de l’homme. De merveilleuses grimaces plutôt que des grenades.
« Qui fait le clown fait l’homme», rester humain face aux bêtes sauvages, aux barbares, les déstabiliser, les humilier, les singer.
Une fable, car la délivrance des otages est miraculeuse. Elle ajoute deux héros ordinaires à l’histoire ; Nicole et l’électricien de la gare de Douai.
André, Gaston, Emile et Henri, dans la fosse, en-dessous de ce soldat clown, sont d’abord révoltés par son comportement moqueur et déplacé. Puis ils comprennent. Ils comprennent qu’eux aussi sont des hommes, qu’ils ne sont pas des bêtes en train de croupir au fond d’un trou, à la merci des exterminateurs.
La morale de cette fable est qu’il ne faut pas oublier et refuser le manichéisme.
Le narrateur a bien compris cette leçon d’humanité et ce devoir de mémoire. Il a évolué au fil du récit. Le long discours de Gaston le transforme. Il comprend que derrière le personnage de clown de son père, se cache un héros. Un héros qui rend hommage au soldat allemand Wicki. Il reconnait la grandeur des personnages de sa famille. Ce sont des héros, dont la petite histoire s’inclut dans la grande Histoire.
À son tour il fera le clown, pour témoigner en leur nom, pour leur rendre hommage.
« De mon mieux. Je ferai le clown de mon mieux. Et peut-être ainsi je parviendrai à faire l’homme, au nom de tous. Sans blâââgue ! »
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il m'ouvrait sa vie et m'offrait humblement tout ce qu'il avait, d'effroyables jardins, dévastés, sanglants, cruels.
Au matin, on a vu ses yeux. Le soleil s'est levé en plein dedans. Il n'avait pas bougé de la nuit. Et c'était pas le regard d'un idiot ni celui d'un bourreau. Nous on claquait des dents, d'avoir dormi tout recroqués l'un sur l'autre, d'un seul oeil, moitié debout moitié accroupis contre les parois du trou. On en avait des cataplasmes bouseux plein le paletot et le froc. Emile pleurait tout bas et Henri, le regard perdu, se parlait en polonais. Ton père était gaillard pourtant. Il a levé la tête, et je me souviendrai toujours de sa voix, comme à un premier matin de vacances à la mer :
- Serait-il possible qu'on nous serve le petit déjeuner? qu'il a dit au feldgardien.
Et l'autre, aussi sec, qui répond :
- Tu sais, vieux, à l'hôtel des courants d'air, le déjeuner c'est du vent!
Aucun accent. Rien. T'aurais juré un français. Et appeler ton père "vieux", comme un copain de toujours... On n'a pas trouvé catholique! Au point qu'on a cligné des yeux : des fois que les frisés nous auraient fait surveiller par un milicien... Mais non, l'uniforme était vert-de-gris, Wehrmarcht.
Parce qu'il faiait encore jour quand de la terre a boulé le long de la paro, à l'ouest. On a levé l nez et il était là. Dos au crachi, jambes pendantes dans ses bonnes bottes, fusil en bandoulière, la capote bien bouonnée assis sur des sacs, au bord de notre trou. Casque à ras le sourcil et un sourire large et benêt tu peux pas savoir comment. Notre gardien. Finalement, ils nous en avaient envoyé un. Un demeuré de tourbières, un simplet! Sûrement parce qu'il était infoutu de fire autre chose! En tout cas, même gardés par un niais, pour l'évasion on était refaits!
Il nous regardait croupir, comme ça, d'en haut, les mains aux genoux. Et tout d'un coup, tu sais pas, il nous a fait une grimace! Une grosse, une de gosse, les yeux tout riboulés, et la bouhe bouffée en cul de dindon! On est restés comme deux ronds! Il nous aurait insultés, bombardés de cailloux, pissé dessus, c'était dans l'ordre, rien à redire. Mais là, e payer la figure d'otages, faire le môme pour des hommes qui vont mourir, c'était indigne, insupportable! On a commencé à essayer de lui jeter des mottes de glaisemais ça ne servait à rien: elles nous retombaient en pleine poire! Et, par-dessus le marché, l'ostrogoth sort son briquet, son casse-croûte! Juste un quignon...Mais tu parles qu'on salivait devant! Et toujours d'une façon à pas croire, avec des efforts énormes, comme si sa poche elle avait trois kilomètres de profond, qu'il y avait des bêtes dedans qui lui mordaient les doigts! Il poussait des kaïk kaïk, des petits cis de frayeur! Alors là c'était vraiment trop! Jouer comme ça avec la nourriture devant des affamés, nous narguer: on l'aurait tué! On pouvait pas s'empêcher, on étit là, à baver devant le manger, à se dire que ce salaud se payait notre fiole et qu'on allait y passer... Mais en même temps, tu penses à ce que tu veux, qu'on était des inconscients, des moins que rien ou quoi, mais en même temps on n'a pas pu tenir, ni les autres, ni moi. Je crois que ton père a rigolé le premier de la dégaine de notre gardien et on n'a plus résisté. On a tous pété de rigolade. Ah, ah ah!
Plus on se bidonnait, là au fond, plus lui, il avait du mal à tirer son pain de sa poche. A peine sorti, à peine il avançait les dents pour surprendre la trtine qui pointqit, sa capote l lui réavalait et il en gémissait, se mordait les doigts, faisait semblant de prendre son parti, de plus penser à manger, rêvassait trois secondes, et puiss hop, tout d'un cooup, par surprise, il remontait à l'assaut de sa poche! Jamais j'ai tant ri, ton père non plus, je le sais. La chasse à la tartine! On en avait les larmes aux yeux. Et jamais on n'a pleuré avec autant de plaisir.
Qu'on allait crever, on n'y pensait plus. Nous, on n'y pensait plus, on était encore des gamins à ce point et, lui, il était rigolo à ce point... (pp.47-50)
En fait, on était quatre, à piétiner trente mètres carrés en gros. Ton père avait arpenté le diamètre, grosso-modo, et calculé l'aire, avec pi 3,14 et tout le tremblement. Résultat : trente mètres carrés.
Ça nous faisait une belle jambe. Même qu'on aurait eu un empire à se partager, du moment que c'était pour y mourir et y être enterrés tout cru, la superficie exacte on s'en tapait. Parce qu'on se disait : crénom de cadeau, on a le plaisir et le privilège de visiter notre propre tombeau !
[ Incipit ]
Certains témoins mentionnent qu'aux derniers jours du procès de Maurice Papon, la police a empêché un clown, un auguste, au demeurant fort mal maquillé et au costume de scène bien dépenaillé, de s'introduire dans la salle d'audience du palais de justice de Bordeaux. Il semble que, ce même jour, il ait attendu la sortie de l'accusé et l'ait simplement considéré, à distance, sans chercher à lui adresser la parole. L’ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde a peut-être remarqué ce clown mais rien n'est moins sûr. Plus tard, l'homme est revenu régulièrement, sans son déguisement, assister à la fin des audiences et aux plaidoiries. À chaque fois il posait sur ses genoux une mallette dont il caressait le cuir tout éraflé. Un huissier se souvient de l'avoir entendu dire, après que fut tombé le verdict :
- Sans vérité, comment peut-il y avoir de l'espoir ?
Michel Quint vous présente son ouvrage "La Printanière" aux éditions Serge Safran éditeur.
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Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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