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EAN : 9782940431120
267 pages
La Baconniere (23/01/2013)
3.88/5   8 notes
Résumé :
De 1930 à 1933, à peine arrivé à Paris, Denis de Rougemont assure la direction littéraire des éditions Je sers (qui publiaient entre autres Soren Kierkegaard et Nicolas Berdiaeff). La faillite de ces éditions fin 1933 le contraint à deux ans de chômage, de 27 à 29 ans, qu'il passera en grande partie à l'île de Ré. Il y rédige un journal non-intime où il réfléchit en profondeur sur la société et sur lui-même. Si il appartenait à la mouvance des non-conformistes des a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Au seuil de la trentaine, entre 1933 et 1935, Denis de Rougemont, l'auteur de L'Amour et l'Occident que plusieurs amis m'ont conseillé, s'est retrouvé partiellement « en chômage », ou plutôt privé d'un salaire fixe et dans une situation matérielle dégradée, n'ayant plus pour seules ressources que des traductions (un job déjà précaire à l'époque !), quelques piges et d'occasionnelles conférences sur commande, notamment au sein de cercles protestants (cette source de revenus existe-t-elle encore ?). Il décide de quitter aussitôt Paris pour s'installer dans des demeures empruntées gracieusement, au confort très spartiate, d'abord à l'île de Ré, puis dans le Midi - destinations caractérisées l'une et l'autre par la grande pauvreté de l'époque pré-touristique... -, enfin, brièvement, en banlieue parisienne.
Au cours de cette période, il rédige ce journal qui, s'il refuse hélas l'intimité du vécu de sa propre condition de chômeur (et on ne lui demande pas non plus, eu égard à l'époque, d'en jauger les heurs et les malheurs !), se compose essentiellement de descriptions et de réflexions impromptues, inspirées par les lieux où il vit et leur sociologie, par les gens qu'il côtoie non sans condescendance, par son éloignement des milieux lettrés et politique de la capitale et par le sarcasme acerbe qu'ils suscitent chez lui, et surtout, il se compose de pensées sur le rôle de l'intellectuel face au « peuple » - dont on devait parler davantage alors qu'aujourd'hui, et peut-être aussi dans une acception légèrement différente. En résumé, on l'aura compris, ceci est, en filigrane, un récit sur la chose même qui est évitée au premier degré, c'est-à-dire sur le ressenti (les frustrations) de la condition du chômeur intellectuel, à peine garni d'une apologie de la frugalité qui, au vu des écrits écologistes postérieurs de l'auteur, peut presque passer pour une anticipation des théories de la décroissance.
On aura compris aussi que l'effort de devoir toujours lire en filigrane, de faire le tri entre quelques considérations vraiment intéressantes (par nécessairement sur la condition du chômeur intellectuel, d'ailleurs), des opinions politiques obsolètes car liées aux contingences de l'actualité de l'époque, et une grande masse de pièces de florilège authentiquement futiles, le tout dans une succession imprévisible, m'a fatigué, lassé, ennuyé. Pourtant la lecture au second degré devrait en appeler à l'indulgence... Mais la frustration est parfois aussi la mère de la mégalomanie. Et c'est agaçant.

Citations :
« Le bénéfice le plus certain de mon état, c'est que je me vois contraint de toucher tous les jours les limites du domaine culturel : et là seulement paraissent les absurdités sur lesquelles nous vivons depuis des siècles, dans un accord peut-être excessivement tacite. » (p. 30)

« […] il est très difficile d'aimer des hommes qui ne nous sont rien, qui ne nous demandent rien, qui peut-être ne voudraient pas même de notre aide, - (nous égale les intellectuels bourgeois). […] Par contre, il est très facile de haïr et de condamner un certain ordre de choses qui nous vexe et dont nous souffrons. Et il est très tentant d'appeler cette haine amour du peuple... » (p. 49)

« Le loisir n'est pas simplement la cessation du travail pour un repos nécessaire. Il se définit psychologiquement non par rapport au travail, mais par rapport à la sécurité matérielle qu'assurent soit le travail, soit la fortune, soit, dans mon cas particulier, l'amitié. Un chômeur intellectuel peut encore travailler – et c'est ce qui le différencie profondément d'un chômeur industriel, par exemple – mais il ne connaît plus de vrais loisirs. » (p. 59)

