AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de bdelhausse


Si je n'avais pas lu que Horacio Quiroga avait choisi lui-même les contes à mettre dans le recueil, j'aurais sans doute remis en cause le choix et le rapport avec le thème global. A tout le moins, j'aurais largement commenté l'idée que amour, mort et folie, c'est tellement large que beaucoup de nouvelles abordent ces thèmes. Je pense par exemple à Amok de Stefan Zweig, ou à d'autres nouvelles du même auteur.

Cela dit, la plupart des nouvelles du Quiroga de ce volume abordent les trois dimensions à chaque fois.

La mort et la la folie, Horacio Quiroga connaît. En 1879, son père meurt lors d'une fusillade, il a trois mois. En 1896, il a 7 ans quand son beau-père se suicide devant lui ; en 1915 sa premiére femme se suicide ; il tue accidentellement son ami Frederico Ferrando alors qu'il manipule un pistolet ; et il se suicide en 1937, en absorbant du cyanure, alors qu'il souffre d'un cancer de la prostate. Clairement, Quiroga porte la poisse... (je rigole)

Ce recueil se compose de quinze nouvelles dont onze se terminent par une mort, et même lorsque la mort ne frappe pas, on n'en passe pas si loin. La maladie, la folie, le désespoir rôdent à la place.

Quiroga est souvent comparé à Maupassant, comme le maître de la nouvelle latino-américaine. C'est à mon avis plus que des nouvelles. Ce sont bien des contes, avec une dimension morale, sociétale marquée. Quiroga utilise un réalisme à la limite du fantastique dans plusieurs textes. On hésit entre plusieurs acceptions, approches. Et le tout reste plausible et flou à la fois. L'auteur joue sur l'atmosphère pour faire passer son penchant pour le fantastique. C'est parfois glauque, souvent décalé. Malsain. Avec une touche de romantisme, parfois un peu suranné. C'est ce qui m'a fait penser à Zweig (avec l'idée du suicide, de l'Amérique latin, et qu'il existe un havre de paix, un ailleurs quasi inaccessible sauf en payant le prix fort. Et pour brosser le portrait des pauvres, des ouvriers, simples et besogneux, Quiroga n'a pas son pareil. On est souvent à la limite du drame social.

L'écriture, comme il est dit dans la préface, est brut, sèche. Parfois même, la syntaxe ou le vocabulaire sont défaillants.

La poule égorgée: Quelle baffe et quel écoeurement que de débuter avec une telle histoire, où 4 frères désaxés finissent par désosser leur soeur après avoir vu la bonne le faire avec une poule.

Les bateaux suicides: Une de mes préférées, un long dialogue sur les bateaux dont on ne trouvent plus l'équipage, très surréaliste, à la limite du non-sens.

Le solitaire: un bijou qui suscite la convoitise, c'est assez banal, mais quand c'est le bijoutier qui tue, on a toute la puissance de Quiroga qui s'exprime.

L'oreiller de plumes: on est dans du Jean Ray, du Thomas Owen, du Kafka, on hésite entre fantastique et réalisme, en suivant les affres d'une agonie.

La mort d'Isolde: Quiroga s'entend bien à nous montrer une situation banale -un amour perdu de vue- et à la faire dériver en la faisant enfler par la passion, le désir et la désillusion. Amok, disais-je.

À la dérive: à partir d'une morsure de serpent, Quiroga nous peint l'agonie sous forme d'une quête de délivrance.

L'insolation: la mort du maître vue par les yeux d'Old, un chiot. Personnellement je ne suis pas fan des nouvelles animales, mais cela fonctionne plutôt bien.

Les barbelés: encore plus étrange... un alezan en quête de liberté rencontre un taureau qui fanfaronne devant les vaches, en forçant les clôtures pour aller pâturer là où l'herbe est toujours plus verte. Je ne suis vraiment pas fan des animaux qui parlent...

Les tâcherons: la triste condition des ouvriers forestiers qui signent au terme d'une nuit de débauche à dépenser l'avance sur leur paie. Drame social très puissant.

Yaguaï: la vie de chien. Un fox-terrier qui ne se fait pas à sa condition et échappe à la canicule pour revenir ensuite, pour son plus grand malheur.

Les pêcheurs de grumes: une nouvelle pleine d'un humour cynique et décalé.

Le miel sylvestre: un bijou, de nouveau, de cynisme et de causticité. Les dangers de la jungle, et de l'entêtement. Une de mes préférées.

Notre première cigarette: très bien vu, la première cigarette, un garçon et une fille et tout ce que cela entraîne.

Une saison d'amour: comme dans la Mort d'Isolde, un amour ancien et déçu, mais on ne peut pas être et avoir été...

La méningite et son ombre: une jeune fille délire et dans sa fièvre; elle déclare sa flamme à un jeune homme quand elle est atteinte, mais ne se souvient de rien une fois rétablie.

Lecture d'un solitaire par Victor Fuenmayor: excellente postface qui vient éclairer Quiroga.

Ayant vécu une partie de sa vie aux abords de la forêt de Misiones, Horacio Quiroga nous expose les dangers de la forêt vierge et sauvage, peuplée de serpents monstrueux et de fourmis mangeuses d'hommes.
Mans ce recueil quelques contes où Horacio Quiroga nous fait connaître la vie paysanne de son époque, le quotidien de la vie. Pour cela, il utilise la personnification d'animaux fréquentant, côtoyant les hommes de près, chiens et chevaux notamment. La morale est implicite à chaque fois, mais très évidente.
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}