Citations sur Les racines des ombres (11)
Le charisme n’est pas toujours héréditaire. Michel en était la preuve vivante. Sa posture, sa manière de croiser les mains dans le dos, d’être légèrement voûté en dansant d’un pied sur l’autre, le rangeait d’emblée dans le tiroir des dos ronds, ceux qui écoutent mais ne l’ouvrent pas, ou rarement. Pas vraiment porté par la spiritualité, Michel ne savait pas que « vivre, c’est apprendre à danser sous la pluie »
On a beau porter des masques à longueur de journée, dissimuler nos sentiments profonds aux yeux des autres, lorsqu’il s’agit de contact physique, c’est une autre paire de manches. Ça sonne vrai. Ou pas.
L’emblème industriel symbolisant toute l’œuvre du père se détachait à présent avec un contraste saisissant sous les yeux du fils. Il semblait le découvrir pour la toute première fois. Car avant cet instant précis, il n’avait jamais réalisé que l’étendard pouvait se lire autrement. MALLET & FILS… MALÉFICES.
Mais les moments importants n’ont pas besoin d’être mis sous verre, on se les trimballe quoi qu’il arrive, nichés au creux de son coeur. Qu’ils soient bons… ou mauvais.
Comme la nature, l’univers des voyous a horreur du vide. Une place est toujours bonne à prendre. Même en l’arrachant avec un fusil à pompe.
De nos jours, tout le monde était expert et s'arrogeait le droit de répandre sa vérité, son émotion, son ressenti. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux télé où de soi-disant spécialistes venaient régulièrement débattre en boucle sur les mêmes sujets, mais surtout s'écouter parler. Et quand une majorité bien-pensante et hargneuse s'employait à revisiter notre histoire, jugeant avec mépris les erreurs du passé en déboulonnant des statues ou en renommant des rues, au lieu d'essayer de replacer les choses dans leur contexte et de rectifier le tir ici et maintenant, Jacques sortait de ses gonds et se retenait de ne pas balancer son plasma par la fenêtre.
Lors de certaines réunions, où de dynamiques trentenaires issus de la génération digitale recrachaient leurs abréviations techniques ingurgitées en écoles de commerce, Jacques avait l'impression d'être poussé en fauteuil roulant. Il lui prenait alors l'envie de distribuer des baffes à tous ces petits singes savants donneurs de leçons et de conseils, cette génération nivelée vers le bas et autocentrée, persuadée d'incarner le monde par le seul fait d'exister.
Son père Jacques avait pris la place pour deux, l'entourant de son amour tout en le poussant toujours en avant, lui insufflant confiance en soi pour vouloir plus que les autres, se battre jusqu'au bout en toutes circonstances, que ce soit sur un terrain de foot, dans la préparation d'un examen ou auprès des filles. Savoir se faire remarquer, sortir du lot, ouvrir sa gueule lorsque la situation l'exige ou au contraire tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de dire une bêtise.
Il y avait les dominants, comme son père, et les dominés. Ceux qui se fondent dans le décor. Inutile de chercher dans quelle case on le rangeait. Oui, les gens on les range dans des tiroirs, c'est plus pratique. On sait ce qu'ils contiennent, on peut les ouvrir à loisir ou décider de les laisser fermés
Retirez le Wi-Fi à la populace et vous déclencherez une troisième guerre mondiale !