« Déclassé. - L'intellectuel l'est toujours. C'est qu'il est d'une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les Gentils. Pourquoi ne l'ai-je compris vraiment qu'à la faveur de ce chômage ? C'est qu'il m'a fallu m'éloigner de cette ambiance bourgeoise où l'on a convenu de cacher cela – de cacher ce fait que l'intellectuel en tant que tel est un hors-classe, un être à part, auquel on ne croit pas. (D'où sans doute l'angoisse qui pousse tant d'écrivains à gagner de l'argent, à entrer à l'Académie, voire à jouer un rôle politique : pour faire figure, pour acquérir une situation bien définie dans le corps social.) Nous sommes méprisés dans la mesure où nous sommes intellectuels, et acceptés – ou utilisés – dans la mesure où nous réussissons à nous faire passer pour des bourgeois ou des défenseurs du prolétariat. » (p. 184)
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Non seulement je ne sens pas qu'ils se méfient de moi en tant qu'intellectuel ou "spécialiste", mais encore je devine qu'ils n'estiment pas que je puisse avoir une opinion plus avertie que la leur sur les sujets que je viens de nommer. Ils ne se doutent pas que c'est de cela précisément qu'un écrivain peut faire sa "spécialité". Et rien ne les étonnerait davantage que d'apprendre un beau jour que je m'intéresse à leurs "idées", à leur situation, à leurs problèmes, et que j'en fais parfois la matière même de mon travail ...
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Je note, à l'usage d'un futur historien des mœurs, que la presse "de droite" reflète assez exactement la mentalité et les conversations de la bourgeoisie conservatrice, alors que la presse de gauche ne reflète nullement la mentalité ni les conversations populaires. C'est que les journaux socialistes et communistes sont dirigés par des bourgeois, ou par des candidats à la bourgeoisie, en tous cas par des gens qui recherchent la "considération" du peuple. D'où le ton haineux, typiquement petit-bourgeois, de certaines de ces feuilles. Je n'ai jamais retrouvé ce ton dans le peuple. S'il en paraît parfois, par accident, quelques traces ici ou là, c'est que le peuple de France lit trop de journaux, ne lit que cela, et finit par se croire "le peuple" tel que l'imaginent les bourgeois et leurs journalistes.
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Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de dédommagement. Salaire : 280 francs par mois "en comptant tout".
Sa femme fait des lessives. En été ils pêchent des palourdes et les vendent aux baigneurs. Bien entendu, je n'arrive pas à savoir combien ce petit commerce lui rapporte, "ça dépend des années".
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Il ne faut être ni riche ni pauvre, selon les mesures sociales qui ne valent jamais que pour "les autres".
Il faut simplement être libre selon la mesure de sa vocation.
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Quelques rencontres avec des écrivains impressionnés par les Soviets, aussi par le cortège de la Bastille. Je leur demande ce qu'ils pensent de la brutalité tyrannique de Staline, des camps de concentration sibériens, des fusillades massives, de l'asservissement des paysans, de la puissance des trusts étatisés, des nouveaux maréchaux rouges, de la suppression totale des libertés culturelles et politiques, etc.
Ils me répondent que tout cela n'est rien, ou n'est que provisoire et simplement "tactique", et que l'idée qui préside à tout cela est si belle et si grande qu'elle mérite bien des sacrifices...
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Video de Denis de Rougemont (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Denis de Rougemont
« […] On dira, et c'est très vrai, qu'il débordait de vie, de drôlerie, d'une sorte d'inventivité à même le quotidien dont celui-ci ne laissait pas d'être secoué. Mais il n'était pas seulement plus bouffon, plus irrespectueux que d'autres, ou plutôt il n'était pas seulement cela… J'ai bien souvent senti plus d'inquiétude et de mécontentement que de gaieté derrière cette liberté. […] J'ai parlé de mécontentement, je devrais dire lassitude, peut-être dégoût, - en tout cas une profonde impatience. […] En somme, quelqu'un de peu sérieux, d'insaisissable, quelqu'un d'intelligent et d'impossible… […] Dadelsen (1913-1957), de tout son être, participait à l'ordre profond, qui veut que la poésie soit non pas cachée, mais lointaine en tous, à chercher du côté du silence. […] Ombre, qu'ai-je à t'offrir ? Quel pain, sinon de ténèbre et de séparation ?
[…] c'est à lui, et à un très petit nombre d'autres, que je dois de comprendre un peu ce qu'est la poésie. Je sais en tout cas qu'elle apparaît rarement, parce qu'il est rare que le destin d'un homme, ouvert et déchiré ou mystérieusement apaisé, ne fasse qu'un avec son langage, et cela sans que cet homme se prévale d'une supériorité quelconque sur ceux que Dadelsen nomme en toute vérité ses frères. […] » (Henri Thomas)
« […] Il excellait en tout et passait au-delà, avec cette « brillante désinvolture » dont a parlé le Times au lendemain de sa mort. Reçu premier sur cent à l'agrégation d'allemand […], professeur de lycée à Marseille et Oran, puis successivement officier des parachutistes dans les Forces Françaises Libres […], mémorable correspondant étranger du Combat d'Albert Camus, titulaire d'une émission française de la B.B.C. qu'il rendit rapidement fameuse, finalement animateur et conseiller d'organisations européennes et internationales […], il semblait toujours que tout cela devait le conduire ailleurs, le préparait seulement… […] » (Denis de Rougemont)
« Le difficile pour Jonas : non de mourir, mais de vivre et vouloir. Et pourtant : » (Jean-Paul de Dadelsen)
0:00 - Titre
0:06 - Bach en automne, III 0:54 - Bach en automne, VII, Sur le très saint nom 3:27 - Bach en automne, Variations sur un thème de Baudelaire 4:30 - Bach en automne 6:14 - Bach en automne 7:10 - Jonas
8:47 - Générique
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Référence bibliographique : Jean-Paul de Dadelsen, Jonas, Paris, Gallimard, 1962
Image d'illustration : https://docplayer.fr/72665452-8-es-rencontres-europeennes-de-litterature-ecrire-l-alsace-avec-jean-paul-de-dadelsen-de-mars-a-novembre-2013.html
Bande sonore originale : Carlos Viola - Alexandre
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/alexandre-2
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#JeanPaulDeDadelsen #Jonas #PoésieFrançaise
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